p17un88fmnup43iolnfachbsf1.pdf
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
2004<br />
288<br />
Certes, les conditions posées à la réalisation de ce pacte successoral entre<br />
époux — brevitatis causa : qu’il soit conclu dans le cadre de<br />
« secondes noces » — restreignent fort la portée de la loi. Il n’empêche<br />
qu’elle ébranle les acquis successoraux du conjoint de 1981.<br />
Déjà en 1981, à un moment où l’institution du mariage commençait à<br />
être sérieusement mise à mal, d’aucuns s’interrogeaient sur la raison de<br />
donner une réserve héréditaire au conjoint.<br />
Pourtant, elle se justifiait pleinement d’abord par le fait que, de nos<br />
jours, le conjoint prend une plus grande part dans la constitution du patrimoine<br />
du défunt. La réserve du conjoint est, au surplus, comme<br />
l’exercice posthume du secours que les époux se sont promis (3).<br />
A l’avenir, l’accent devra être mis sur le deuxième fondement. Pourquoi?<br />
Parce que, de plus en plus souvent, pour ne pas devoir faire appel<br />
à leurs proches ou parce qu’ils ne pourront plus le faire, les conjoints<br />
auront besoin de leur patrimoine pour assurer ensemble leur survie<br />
après la fin de leur vie de travail. Et lorsqu’un des deux viendra à mourir,<br />
il sera juste, à notre estime, que le survivant — même s’il est le second,<br />
voire le troisième conjoint du défunt — qui aura rempli son devoir<br />
d’assistance à l’égard de ce dernier au cours de l’ultime période de sa<br />
vie, soit assuré de jouir de conditions de vie identiques à celles que le<br />
défunt lui procurait de son vivant. N’oublions pas, en effet, qu’entre<br />
époux, l’obligation alimentaire est fonction moins des besoins du créancier<br />
que du niveau de vie du débiteur.<br />
Nous pensons donc que loin de conduire à supprimer la réserve du conjoint,<br />
les conditions de vie de demain devraient amener le législateur à<br />
la consolider.<br />
La logique du fondement alimentaire se satisfera toujours d’une réserve<br />
en usufruit seulement, d’autant qu’elle permettra de satisfaire également,<br />
dans la mesure où elle subsistera, l’idée de conservation des biens<br />
dans la famille.<br />
En revanche, il ne se justifiera plus qu’elle ne soit que de la moitié de la<br />
masse de l’article 922 du Code civil, voire de l’usufruit des biens préférentiels.<br />
D’abord, il y a là une discrimination à l’égard d’époux qui ne<br />
possèdent pas de biens préférentiels. Ensuite, la logique du fondement<br />
alimentaire de la réserve du conjoint — lui assurer le niveau de vie qu’il<br />
connaissait du vivant du conjoint prédécédé — conduit logiquement à<br />
étendre la réserve à tout le patrimoine successoral.<br />
Evidemment, ceci réduira à la nue-propriété le droit de disposition du<br />
futur défunt, ce qui pourra s’avérer excessif dans certains cas. Aussi<br />
bien, pour rencontrer l’objection, on pourra peut-être songer à faire<br />
échapper à l’action en réduction du conjoint les donations faites par le<br />
défunt auxquelles le survivant aurait expressément consenti.<br />
Quant aux droits successoraux ab intestat du conjoint, en présence de<br />
descendants du défunt, ils pourront toujours être comme aujourd’hui de<br />
l’usufruit de la totalité du patrimoine.<br />
Sans doute sera-t-il souhaitable, cependant, d’adapter le régime de<br />
l’usufruit. Il convenait peut-être bien dans une économie agricole de<br />
subsistance. Il est, au contraire, inadapté à un système économique semblable<br />
au nôtre, dans lequel il ne faut pas devoir conserver indéfiniment<br />
aux biens leur affectation originelle, mais il faut, au contraire, pouvoir<br />
les échanger contre d’autres biens plus productifs, les aliéner pour réinvestir<br />
leur prix, les conserver tout en modifiant leur affectation, etc.<br />
Les droits successoraux ab intestat du conjoint en concours avec<br />
d’autres que des descendants, devraient, au contraire, à l’avenir, s’étendre<br />
à la totalité des biens en propriété. C’est, en effet, dans cette hypothèse<br />
qu’il ne se justifierait plus que joue l’idée de conservation des<br />
biens dans la famille.<br />
Paul DELNOY<br />
(3) P. Delnoy, « L’usufruit des biens préférentiels et la réserve du conjoint<br />
