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2004<br />

320<br />

A la veille du Code civil, le louage d’ouvrage constituait donc le contrat<br />

de service de droit commun, ce qui ne signifiait toutefois pas que ce<br />

contrat fût soumis à des règles uniformes.<br />

La division du chapitre du Code civil relatif à ce contrat en trois sections<br />

(contrat de travail, de transport et d’entreprise) fait écho à des distinctions<br />

traditionnelles. Les intermédiaires commerciaux, qu’ils fussent<br />

commissionnaires ou courtiers, étaient, quant à eux, soumis par analogie<br />

aux règles du mandat qui s’appliquaient ainsi aux prestations de service<br />

d’ordre intellectuel (9).<br />

7. — Si l’admission, en 1804, d’un dépôt salarié ne devait guère poser de<br />

difficulté en raison de la particularité de l’objet de ce type de convention,<br />

il n’en allait pas de même pour le mandat. Aussi, au cours du XIX e siècle,<br />

s’est développée l’idée que si le mandataire s’engageait à « faire quelque<br />

chose » pour le mandant, ce « quelque chose » ne pouvait être qu’un acte<br />

juridique (10). Le Code civil envisage en effet essentiellement le mandat<br />

« représentatif » (le mandat, ou procuration, « par lequel une personne<br />

donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en<br />

son nom »). Or, suivant une affirmation apparue à la même époque, la représentation<br />

ne se concevrait que pour les actes juridiques et non pour les<br />

faits juridiques, ni a fortiori pour les faits matériels (11).<br />

Cette affirmation est cependant loin de se vérifier en droit positif (12).<br />

Elle est écartée en matière de représentation organique (le fait de l’organe<br />

s’identifie à celui de la personne morale) (13). Elle est sérieusement<br />

battue en brèche par la Cour de cassation en matière de représentation<br />

contractuelle (la faute quasi délictuelle du mandataire engage en<br />

effet le mandant lorsqu’elle est indissociable de l’accomplissement de<br />

l’acte juridique qui forme l’objet du mandat) (14).<br />

Un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2001 semble même admettre<br />

une représentation totalement parfaite du mandant par le mandataire<br />

en cas de culpa in contrahendo. Il énonce, en effet, que « lorsqu’un<br />

organe d’une société ou un mandataire agissant dans le cadre de son<br />

mandat commet une faute ne constituant pas un délit au cours de négociations<br />

donnant lieu à la conclusion d’un contrat, cette faute engage<br />

non pas la responsabilité de l’administrateur ou du mandataire, mais<br />

celle de la société ou de son mandant » (15) (16).<br />

On sait par ailleurs que notre droit connaît des mandats sans représentation,<br />

comme la commission (17). Or, il va de soi que, pour ceux-ci, la<br />

(9) Voy. Domat, op. cit., t. I, première partie, liv. I, tit. XV et s.<br />

(10) Pour une analyse de ce phénomène, L. Simont, « Exposé introductif », Les<br />

intermédiaires commerciaux, Bruxelles, Jeune barreau, 1990, n o 7, p. 10 et réf.<br />

(11) Sur cette formule, voy. notam., L. Josserand, Cours de droit civil positif français,<br />

t. II, 2 e éd., n o 1400; L. Cornelis, Algemene theorie van de verbintenis, Anvers-Groningen,<br />

Interscientia, 2000, n o 29 et Principes du droit belge de la responsabilité<br />

civile - L’acte illicite, Bruxelles, Bruylant, Anvers, Apeldoorn, Maklu<br />

et Bruxelles, Ced-Samsom, 1991, n o 252; Ph. Petel, v o « Représentation », précité,<br />

Encycl. Dalloz, Rép. dr. civ., 2 e éd., n os 5 à 17; M. Storck, Le mécanisme de la<br />

représentation dans les actes juridiques, Paris, L.G.D.J., 1982, n o 259; comp.<br />

H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. I, 3 e éd., n os 31 à 33 et t. V,<br />

2 e éd., n os 355, 361 et 452, comp. t. II, 3 e éd., n o 243; cons. M. Grégoire et M. von<br />

Kuegelgen, « Le mandat - Aspects controversés », in Les contrats spéciaux,<br />

C.U.P., vol. XXXIV, nov. 1999, n os 2 et s., pp. 161 et s.<br />

(12) Voy. notam., P.-A. Foriers, « Aspects de la représentation en matière<br />

contractuelle », Les obligations contractuelles, Bruxelles, Jeune barreau de<br />

Bruxelles, 2000, n os 36 et s., pp. 264 et s.<br />

(13) J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. I, 1 re éd., n os 369 et s.;<br />

L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité (précité), n os 262 et s.<br />

(14) Cass., 22 avril 1985, Pas., 1985, I, n o 496, p. 1021; Cass., 21 sept. 1987,<br />

Pas., 1988, I, n o 39, p. 77 (qui vise le cas de la ratification de l’engagement pris<br />

par un porte-fort).<br />

(15) Les soulignés sont du soussigné.<br />

(16) Pas., 2001, I, n o 94, p. 301; R.D.C. 2002, p. 698, note C. Geys; comp.<br />

Cass., 11 sept. 2001, P.99.1742.N. à propos d’un délit; sur l’arrêt du 16 février<br />

