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poings se retiennent de frapper une cliente affolée. El<strong>le</strong> n’en croit pas ses<br />

yeux.<br />

« Mon Dieu, Raphaël, que se passe-t-il ?<br />

- Excusez !» Bougonne l’ado<strong>le</strong>scent avant de sauter sur son vieux vélo<br />

qui l’attendait patiemment contre la haie de laurier.<br />

Raphaël Jadot qui vient d’avoir seize ans est d’habitude d’un<br />

tempérament calme et posé.<br />

«Salaud ! Grogne-t-il. Je l’dirais à tout <strong>le</strong> monde ! »<br />

Il péda<strong>le</strong> avec fureur et manque renverser un pépé au béret enfoncé sur<br />

<strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s qui se dépêche, en poussant fort sur sa canne, pour rentrer<br />

chez lui avant la pluie. Raphaël rou<strong>le</strong> à toute allure devant l’éco<strong>le</strong> Lataste<br />

et fi<strong>le</strong> tout droit vers la rue de la Gendarmerie. A sa gauche somno<strong>le</strong><br />

l’ancien abattoir qui laissait parfois s’échapper un bœuf affolé par l’odeur<br />

de la mort. Il est vrai que <strong>le</strong> cimetière n’est qu’à cinquante mètres de<br />

l’abattoir. Derrière <strong>le</strong>s murs couverts de lichen gris du cimetière et <strong>le</strong>s<br />

croix de fer forgé rongées par la rouil<strong>le</strong>, des tombes sont si vieil<strong>le</strong>s<br />

qu’el<strong>le</strong>s se soulèvent ou se penchent de côté. On y a coupé <strong>le</strong>s grands<br />

cyprès qui craquaient la nuit comme des os desséchés en faisant fuir <strong>le</strong>s<br />

jeunes amoureux et p<strong>le</strong>urer <strong>le</strong>s fous de l’hôpital, de l’autre côte de la<br />

route.<br />

Raphaël ne voit rien de tout cela. Ses longs cheveux cou<strong>le</strong>ur de<br />

châtaigne sont retenus sous une casquette de Base Ball rouge. Sa colère<br />

l’oppresse. Il est tout vrillé autour de sa rage. Il péda<strong>le</strong> vite en exhalant<br />

son courroux. Les larmes cou<strong>le</strong>nt sur son beau visage d’ado<strong>le</strong>scent. On<br />

pourrait croire que ce sont des gouttes de transpiration mais <strong>le</strong> rictus amer<br />

de sa bouche en dit long sur sa fureur.<br />

Une moby<strong>le</strong>tte pétarade derrière lui. C’est Mohamed, <strong>le</strong> fils<br />

d’Abdulhah, celui qui fait <strong>le</strong>s jardins et brico<strong>le</strong> la mécanique.<br />

«Salut Raphaël ! Crie-t-il en <strong>le</strong> dépassant, couché sur son engin qui fait<br />

plus de bruit qu’une Har<strong>le</strong>y. Dépêche-toi, y va p<strong>le</strong>uvoir ! »<br />

Raphaël n’entend rien, ne voit rien et ne sent pas l’odeur de la pluie.<br />

Sa gorge est douloureuse. Il a l’impression d’avoir avalé un hérisson. Il<br />

longe <strong>le</strong> mur de l’hôpital, gril<strong>le</strong> <strong>le</strong> Stop où deux Marocains se sont<br />

percutés la veil<strong>le</strong> et fi<strong>le</strong> sur la route de Saint Macaire. Il parvient auprès<br />

des cages à lapins HLM, un monument cadeau de l’époque Pompidou.<br />

Il s’arrête devant <strong>le</strong> premier bâtiment, saute à terre et se souvient de<br />

mettre l’antivol sur sa vieil<strong>le</strong> bécane démodée. L’ado<strong>le</strong>scent ouvre<br />

vio<strong>le</strong>mment la porte battante. Le rasta sénégalais qui fait concierge<br />

parlotte avec <strong>le</strong> jeune Mohamed dans <strong>le</strong> hall d’entrée. Bouche bée, il<br />

regarde l’ouragan qui passe.<br />

« Hé Raphaël ! Qu’est-ce que t’arrive, con ?<br />

-T’occupes ! Laisse-moi tranquil<strong>le</strong> !<br />

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