07.07.2013 Views

p17un88fmnup43iolnfachbsf1.pdf

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LE LOUAGE DE CHOSES<br />

Livre III - Titre VIII - Chapitre II<br />

Bonaparte, alors premier consul, proclame au nom du peuple français,<br />

loi de la République, le décret concernant le livre III du Code civil,<br />

titre VIII, traitant du contrat de louage. Ce décret avait été rendu le<br />

16 ventôse an XII de la République (7 mars 1804) par le corps législatif<br />

conformément à la proposition faite par le gouvernement le 9 du même<br />

mois (1). Ce texte est repris au livre III, titre VIII du Code civil (2).<br />

Nous tenterons de marquer les points saillants de l’évolution en matière<br />

de louage de choses au cours des deux cents ans qui nous séparent de<br />

cette promulgation en terminant par quelques considérations générales.<br />

Un petit rappel du passé tout d’abord. Les textes du Code civil ne sont<br />

pas le fruit de l’inventivité des auteurs de celui-ci. Ils se fondent sur une<br />

longue tradition ancestrale, remontant au droit romain. Pas de révolution<br />

en la matière, malgré la toute récente Révolution française. Nous<br />

avons sous les yeux un exemplaire de la seconde édition d’un traité rédigé<br />

par Adrian Moetjens et adressé « A Monseigneur Hubrecht Rosenboom,<br />

président du suprême conseil de Hollande, curateur de l’illustre<br />

Université de Hollande à Leyden, commissaire politique aux synodes<br />

provinciaux » traitant des « Lois civiles dans leur ordre naturel » (t. I)<br />

datant de 1695 (3), soit antérieur de plus de cent ans au Code civil. Tous<br />

les principes généraux du louage de choses s’y trouvent déjà. La similitude<br />

des principes avec ceux du Code civil, plus de cent ans plus tard,<br />

est frappante.<br />

En est-il de même pour les deux cents ans qui ont suivi la promulgation<br />

du Code civil? Les restrictions du nombre de pages imposées, à juste titre,<br />

par les initiateurs de ce numéro spécial, ne nous permettent par un<br />

exposé exhaustif mais nous force à des choix et à ne retenir que les évolutions<br />

les plus saillantes. En ce qui concerne le louage de choses, elles<br />

se situent principalement au niveau législatif. C’est pourquoi, sans vouloir<br />

méconnaître ni minimiser le rôle de la jurisprudence ou de la doctrine<br />

en cette matière, celui-ci nous paraît tout à fait accessoire par rapport<br />

à l’évolution législative. C’est au législateur que nous devons les<br />

modifications fondamentales de notre droit du bail.<br />

Le Code civil de 1804 ne contenait que 71 dispositions concernant le<br />

louage de choses, divisées en trois sections : six dispositions d’ordre général,<br />

trente-huit dispositions concernant les règles communes aux baux<br />

des maisons et des biens ruraux (sect. I), dix dispositions particulières<br />

aux baux à loyer (sect. II) et seize dispositions particulières aux baux à<br />

ferme (sect. III). Textes à portée générale, concis, d’une clarté limpide<br />

et compréhensibles dès la première lecture, renvoyant ici ou là à des<br />

coutumes locales et laissant la place aux conventions particulières et à<br />

la créativité des juges pour combler les lacunes par l’application des<br />

règles générales du droit des obligations en général et des contrats en<br />

particulier.<br />

Aujourd’hui le titre III du Code civil traitant du contrat de louage est divisé<br />

en quatre sections. Une première (51 articles) traite des dispositions<br />

générales en matière de bail et regroupe les sections 1 (concernant<br />

les règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux) et 2<br />

(traitant des règles particulières aux baux à loyer) du Code de 1804.<br />

C’est la seule partie où subsiste bon nombre des dispositions figurant<br />

(1) Bulletin des lois de la République, n o 3650.<br />

(2) La première disposition mentionne qu’il y a deux sortes de contrats de<br />

louage : celui des choses et celui d’ouvrage. Seul le premier retient notre attention<br />

ici mais il est étonnant que, deux cents ans plus tard, malgré l’évolution<br />

des mœurs et des mentalités concernant ce que l’on appelait à l’époque le<br />

« louage » d’ouvrage, cette disposition figure toujours inchangée. Probablement<br />

parce qu’il s’agit d’un texte sans portée pratique qui n’a donc jamais fait<br />