survivant », in Le statut civil du conjoint survivant, Les journées notariales de<br />
Liège, Fédération royale des notaires de Belgique, 1977, pp. 111-112.<br />
J.T. n° 6132 - 12/2004<br />
Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />
aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />
DES DONATIONS ENTRE VIFS<br />
ET DES TESTAMENTS<br />
Livre III - Titre II<br />
Une grande stabilité, dans les textes, caractérise le livre III, titre II, traitant<br />
Des donations entre vifs et des testaments (1) puisque les<br />
articles 893 à 1099 du Code Napoléon demeurent pratiquement tous<br />
dans le Code de 2004. Par contre, l’œuvre jurisprudentielle fut féconde.<br />
Respectueuse des textes, elle les a adaptés aux évolutions sociologiques<br />
et aux instruments juridiques modernes.<br />
I. — DE CERTAINS TEXTES NOUVEAUX<br />
Pour l’essentiel, ils ont façonné une nouvelle structure des libéralités au sein<br />
de la famille, facilitant celles-ci, surtout, au profit du conjoint et des enfants<br />
du couple, les protégeant aussi mieux de la dispersion du patrimoine.<br />
1. — La loi du 14 juillet 1976 sur les régimes matrimoniaux a élargi,<br />
dans le souci de protection des enfants, les cas où certaines dispositions<br />
du régime conventionnel en communauté de biens sont traitées comme<br />
des libéralités potentielles. L’organisation patrimoniale en faveur du<br />
conjoint, par le biais du contrat de mariage, est donc limitée.<br />
On connaissait déjà, sous le Code Napoléon — article 1527 (2) — la dénaturation<br />
des avantages matrimoniaux en libéralités pour protéger les<br />
enfants d’une union antérieure, leur permettant de reprendre une partie<br />
des avantages consentis à propos des biens communs, par le contrat de<br />
mariage, au conjoint dont ils ne sont pas les descendants.<br />
L’idée fut élargie en 1976, par les articles 1458, alinéa 2 et 1464,<br />
alinéa 2, du Code civil, aux biens propres apportés à la communauté<br />
lorsque la clause d’apport est combinée, en faveur du conjoint de<br />
l’époux apporteur, avec une clause de préciput ou de partage inégal des<br />
biens communs. Les enfants du couple sont donc protégés contre les<br />
effets d’un transfert trop important de biens composant le patrimoine<br />
propre d’un de leurs parents en faveur du conjoint de celui-ci, fût-il leur<br />
propre père ou mère. La combinaison de ces clauses crée, en effet, une<br />
libéralité portant sur la part, dans le bien propre devenu commun, excédant<br />
la moitié de ce que le conjoint recueille, par le jeu du contrat de mariage,<br />
dans le bien apporté à la communauté. Cet excédent (3) est considéré<br />
comme une libéralité imputée sur la part disponible de la masse<br />
successorale du conjoint apporteur prédécédé. Elle est donc sujette à réduction<br />
à la demande de ou des enfants du couple, pour reconstituer partiellement<br />
leur réserve héréditaire (4).<br />
2. — La loi du 14 mai 1981 a profondément modifié la matière des libéralités<br />
en faveur du conjoint survivant. Elle permet de faire de celui-ci<br />
le premier héritier ab intestat dans la famille et certainement celui qui<br />
peut être le plus avantagé entre vifs ou par testament.<br />
L’usufruit successoral portant sur le patrimoine personnel (5) —<br />
article 745bis, § 1 er , alinéa 1 er , du Code civil — ou l’attribution de tout<br />
le patrimoine commun et l’usufruit des biens propres ou personnels (6)<br />
(1) Décrété le 3 mai 1803 et promulgué le 13 du même mois; le Code lui-même<br />
fut promulgué le 30 ventôse an XII (le 21 mars 1804).<br />
(2) Devenu l’article 1465, C. civ. actuellement.<br />
(3) Une moitié en cas de préciput ou d’attribution de toute la communauté au<br />
conjoint non apporteur.<br />
(4) Sur ces mécanismes, Ph. De Page et I. De Stefani, « Les avantages matrimoniaux<br />
- Aspects civils et fiscaux », Rev. not., 2002, pp. 270 et s.<br />
(5) Lorsque le conjoint est en concours avec des descendants, le patrimoine<br />
personnel étant composé tant des biens propres ou personnels du défunt que de<br />
sa part dans les actifs de la communauté.<br />
(6) Lorsque le conjoint survivant est en concours avec des successeurs autres<br />
que les descendants.