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2004<br />

342<br />

CÉLÉBRATION<br />

DU PREMIER CENTENAIRE<br />

DU CODE CIVIL<br />

Cent ans, jour pour jour, après la promulgation de la loi du 30 ventôse<br />

an XII coordonnant les trente-six lois constituant le Code civil des Français,<br />

le Journal des tribunaux organisait une célébration de ce monument<br />

législatif. Cette célébration a été un événement marquant du J.T.<br />

A l’époque, ce grand périodique (il se développait sur 48 × 32 cm) paraissant<br />

deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche.<br />

Dès le dimanche 13 mars, commença dans le J.T. un battage assez moderne<br />

pour l’époque. On y lit en première page : « Le J.T. commémorant<br />

le plus grand événement juridique des temps modernes organisera le<br />

lundi 21 mars prochain une cérémonie solennelle dont il fera connaître<br />

dans notre prochain numéro l’ordonnance ».<br />

Le jeudi 17, en première page encore, la rédaction insiste : « Dans quatre<br />

jours le Code civil des Français aura cent ans... ». L’éditorial n’est pas signé,<br />

mais il est probable qu’il est d’Edmond Picard si on y retrouve les thèses<br />

qu’il défend avec constance et enthousiasme. Qu’on en juge : ...« Dire et<br />

montrer la grandeur et la bonté du droit, dire et montrer que seul il est fécond,<br />

dire et montrer qu’il est le plus merveilleux instrument du progrès, et<br />

que chacun de ses perfectionnements est un événement plus considérable<br />

dans l’histoire humaine que les victoires ou les défaites des armées, dire et<br />

montrer cela chaque fois que l’occasion s’en présente, mais surtout quand<br />

l’occasion est solennelle comme elle le sera le 21 mars 1904, c’est faire un<br />

de ces efforts utiles, que parmi l’inaction générale en Belgique du monde judiciaire,<br />

le Journal des tribunaux essaiera d’accomplir ».<br />

Le dimanche 20 mars, enfin, apparaît, toujours en première page, le<br />

gros titre en gras : « Centenaire du Code civil : 30 ventôse an XII -<br />

21 mars 1904 ». Dans le style un peu ampoulé qui est le sien en ce début<br />

du siècle passé, le programme de la cérémonie est annoncé : « à l’égal<br />

de la loi des XII tables, du Corpus juris de Justinien, de la loi salique,<br />

le Code Napoléon est un des événements les plus fameux de l’évolution<br />

juridique des peuples de race européenne ».<br />

La séance sera publique et, chose exceptionnelle, les dames sont conviées.<br />

Les orateurs seront : M. Jules de Le Cour, premier président de la<br />

cour d’appel, M e Thomas Braun, 26 ans, au nom du J.T. C’est le plus<br />

jeune. Il vient de prononcer le discours de rentrée de la Conférence du<br />

Jeune barreau de Bruxelles. Sur le centenaire du Code civil, précisément<br />

M e Léon de La Croix, président du Jeune barreau, M. Gustave Beltjens,<br />

conseiller à la Cour de cassation, M. Edmond Picard, sénateur et<br />

M e Jules Lejeune, ministre d’Etat.<br />

Le lundi 21 mars la cérémonie se déroule avec faste dans la salle des assises,<br />

spécialement choisie pour la raison que, explique Picard, « le jury<br />

qui y est appelé à rendre la justice est une émanation de la puissance populaire<br />

et que nous voulons témoigner ainsi que la célébration du grand<br />

événement se fait par le peuple et pour le peuple ».<br />

L’élément féminin était en nombre et élégant et, écrit J. Adrian, au<br />

grand dam d’Edmond Picard, les discours parfois un peu longs ressemblaient<br />

davantage à des actes d’accusation que d’illustration d’un code<br />

dont ils dressaient sans vergogne l’inventaire des défauts, imperfections,<br />

lacunes, manques etc.<br />

Si aux sièges des jurés, le chroniqueur remarque la présence des professeurs<br />

de droit civil de l’Université libre de Bruxelles M. Eugène Hanssens, et de<br />

l’Université libre de Liège, M. Charles Dejace, M. Eugène van Biervliet de<br />

l’Université catholique de Louvain n’est cité ni comme présent ni comme<br />

excusé et pourtant, tout comme ses deux collègues, il a participé à la rédaction<br />

des gros recueils d’études relatives au Code civil édités à l’initiative de<br />

« La Société d’études législatives de Paris » (Livre d’or du Code civil - Livre<br />

du centenaire 1804-1904, 2 vol., 1128 pages sur papier de luxe, avec préface<br />

d’Albert Sorel de l’Académie française, éd., Rousseau, Paris).<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

