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2004<br />
248<br />
DE LA JOUISSANCE<br />
ET DE LA PRIVATION<br />
DES DROITS CIVILS<br />
Livre I - Titre I<br />
Le livre premier du Code civil traite « Des personnes » et s’ouvre par un<br />
titre premier qui s’articule sur deux chapitres.<br />
Le chapitre premier s’intitule « de la jouissance des droits civils » et le<br />
chapitre 2 « de la privation des droits civils ».<br />
Ces dispositions, décrétées le 17 ventôse an XI (8 mars 1803), forment<br />
à l’origine un corps à peu près cohérent de 27 articles, dont les dix premiers,<br />
qui composent le chapitre premier, s’attachent à assurer la jouissance<br />
des droits civils à tout Français (art. 8), qu’il soit ou non<br />
« citoyen », au sens légal du terme (art. 7), à poser les conditions de réclamation<br />
(art. 9), d’acquisition et de recouvrement (art. 10) de la<br />
« qualité de Français », à régir la condition des étrangers en France<br />
(art. 11 à 13) et à décréter la compétence internationale de juridiction<br />
des tribunaux français dès qu’une partie en a la nationalité (art. 14 et<br />
15), en imposant à l’étranger demandeur la cautio judicatum solvi<br />
(art. 16).<br />
Les dix-sept articles suivants, réunis dans le chapitre 2, sont scindés en<br />
deux sections : la première est intitulée « de la privation des droits civils<br />
par la perte de la qualité de Français », et posent les règles de perte de<br />
la nationalité française (art. 17, 19 et 21) ainsi que de recouvrement de<br />
celle-ci (art. 18, 19 et 21), en précisant les effets qui s’y attachent<br />
(art. 20). La seconde section dispose « de la privation des droits civils<br />
par suite des condamnations judiciaires » et organise, par douze articles,<br />
« la mort civile » (art. 22 à 33).<br />
Au jour du bicentenaire du Code Napoléon, force est de constater que le<br />
texte original a subi un profond élagage. Il ne reste ainsi du titre premier<br />
que quatre articles, réunis au sein du seul chapitre premier, sur les vingtsept<br />
qu’il comportait originairement.<br />
* * *<br />
L’article 7 a conservé son libellé originaire alors même que la disposition<br />
qu’il contient n’est plus, depuis notre Constitution de 1831, « en<br />
harmonie avec notre ordre politique » (1).<br />
Il dispose que « l’exercice des droits civils est indépendant de la qualité<br />
de citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à<br />
la loi constitutionnelle ».<br />
Or, par l’abolition des conditions qu’il convenait de remplir, sous la<br />
Constitution française de l’an VIII, pour acquérir le titre de citoyen,<br />
cette qualité légale a disparu (2).<br />
Et dès lors, tous les Belges sont désormais par leur nationalité des citoyens<br />
et sont, par conséquent, habiles à exercer les droits politiques,<br />
sous les conditions posées par la Constitution.<br />
La seule vertu qu’a conservé cet article est donc de maintenir, dans le<br />
Code civil, la distinction entre les droits civils ou privés qu’il traite et<br />
(1) F. Laurent, Principes de droit civil, Bruxelles, Bruylant, 3 e éd. 1878,<br />
n o 317, p. 417.<br />
(2) Pour être citoyen, il fallait ainsi être du sexe masculin, français, avoir 21 ans<br />
accomplis et être inscrit sur le registre civique de son arrondissement communal,<br />
et résider pendant une année dans l’arrondissement communal où l’on voulait<br />
exercer ses droits politiques.<br />
J.T. n° 6132 - 12/2004<br />
Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />
aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />
régit, et les droits politiques, qui sont eux réglés par la Constitution et<br />
les lois qui s’y rapportent.<br />
L’article 7 du Code civil a d’ailleurs, ce qui exprime clairement cette<br />