l’objet de discussion ou révision ultérieure.<br />

déjà dans le Code de 1804. Ces articles sont, en grande majorité, toujours<br />

de droit supplétif et hormis les dispositions modifiées récemment<br />

(4) le texte en est toujours aussi concis, limpide et compréhensible pour<br />

le commun des mortels. Trois autres sections traitent aujourd’hui des<br />

règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur<br />

(sect. II) (12 articles), aux baux commerciaux (sect. IIbis) (sic)<br />

(36 articles) et aux baux à ferme (sect. III) (57 articles).<br />

Lorsque l’on porte un regard sur l’évolution de notre droit du bail depuis<br />

que le Code Napoléon en a fixé les principes de base, il est remarquable<br />

de constater combien celui-ci a subi l’influence des idées politiques<br />

et sociales et de l’évolution sociologique dont il est le reflet.<br />

Le Code civil de 1804 était organisé de manière systématique. Droits et<br />

obligations des parties y étaient réglés de manière classique. Ces règles<br />

n’étaient en soi pas plus particulièrement favorables aux bailleurs<br />

qu’aux preneurs. C’est leur caractère supplétif qui, dans la pratique, les<br />

rendaient moins favorables aux preneurs, les bailleurs se trouvant très<br />

généralement en position de force lors de la négociation du contrat.<br />

La société libérale du XIXe siècle était, tout comme celle des siècles<br />

précédents, favorable aux bailleurs et se préoccupait peu ou pas du tout<br />

de la protection du preneur. C’est ce qui explique que pendant plus d’un<br />

siècle les dispositions du Code Napoléon soient restées inchangées.<br />

L’évolution des idées politico-sociales ne se feront sentir en matière de<br />

bail qu’à partir du second quart du vingtième siècle. Le droit de libre<br />

disposition et d’usage du propriétaire sera tout au long des trois derniers<br />

quarts de ce siècle de plus en plus sacrifié au profit de la protection du<br />

droit d’usage conféré au preneur. Cette évolution se fera par l’introduction<br />

de textes législatifs à caractère impératif visant essentiellement la<br />

protection du preneur.<br />

C’est un euphémisme de dire qu’ils n’ont ni la limpidité, ni la concision<br />

des textes du Code civil. Destinés à protéger le contractant le plus faible,<br />

celui-ci a besoin des lumières d’un juriste éclairé pour les comprendre.<br />

Ils ne posent plus des principes, mais réglementent. Fruits de négociations<br />

ardues entre défenseurs des intérêts divergents des bailleurs et<br />

preneurs, ils n’échappent pas au détaillisme, ni même parfois à l’ambiguïté.<br />

Le poids de l’agriculture dans l’économie du XIXe siècle et du début du<br />

XXe siècle explique probablement que les premiers à bénéficier de la<br />

protection du législateur sont les agriculteurs, par les lois du 7 mars et<br />

du 7 mai 1929. Cette protection s’est sans cesse accrue par des lois subséquentes<br />

(7 juill. 1951, 25 nov. 1969, 23 nov. 1978, 7 nov. 1988).<br />

Les règles concernant le bail à ferme en vigueur aujourd’hui n’ont plus<br />

rien de commun avec celles qui figuraient à la section III du Code de<br />

1804. Mis à part quelque protection du preneur en cas de perte des fruits<br />

non encore récoltés, celles-ci mettaient surtout l’accent sur les obligations<br />

du preneur vis-à-vis du bailleur. Situation inversée à l’extrême<br />

aujourd’hui où le preneur d’un bien rural est protégé à l’extrême dans<br />

l’optique d’une protection de l’exploitation agricole : longue durée de<br />

bail, limitation des fermages (par une loi particulière), liberté totale de<br />

mode d’exploitation des terres, modes de preuves favorables au preneur,<br />

droit de préemption en cas de vente, etc.<br />

C’est peu de temps après les premières lois en matière de bail à ferme<br />

que le législateur se pencha pour la première fois sur la protection du<br />

bail comme élément essentiel du fonds de commerce lorsqu’il s’agit<br />

d’un commerce de détail dont la situation en un lieu particulier est<br />

essentielle au maintien de la clientèle du preneur. Ici aussi l’évolution<br />

au travers des lois des 30 mai 1931, 30 avril 1951 et 29 juin 1955 s’est<br />

faite dans le sens d’une protection sans cesse accrue du preneur, bien<br />

que celle-ci soit beaucoup plus limitée que celle du preneur d’un bien<br />

rural.<br />

(3) Paris, Coignard, Imprimeur et libraire ordinaire du Roy. (4) Voy. par ex., art. 1717, 1728bis et 1728quater.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

2004<br />

317

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!