Le jeudi suivant un numéro spécial du J.T. reproduit in extenso tous les<br />

discours. Le nombre de colonnes est doublé. Il est ainsi porté à 32, et<br />

néanmoins vendu au même prix de vingt centimes. Pour la circonstance<br />

il est imprimé sur un superbe papier crème qui protège ce seul numéro<br />

de la collection de la décomposition qui la gagne. Il s’orne, en première<br />

page, d’un tableau de l’an XII signé Ingres. Le jeune premier consul s’y<br />

présente, en pied, avantageux dans un costume dont on verrait, si la reproduction<br />

était en couleurs, ou si on le regardait au Musée de Liège,<br />

qu’il est de velours nacarat. Bonaparte pose la main droite sur un écrit<br />

— qui n’est pas le Code civil — tandis que, dans l’entrebâillement des<br />

tentures apparaît une vue de Liège. On raconte qu’Ingres, ou son atelier<br />

a ou ont dû exécuter plus de vingt de ces tableaux, tous identiques à<br />

l’exception de la vue de la ville à laquelle il était destiné!<br />

Vous étonnerais-je, en vous disant qu’Edmond Picard s’est réservé la part du<br />

lion? On avait demandé aux orateurs de limiter leur intervention à dix minutes.<br />

Les trois premiers respectèrent scrupuleusement leur engagement.<br />

M. Beltjens parlera vingt-cinq minutes. Picard, sans notes, pendant près<br />

d’une heure, tant et si bien que le ministre Lejeune dut rentrer son discours<br />

(il se rattrapera lors de la séance d’apparat organisée dans le grand amphithéâtre<br />

de la Sorbonne, le 28 octobre, en présence de M. Loubet assis sur le<br />

fameux trône qui, depuis la République, a pris des allures de fauteuil et de<br />

la musique du 28e régiment d’infanterie : cf. J.T., 1903, col. 1164 et s.).<br />

Dans sa brève introduction, M. de le Court nous apprend qu’en Belgique<br />

une commission composée de magistrats et de professeurs d’université<br />

a été chargée en 1884 de reviser le Code (ou plus précisément<br />

d’« en remanier certaines parties et rédiger certains textes de manière à<br />

faire disparaître des controverses ») et que ses travaux en sont déjà arrivés<br />

au quatrième livre. Qu’en est-il advenu? Je n’ai pas connu qu’ils<br />

aient abouti. Pas davantage que la tentative du professeur François Laurent<br />

dont l’avant-projet — quoique terminé — n’a jamais été présenté à<br />

la Chambre (il a été publié en six forts volumes chez Bruylant).<br />

Me Thomas Braun dit un texte tellement drôle et fleuri qu’on regrette qu’il<br />

ait respecté la discipline. On s’en console en lisant le discours qu’il a prononcé<br />

à la dernière rentrée du Jeune barreau de Bruxelles, le samedi<br />

7 novembre 1903 (cf. J.T., 15 déc. 1903, col. 1153 et s.) sur « Le centenaire<br />

du Code Napoléon ». Mais il est difficile de trouver ces journaux. Il est malaisé<br />

de les porter et de les ouvrir. Je voudrais vous aider. A votre intention<br />

je retranscris donc la prière par laquelle se termine son intervention :<br />

... « Qu’il me soit permis petit livre jubilaire (ici j’entends Jafson, Tertius<br />

et Rhadamante émettre un petit tss, tss... réprobateur) d’exprimer<br />

des souhaits plus fervents.<br />

» Depuis cent ans tu garantis au Tiers Etat le respect de ses droits.<br />

» Jamais le propriétaire, le patron, le marchand, le père, le mari n’invoqua<br />

en vain ton secours.<br />

» Les temps de mieux faire sont venus.<br />

» Le temps de protéger le faible contre le fort.<br />

» Etends ton égide sur les petits, les enfants, les femmes, les travailleurs.<br />

» Ecoute leurs voix pitoyables...<br />

» Rends à leur personne humaine, créée à l’image et la ressemblance de<br />

Dieu, la dignité et la liberté...<br />

» Préviens leurs révoltes, leurs haines, leurs luttes fratricides.<br />

» Va à eux avec douceur, avec tendresse.<br />

» Relève-les.<br />

» Aide-les à s’unir.<br />

» Aide-les à s’entre-soutenir.<br />

» Aide-les à vivre.<br />

» Code civil, deviens le Code social. Et, si tu réalises notre ambition de<br />

faire régner la justice parmi les hommes, tes préceptes se confondront<br />

avec ceux de l’évangile.<br />

» Car elle est chrétienne, l’idée de réprouver l’abus des richesses ».

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