dualité, son pendant à l’article 8 de notre Constitution qui dispose pour<br />
sa part que c’est certes à la loi civile de déterminer comment s’acquiert,<br />
se conserve et se perd « la qualité de Belge », mais bien à « la Constitution<br />
et (aux) autres lois relatives aux droits politiques » de déterminer<br />
« quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour<br />
l’exercice de ces droits ».<br />
L’article 8 du Code civil poursuit dans cette voie de la démarcation<br />
en disposant que « tout Belge jouira des droits civils ». Le texte original<br />
du 18 mars 1803 posait cette règle pour « tout Français », et<br />
non pour tout « citoyen », ce qui est dans cette même logique. Mais<br />
il ne parle que de la jouissance des droits civils, qui naît avec l’acquisition<br />
de la nationalité belge, l’exercice de ces droits étant lié à la<br />
capacité. Un mineur ou un incapable majeur, pourvu qu’il soit belge,<br />
jouit ainsi des droits civils, mais ne peut les exercer qu’à l’intervention<br />
de son représentant légal.<br />
Par contre, l’étranger ne jouissait, en Belgique, des droits civils dont<br />
tous les Belges ont sans condition la jouissance, que pour autant, suivant<br />
l’article 11 du Code civil, que « les traités de la Nation à laquelle<br />
cet étranger appartiendra » accordent ces mêmes droits aux Belges.<br />
La loi du 15 décembre 1980 supprime cette condition de réciprocité en<br />
donnant un nouveau contenu à l’article 11 du Code civil qui assure désormais<br />
à l’étranger en Belgique la jouissance de « tous les droits civils<br />
reconnus aux Belges, sauf les exceptions établies par la loi ».<br />
Cette révision radicale est en réalité la consécration législative de la jurisprudence<br />
de notre Cour de cassation qui, dès 1929, déduisit de<br />
l’article 128 de la Constitution (3) le principe de l’égalité de traitement<br />
qui permet à l’étranger de se prévaloir de tout droit quelconque dont la<br />
jouissance n’est pas réservée au Belge par une disposition expresse de<br />
la loi (4).<br />
Le nouvel alinéa 2 de l’article 11 a assuré quant à lui l’assimilation<br />
complète de l’étranger établi sur notre territoire, et a entraîné l’abrogation<br />
logique de l’article 13 du Code civil (5).<br />
* * *<br />
Le Code Napoléon réglait la nationalité française, par huit articles (6),<br />
qui trouvaient tous place au sein du titre premier de son livre premier.<br />
Au début de notre indépendance, les conditions d’acquisition et de perte<br />
de la nationalité belge furent ainsi régies par le Code civil, complété<br />
d’abord par les articles 4 et 5 de la Constitution (7), puis par des lois<br />
particulières (8).<br />
(3) Nouvellement numéroté 191 depuis la Constitution coordonnée du<br />
17 février 1994.<br />
(4) Cass., 10 oct. 1929, Jenni c. Lombois, Pas., 1929, I, p. 322; F. Rigaux et<br />
M. Fallon, Droit international privé, t. II, Larcier, Bruxelles, 2 e éd., 1993,<br />
n o 716, p. 121.<br />
(5) L’article 13 du Code Napoléon disposait en effet que « L’étranger qui aura<br />
été admis par le gouvernement à établir son domicile en France, y jouira de tous<br />
les droits civils, tant qu’il continuera à y résider » et accordait donc le bénéfice<br />
de l’assimilation à l’étranger régulièrement établi.<br />
(6) A savoir les articles 9, 10, 12 et 17 à 21 du Code Napoléon.<br />
(7) Nouvellement numérotés 8 et 9 depuis la Constitution coordonnée du<br />
17 février 1994, qui disposent qu’il revient à la loi civile de régler la matière et<br />
consacrent le mode particulier d’acquisition de la nationalité belge par naturalisation,<br />
en précisant que celle-ci est accordée par le pouvoir législatif.<br />
(8) Pour le détail de ces textes législatifs, voy. Ch.-L. Closset, Traité de la nationalité<br />
belge, Larcier, Bruxelles, 1993, n os 65 et 66, pp. 40 et 41.