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2004<br />

292<br />

6. — Plus particulièrement, les dispositions relatives au consentement<br />

(art. 1109 à 1122) hypertrophient la place de la violence parmi les vices<br />

dont le consentement peut être affecté. Pas moins de cinq dispositions<br />

lui sont consacrées, avec un luxe de détails inutiles (art. 1111 à<br />

1115), alors que l’erreur, de loin la plus importante des éventuelles<br />

causes de nullité en pratique, n’a droit qu’à une disposition, qui la définit<br />

d’ailleurs en termes vagues et impropres (art. 1110) et que le dol,<br />

réduit lui aussi à la portion congrue, est confondu avec le seul dol<br />

principal, par l’article 1116, qui termine par l’énoncé superflu d’une<br />

règle de preuve : « le dol ne se présume pas et doit être prouvé ».<br />

Tiens donc!<br />

Ici aussi, c’est à la doctrine et à la jurisprudence qu’il est revenu de fixer<br />

les contours précis des notions d’erreur et de dol, en s’écartant d’ailleurs<br />

de la conception restrictive qu’en offrent, à la lettre, les articles 1110 et<br />

1116. Ainsi sont apparus, en marge du Code, les concepts d’erreur de<br />

fait et d’erreur de droit (9), d’erreur sur la valeur et d’erreur sur le prix<br />

(10), d’erreur sur les motifs en parallèle avec la théorie de la cause (11),<br />

d’erreur inexcusable et de dol incident (12). C’est aussi la jurisprudence<br />

qui a dû définir le rôle de l’erreur inexcusable, d’ailleurs pour le neutraliser,<br />

en cas d’erreur provoquée par un dol (13).<br />

On y ajoutera le développement considérable des obligations précontractuelles,<br />

d’information, de loyauté, voire de conseil, que la jurisprudence<br />

a reconnues, en droit commun d’abord, sur la base des principes<br />

généraux de la responsabilité civile ou de l’abus de droit et du principe<br />

de la bonne foi, et que le législateur a cru devoir spécifier, pour sacrifier<br />

à l’esprit du temps, dans certains domaines relevant du droit de la consommation,<br />

particulièrement aux termes de la loi du 14 juillet 1991 sur<br />

les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur,<br />

ainsi que de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation<br />

(14).<br />

7. — La lésion, considérée comme une annexe à la théorie des vices<br />

de consentement par l’article 1118 du Code civil, « ne vicie les conventions<br />

que dans certains contrats ou à l’égard de certaines<br />

personnes ». En soi, le principe est certain et il est assurément plus<br />

utile que jamais de le rappeler, dans une période de vrais ou faux<br />

bons sentiments, où les individus font de plus en plus fréquemment<br />

l’objet, en droit, d’une classification en catégories, selon notamment<br />

qu’ils sont présumés « dominants », et suspects d’abuser de leur position,<br />

ou « faibles, » et jugés comme tels inaptes à l’exercice de la<br />

liberté contractuelle.<br />

Le droit des obligations, sous le couvert de sa technicité qui peut parfois<br />

en occulter les grandes tendances, connaît ainsi depuis longtemps, en latence<br />

en quelque sorte, un principe de discrimination positive, au profit<br />

de certaines catégories de personnes. Le droit social avait ouvert la voie,<br />

le droit de la consommation l’emprunte à son tour, faisant du consommateur<br />

une sorte d’espèce protégée. Mais, plus généralement, c’est aussi<br />

le principe de la bonne foi, dans ses dimensions normatives nouvelles<br />

qui peuvent conduire à une véritable réadaptation du contrat par le juge,<br />

au nom d’une certaine conception de l’équilibre, la théorie de l’abus de<br />

droit, voire — en opposition plus directe à la règle énoncée par<br />

l’article 1118 — la théorie de la « lésion qualifiée », qui apportent à celui-ci<br />

des démentis plus ou moins cinglants (15).<br />

(9) M. Coipel, note sous Cass., 10 avril 1975, R.C.J.B., 1978, p. 202.<br />

(10) Terré, Simler et Lequette, Droit civil - Les obligations, Dalloz, 2002,<br />

n os 212 et 220.<br />

(11) Van Ommeslaghe, op. cit., p. 353, n o 17.<br />

(12) J. Declerck-Goldfracht, note sous Cass., 6 mai 1971, R.C.J.B., 1972,<br />

p. 250.<br />

(13) Cass., 19 mai 1980, Pas., 1980, I, 1190.<br />

(14) Van Ommeslaghe, « Le consumérisme et le droit des obligations », Mélanges<br />

Heenen, p. 509.<br />

(15) On se souvient que le thème de l’équilibre dans les relations contractuelles,<br />

sous le couvert de ces différentes théories doctrinales et jurisprudentielle,<br />

a été identifié comme tel par le professeur Van Ommeslaghe dans ses leçons à<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

