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2004<br />
276<br />
5. — Les arriérés mentaux et la minorité prolongée<br />
Les règles précédentes sont vouées aux malades mentaux, non aux arriérés<br />
mentaux, auxquels elles ne conviennent guère. C’est en 1969 seulement<br />
que le Parlement a été pour la première fois invité à se soucier<br />
d’eux. Le résultat fut la loi du 29 juin 1973 sur la minorité prolongée,<br />
qui a introduit les articles 487bis à 487octies dans le Code civil, dispositions<br />
destinées aux personnes atteintes d’une « arriération mentale<br />
grave ». L’article 487bis définit précisément cet état avant d’énoncer le<br />
principe que le mineur prolongé « est, quant à sa personne et à ses biens,<br />
assimilé à un mineur de moins de quinze ans », c’est-à-dire à un mineur<br />
qui ne peut notamment ni se marier ni bénéficier de l’émancipation.<br />
Ce principe régit les relations de droit civil relatives à la personne et aux<br />
biens du prolongé (20). Frappé d’une incapacité générale, celui-ci est<br />
représenté par ses père et mère, par le survivant d’eux ou par un tuteur<br />
(21), et s’il agissait lui-même, ses actes seraient nuls de droit ou rescindables<br />
comme ceux d’un mineur de moins de quinze ans.<br />
6. — La loi du 18 juillet 1991<br />
sur l’administration provisoire<br />
Lointain aboutissement de travaux maintes fois interrompus (22), les<br />
lois du 26 juin 1990 et du 18 juillet 1991 rénovent complètement, l’une<br />
pour la personne (23), l’autre pour les biens (24), le régime institué en<br />
1850 et amélioré en 1873 (25).<br />
Conformément à la recommandation du Conseil de l’Europe R(83)2 du<br />
22 février 1983 (26), la loi de 1991 dissocie l’incapacité et la détention<br />
pour troubles mentaux. L’administration provisoire n’est plus réservée<br />
aux infirmes mentaux qui sont privés de liberté; d’emblée le gouvernement<br />
a pensé que peut en bénéficier tout majeur qui est, « en raison de<br />
l’altération de ses facultés mentales ou d’une altération durable de sa<br />
condition physique entravant l’expression de sa volonté, hors d’état<br />
d’assumer la gestion de ses biens (27).<br />
Dès lors, la fonction d’administrateur provisoire général (28) disparaît.<br />
Chaque protégé est individuellement pourvu d’un administrateur spécialement<br />
chargé de ses intérêts. De la sorte, il est possible de passer du<br />
vêtement de confection au costume sur mesure, et le ministre de la Justice<br />
a pu recommander qu’il soit permis au juge de « moduler la mesure<br />
de protection et de l’adapter au handicap de l’intéressé » en laissant, par<br />
exemple, à celui-ci « une partie de la gestion de ses biens » (29).<br />
Beaucoup plus net que le système de la présomption de défaut de consentement<br />
imaginé en 1850, l’article 488bis-i du Code civil interdit toute discussion<br />
sur l’aptitude à consentir, mais, comme le législateur a voulu adapter<br />
(20) Sur ces limites, voy. notam. E. Vieujean, « La minorité prolongée », Ann.<br />
droit Liège, 1977, pp. 15 à 71, spéc. n os 6 à 19, pp. 26 à 46.<br />
(21) Que l’article 487quater permettrait, au besoin, de substituer aux parents<br />
de leur vivant.<br />
(22) Notamment par les guerres de 1914 et de 1940. Sur cette longue histoire, voy.<br />
l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la protection de la personne des malades<br />
mentaux, déposé au Sénat le 12 mars 1969 (Doc., 1968-1969, 253, pp. 1 à 3).<br />
(23) Loi du 26 juin 1990 sur la protection de la personne des malades mentaux.<br />
(24) Loi du 18 juillet 1991 sur la protection des biens des personnes totalement<br />
ou partiellement incapables d’en assurer la gestion en raison de leur état physique<br />
ou mental.<br />
(25) Loi du 28 décembre 1873 apportant des modifications à la loi du 18 juin<br />
1850 sur le régime des aliénés, Pasin., 1873, pp. 530 à 548.<br />
(26) Aux termes de laquelle « le placement à lui seul ne peut constituer de plein<br />
droit une cause de restriction de la capacité juridique du patient ».<br />
(27) Art. 1 er du projet de loi du 11 avril 1969 qui est à l’origine de la loi du<br />
18 juillet 1991 (Doc., Sénat, 1968-1969, 297).<br />
(28) « Général » parce que chargé de représenter tous les internés de l’établissement<br />
qui n’ont pas un administrateur « spécial », c’est-à-dire un administrateur<br />
spécialement chargé par le juge de gérer les biens de tel interné.<br />
(29) Amendements présentés par le gouvernement, Doc., Sénat, 1990-1991,<br />
1102-2, p. 3. Quant à l’accomplissement, voy. pp. 9 et 12, les dispositions proposées<br />
par le gouvernement pour l’article 488bis-d, alinéa 1 er , et pour<br />
l’article 488bis-f, du Code civil.<br />
J.T. n° 6132 - 12/2004<br />
Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />
aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />
cette protection à l’état de l’incapable et comme, au lieu de le faire immédiatement,<br />
