02.07.2013 Views

Lire le livre

Lire le livre

Lire le livre

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Ce soir là, il est onze heures quand Gonzague se retrouve seul avec<br />

Cédric au bord du feu dont <strong>le</strong>s brandons s’éteignent doucement. Il y<br />

traîne encore l’odeur acre du bois qui se consume et cel<strong>le</strong> légèrement<br />

sucrée du tabac de pipe. Les autres sont rentrés se coucher. Gonzague a<br />

vidé une bouteil<strong>le</strong> de brandy à lui seul. Après la dernière gorgée, il se met<br />

à p<strong>le</strong>urer de chaudes larmes, puis à rire comme un idiot. Il brû<strong>le</strong> la<br />

semel<strong>le</strong> de ses Nike en poussant <strong>le</strong>s braises avec <strong>le</strong> pied. Une odeur de<br />

caoutchouc brûlé lui monte aux narines, puis au cerveau et y trouve<br />

quelques neurones non imbibés d’alcool. C’est <strong>le</strong> déclic de la colère. Il<br />

hur<strong>le</strong> des insanités vers <strong>le</strong> ciel. Celui-ci fait la sourde oreil<strong>le</strong>. Il gueu<strong>le</strong><br />

encore plus fort et Cédric s’efforce de <strong>le</strong> faire taire.<br />

« Conard, trou du cul, rat du Karoo, raté de la toiture, pédé du désert,<br />

émigré fané, mouton qui pue du cul !<br />

-Arête Gonzague! Bafouil<strong>le</strong> son frère. Tu vas tout bousil<strong>le</strong>r.<br />

-Pourquoi on est venu ici ? P<strong>le</strong>urniche-t-il à présent. C’est du tout<br />

pourri. Y’a pas d’fil<strong>le</strong>s, pas d’argent, pas d’viande. Seu<strong>le</strong>ment un<br />

connard qu’a pas d’pèse et qui m’ fait flipper…<br />

-Par<strong>le</strong> moins fort, Gonzague !<br />

-Et pourquoi il part tous <strong>le</strong>s jours se balader et nous laisse seuls ?<br />

-Parce qu’on refuse de bouffer d’la poussière. Tu <strong>le</strong> sais bien.<br />

-Y croit p’t’être que j’vais lui faire des courbettes pour son héritage de<br />

merde. Deux montagnes et trois moutons ! »<br />

L’aîné éclate d’un rire nerveux.<br />

« J’suis venu ici parce que mon connard de paternel m’a fait croire qu’y<br />

avait des millions ! Pfft… Rien! Que dal<strong>le</strong>! Même pas un compte<br />

d’épargne!<br />

-Plus que deux semaines et on rentre, chuchote Cédric. Prend patience !<br />

-Et avec quoi j’vais m’saou<strong>le</strong>r la gueu<strong>le</strong> pendant deux semaines pour<br />

tenir <strong>le</strong> coup? Avec la pisse de mouton ?<br />

-N’oublie pas ce que maman a dit, murmure Cédric. Les plus riches,<br />

c’est ceux qui n’en ont pas l’air.<br />

-El<strong>le</strong> n’y connaît rien! »<br />

Une ombre se faufi<strong>le</strong> derrière <strong>le</strong> coin de la bâtisse, poursuivie par la<br />

faib<strong>le</strong> lueur rouge d’un culot de pipe.<br />

*<br />

156

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!