2001, cons. P.-A. Foriers, « Les obligations de l’entrepreneur : les sanctions de<br />

l’inexécution », in Contrat d’entreprise et droit de la construction, C.U.P., mai<br />

2003, vol. 63, n o 5, pp. 12 et s.<br />

(17) Voy. en France sur ce point, Fr. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, op. cit.,<br />

n os 660 et s.; M.L. Izorche, « A propos du mandat sans représentation », D.,<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

représentation ne saurait constituer un argument justifiant que le mandat<br />

ne puisse porter que sur des actes juridiques.<br />

Aussi ferme que soit la jurisprudence des Cours de cassation de France<br />

et de Belgique sur la définition du mandat (18), elle ne s’impose donc<br />

pas avec la force de l’évidence. Et on comprend dès lors que les juges<br />

du fond, en présence de contrats de prestation de services d’ordre intellectuel,<br />

hésitent entre le mandat et l’entreprise.<br />

8. — Cela étant, l’indigence du Code civil en matière d’entreprise a permis<br />

aux solutions anciennes de survivre au travers des usages. Qu’on le<br />

veuille ou non, le droit du mandat est omniprésent dans le contrat qui lie<br />

l’avocat à son client, il influence en outre clairement le droit du courtage.<br />

La force d’attraction du mandat sur ce dernier est telle que<br />

MM. Collart Dutilleul et Delebecque en traitent, dans la dernière édition<br />

de leur précis, parmi les mandats particuliers (19).<br />

Il est vrai que les avocats comme les courtiers sont par ailleurs souvent les<br />

« mandataires » de leurs clients, que la relation entre parties présente un caractère<br />

intuitu personae marqué et que les règles propres au contrat de mandat<br />

offrent au client une protection plus large que celles de l’entreprise, notamment<br />

en termes de résiliation de la convention et de révision de la rémunération<br />

convenue. Le juge aura donc une tendance naturelle à se tourner<br />

vers le mandat, quitte à procéder artificiellement à une requalification.<br />

On peut toutefois se demander, plus simplement, si les règles du mandat ne<br />

sont pas mieux adaptées que celles du contrat d’entreprise aux contrats de<br />

prestations de service d’ordre essentiellement intellectuel en dehors du domaine<br />

de la construction et de l’entreprise mobilière. Ce ne serait donc pas<br />

par hasard si le droit suisse fait du mandat une sorte de contrat de services<br />

résiduaire (20), ce qui finalement ne serait pas fondamentalement différent<br />

de la pratique de l’ancien droit où les règles du mandat dépassaient de loin<br />

le mandat au sens strict du terme (le mandat essentiellement gratuit).<br />

Ce qui a été qualifié d’« hypertrophie du concept de mandat » (21) ne<br />

traduit-il dès lors pas un premier essai de réorganisation des contrats de<br />

service autour de certains principes communs qui transcendent les qualifications<br />

classiques (22)? On peut le penser.<br />

II. — VERS UNE RÉORGANISATION<br />

DU DROIT DES CONTRATS DE SERVICES<br />

1. — Le droit commun des contrats de services<br />

9. — Un point paraît certain : les contrats de service obéissent à un certain<br />

nombre de règles communes, les unes découlant de principes paraissant<br />

constituer un droit commun propre à ce type de contrat, les<br />

autres découlant du droit commun des obligations contractuelles.<br />

1999, chron., p. 369; Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, Paris, Economica,<br />

1981, n os 236 et s.; en Belgique : B. Tilleman, Le mandat, Diegem, Kluwer,<br />

1999, n os 1 à 11; L. Simont, « Exposé introductif », Les intermédiaires commerciaux,<br />

Bruxelles, Jeune barreau, 1990, n os 9 et s., pp. 11 et s.; P.-A. Foriers, « Le<br />

droit commun des intermédiaires commerciaux : courtiers, commissaires,<br />

agents », Les intermédiaires commerciaux, n os 5 et 6, pp. 32 et 33; comp.<br />

P. Wéry, « Le mandat », Rép. not., 2000, n os 1 et 11.<br />

(18) Cass., 29 avril 1988, Pas., 1988, I, n o 528, p. 1032, spéc. 1035; Cass.,<br />

25 mars 1993, Pas., 1993, I, n o 160, p. 328; Cass. fr. civ., 16 juill. 1998, J.C.P.,<br />

éd. E, 1998, 1666, Bull. civ., I, n o 244; cons. Ph. le Tourneau, « Le mandat »,<br />

Rép. dr. civil, Dalloz, 2000, n o 72.<br />

(19) Fr. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, op. cit., n os 668 et s. Ces auteurs<br />

ne contestent cependant pas que le mandat doit porter sur un acte juridique (op.<br />

cit., n o 639) et que le courtier ne conclut en principe aucune opération au nom<br />

ou pour le compte de son donneur d’ordre.<br />

(20) Suivant l’article 394 C.O. « les règles du mandat s’appliquent aux travaux<br />

qui ne sont pas soumis aux dispositions légales régissant d’autres contrats ».<br />

(21) P. Wéry, « Le mandat », Rép. not., 2000, n o 173, p. 219.<br />

(22) Comp. dans un sens analogue, Fr. Glansdorff, op. cit., Aspects récents du<br />

droit des contrats, n o 5, p. 71.

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