il a procédé par référence aux pouvoirs de l’administrateur, qu’il<br />
entendait « moduler », aussi selon le cas, il en est résulté que, par décalque,<br />
l’incapacité a pris les contours de la mission confiée à l’administrateur, de<br />
sorte que l’une est générale si l’autre l’est, spéciale si l’autre l’est et qu’un<br />
acte ne peut former l’objet de l’une s’il échappe à l’autre.<br />
La mission de l’administrateur ne peut se rapporter qu’aux biens. Mais<br />
elle a pour objet soit de représenter, soit d’assister le protégé (30), soit —<br />
pourquoi non? — de le représenter dans tels actes et de l’assister dans<br />
d’autres. Elle doit être adaptée au cas particulier de chaque protégé; on reconnaîtra<br />
donc au juge la plus grande liberté pour la définir (31).<br />
Les actes du protégé sont annulables si le juge de paix avait chargé l’administrateur<br />
de les accomplir. C’est de cette façon qu’il faut traduire la<br />
première phrase de l’article 488bis-i. Quant aux actes passés par l’administrateur<br />
provisoire ou par le protégé et l’administrateur provisoire<br />
lorsque ce dernier n’a qu’une mission d’assistance, ils sont valables si<br />
l’on a respecté les formalités habilitantes ou si la loi n’en imposait aucune.<br />
Sinon, ils sont annulables (32).<br />
7. — Loi du 3 mai 2003 modifiant la législation relative<br />
à la protection des biens des personnes totalement<br />
ou partiellement incapables d’en assumer la gestion<br />
en raison de leur état physique ou mental<br />
Née de l’initiative parlementaire (33), cette loi, obligatoire dès le jour de sa<br />
publication au Moniteur belge (34), règle des points de compétence et de<br />
procédure, accroît le rôle de la famille, des proches et de la personne de confiance<br />
dans l’organisation et le fonctionnement de l’administration provisoire,<br />
confirme que l’administrateur peut être chargé soit de représenter, soit<br />
d’assister (35) le protégé, complète la liste des actes pour lesquels il doit être<br />
spécialement habilité par le juge de paix (36) et détermine à quelles conditions<br />
l’incapable pourra passer un contrat de mariage, donner ou léguer ses<br />
biens (37). Cependant elle conserve les principes établis par la loi du<br />
18 juillet 1991 : l’administration provisoire n’a trait qu’aux biens, elle est<br />
vouée à la protection des majeurs inaptes à les gérer pour raison de santé et<br />
elle les rend incapables des actes dont leur administrateur est chargé.<br />
E. VIEUJEAN<br />
(30) Sur ce point discuté, voy. notam., E. Vieujean, « Protection du majeur<br />
physiquement ou mentalement inapte à gérer ses biens », Rev. gén. civ., 1993,<br />
pp. 5 à 35 et 118 à 142, spéc. pp. 10 et 11, n o 7.<br />
(31) Il doit cependant être conscient de la double portée de sa décision. Il ne<br />
s’agit pas seulement de déterminer la mission et les pouvoirs de l’administrateur;<br />
c’est du même coup l’incapacité du protégé qui est définie puisque<br />
l’article 488bis-i lie les deux questions.<br />
(32) Sur tous ces points, voy. notam., E. Vieujean, « Le majeur physiquement<br />
ou mentalement inapte à gérer ses biens », in Protection des malades mentaux<br />
et incapacités des majeurs : le droit belge après les réformes, Diegem, Kluwer<br />
1996, coll. Famille et droit, pp. 227 à 280, spéc. n os 35 à 43, pp. 262 à 269.<br />
(33) Proposition de loi du 29 septembre 1999, déposée par MM. Goutry, Vandeurzen<br />
et Ansoms, Doc., Chambre, sess. extraord. 1999, 107-1.<br />
(34) L’article 383 de la loi-programme du 22 décembre 2003 (M.B., 31 déc.<br />
2003) disposition obligatoire dès sa publication, ajoute à la loi du 3 mai 2003<br />
un article 15 aux termes duquel « la présente loi entre en vigueur le jour de sa<br />
publication au Moniteur belge, à l’exception de l’article 488bis-b, § 2, du Code<br />
civil, remplacé par l’article 2, qui entre en vigueur à la date fixée par le Roi ».<br />
Or la loi du 3 mai 2003 est parue au Moniteur belge le 31 décembre 2003, en<br />
même temps que la loi-programme.<br />
(35) Art. 488bis-f, § 2, al. 2, nouv., C. civ.<br />
(36) Notam., l’art. 488bis-f, § 3, in fine, nouv., C. civ. règle, le cas échéant, la<br />
question du commerce du protégé.<br />
(37) Art. 488bis-h, §§ 2 et 3, C. civ., dispositions non conformes au système de<br />
l’exacte adaptation de l’administration provisoire aux besoins concrets du protégé.<br />
Un commerçant est déprimé mais curable et il ne souffre d’aucun handicap<br />
dans les affaires étrangères à son négoce. Le juge de paix lui nomme un administrateur<br />
qu’il charge seulement du commerce. Peu importe la limite! Le<br />
protégé est devenu incapable de tester, et il lui faudrait la bénédiction du juge<br />
de paix pour se marier en séparation de biens, alors que rien ni personne ne<br />
pourrait l’empêcher de le faire en communauté légale! Bref on a mis deux manches<br />
de confection au « costume sur mesure ».