A s’en tenir à cette disposition légale, la lésion, dont il y est question<br />

comme d’un concept unique, recouvre en vérité des réalités fort différentes,<br />

ainsi que la doctrine a dû en faire l’observation : rien de commun,<br />

en effet, ou fort peu, entre la lésion objective sanctionnée comme<br />

une présomption de vice de consentement dans certains types d’opérations,<br />

et la lésion des mineurs sanctionnée au titre de la protection des<br />

incapables (16).<br />

8. — La section relative au consentement, comme condition de validité<br />

des contrats, se poursuit par des dispositions sans rapport avec le sujet,<br />

en tant qu’elles concernent, dans des termes d’ailleurs discutables, les<br />

effets des contrats à l’égard des tiers (art. 1119 à 1122).<br />

« On ne peut, en général, s’engager, ni stipuler en son propre nom, que<br />

pour soi-même » (art. 1119). D’autre part, selon l’article 1121 du Code<br />

civil, la stipulation pour autrui devrait rester exceptionnelle. Rien n’est<br />

plus faux, ainsi que le relevait déjà M. le procureur général Leclercq en<br />

1930 : « Pour mettre le Code en accord avec le droit vivant, il faudrait<br />

d’abord effacer l’article 1121 devenu inutile et de plus refaire<br />

l’article 1119, et y inscrire purement et simplement une règle contraire<br />

à celle qui y est énoncée actuellement, et qui serait ainsi conçue : il est<br />

permis d’insérer dans un contrat une stipulation pour autrui » (17). On<br />

ne pourrait mieux dire.<br />

9. — S’agissant de l’objet du contrat et de « sa matière », on sait que les<br />

articles 1126 et suivants du Code civil reposent sur une confusion entre<br />

l’objet du contrat et l’objet des obligations que le contrat engendre et<br />

qu’en définitive, ces dispositions traitent avant tout de l’objet des obligations<br />

contractuelles (18). Sous le bénéfice de cette première observation,<br />

assez académique il est vrai, le contraste entre les textes et la théorie<br />

moderne de l’objet est, lui aussi, très frappant.<br />

Passons l’article 1127 du Code civil, tout à la fois inutile et incomplet,<br />

et l’article 1128 du Code civil qui, en rappelant que les choses hors<br />

commerce ne peuvent pas faire l’objet d’un contrat, ne vise qu’une variété<br />

d’objet illicite. Mais, différence plus significative entre la lettre<br />

des textes et la réalité du droit positif, il faut mais il suffit, contrairement<br />

à ce qu’énonce, en des termes assez archaïques, l’article 1129, que l’objet<br />

des obligations contractuelles soit déterminable au moment de la<br />

conclusion du contrat. Bien plus, selon une fraction de la doctrine belge<br />

au moins, la détermination de l’objet des obligations peut, en vertu du<br />

contrat et moyennant certains garde-fous, être confiée à l’une des parties<br />

(19), hypothèse inconnue du Code civil sauf, et très indirectement,<br />

dans un cas exceptionnel (20).<br />

Sous réserve des pactes sur succession future, « les choses futures peuvent<br />

faire l’objet d’une obligation » (art. 1130). Mais qu’est-ce qu’une<br />

chose future? La doctrine et la jurisprudence ont eu beaucoup de mal à<br />

le déterminer et les solutions acquises restent, par certains côtés, très insatisfaisantes<br />

(21). particulièrement à propos des opérations sur créances<br />

futures, l’exigence liée à la déterminabilité de l’objet a conduit à<br />

l’invalidation de la cession en garantie d’une dette, de toutes créances<br />

dont le cédant sera titulaire à l’échéance de celle-ci (22). Pourtant, dès<br />

la chaire Franqui de l’Université de Gand en 1990. Adde : brevitatis causa, notre<br />

étude : « Tendances générales du droit contemporain des obligations », in<br />

Les obligations contractuelles, 2002, p. 2, n os 2 et s.<br />

(16) De Page, t. I, 3 e éd., n os 70 et 78.<br />

(17) Note sous Cass., 2 mai 1930, Pas., 1930, I, 193. Colin et Capitant, t. II,<br />

n o 336.<br />

(18) P.-A. Foriers, « L’objet », in Les obligations en droit belge et en droit français<br />

- Convergences et divergences, 1994, p. 65.<br />

(19) P.-A. Foriers, op. cit., p. 70, n os 8 et s.<br />

(20) Ancien article 1854 du Code Civil remplacé par l’article 31 du Code des<br />

sociétés.<br />

(21) Conclusions de M. le procureur général Hayoit de Termicourt précédant<br />

Cass., 9 avril 1959, Pas., 1959, I, 793. Note J. Heenen sous l’arrêt précité,<br />

R.C.J.B., 1961, p. 35.<br />

(22) Cass., 9 avril 1959 (précité) et la note J. Heenen (précitée). Adde : Cass.,<br />

28 mars 1974, Pas., 1974, I, 776, à propos d’un gage sur fonds de commerce

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