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LOUAGE D’OUVRAGE<br />

Livre III - Titre VIII - Chapitre III<br />

DÉPÔT<br />

Livre III - Titre XI<br />

MANDAT<br />

Livre III - Titre XIII<br />

1. — « Louage d’ouvrage », « mandat », « dépôt », voici des catégories<br />

classiques, soumises à des dispositions légales propres, qui paraissent avoir<br />

traversé sans heurt les deux cents ans qui les séparent de leur adoption.<br />

Et pourtant, tout observateur objectif doit se rendre à l’évidence : ces<br />

trois « contrats de service », pour reprendre une expression qui est<br />

aujourd’hui consacrée (1), sont dans la tourmente. Dans la tourmente<br />

générale, d’abord, que connaissent tous les contrats traditionnels, écartelés<br />

qu’ils sont entre le Code civil, le droit de la consommation, les lois<br />

particulières et les dispositions issues du droit européen ou de conventions<br />

internationales. Dans une tourmente qui leur est propre, ensuite, et<br />

qui puise sa source dans la conjonction d’une certaine indigence des<br />

textes, d’un bouleversement des concepts traditionnels induit subrepticement<br />

par les auteurs du Code civil et d’un facteur économique majeur.<br />

Nous vivons à cet égard dans une société où le secteur des services a pris<br />

une place essentielle et où la variété de ces services dépasse de loin les<br />

opérations auxquelles les auteurs du Code civil ont pu penser (l’entreprise<br />

immobilière, le dépôt, le transport, le façonnage et peut-être les<br />

professions libérales, l’intermédiation commerciale et la gestion de propriétés,<br />

...). Les prestations de services d’ordre intellectuel occupent<br />

ainsi aujourd’hui une place considérable et envahissent les domaines les<br />

plus divers; que l’on pense aux contrats de consultance en informatique,<br />

en organisation, en gestion des ressources humaines, etc.<br />

2. — Cette tourmente avec les déchirements et les incertitudes qu’elle a<br />

entraînés ne doit toutefois pas occulter un phénomène de reconstruction<br />

du droit des contrats de services autour de quelques principes communs<br />

et vraisemblablement de deux pôles : d’une part, le droit de l’entreprise<br />

de construction et des entreprises mobilières et, d’autre part, le droit des<br />

entreprises « non constructives » (2) où l’élément intellectuel domine.<br />

3. — C’est à ces deux phénomènes que je consacrerai ces quelques<br />

lignes qui n’ont nullement l’ambition d’être exhaustives.<br />

I. — LA TOURMENTE<br />

1. — L’éclatement du louage d’ouvrage<br />

4. — Conformément à la tradition (3), les auteurs du Code civil avaient<br />

conçu le louage d’ouvrage comme une sorte de contrat de services de<br />

droit commun (4), par opposition aux services d’ami que constituaient<br />

le mandat et le dépôt.<br />

(1) Fr. Glansdorff, « Les contrats de service : notion et qualification », Les contrats<br />

de service, Bruxelles, Jeune barreau de Bruxelles, 1994, n os 2 et s., pp. 2<br />

et s. et réf.<br />

(2) L’expression est empruntée à Fr. Glansdorff, « Actualité des contrats de<br />

service », Aspects récents du droit des contrats, Bruxelles, Jeune barreau de<br />

Bruxelles, 2001, n o 1, p. 65.<br />

(3) Voy. ci-après n o 6.<br />

(4) Comp. en droit positif : W. Goossens, Aanneming van werk : het gemeenrechtelijk<br />

dienstcontract, Brugge, Die Keure, 2003.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

Le louage d’ouvrage regroupait ainsi le contrat de travail, le contrat de<br />

transport et les entreprises immobilières et mobilières. Si en deux cents<br />

ans les textes n’ont guère changé et si le chapitre du louage d’ouvrage<br />

conserve une section 1 re relative au « louage des domestiques et<br />

ouvriers » et une section 2 relative aux « voituriers par terre et par<br />

eau », la première a été, de fait, absorbée par le droit social et la seconde,<br />

par le droit des transports, donc par le droit commercial.<br />

5. — Mais il y a plus. Les interventions législatives extérieures ont conduit<br />

dans le domaine du louage d’ouvrage — comme d’ailleurs, dans une certaine<br />

mesure, du mandat et du dépôt — à une parcellisation de la matière.<br />

La loi du 14 juillet 1991 relative aux pratiques du commerce a ainsi conduit<br />

à l’émergence d’un droit des contrats de services au consommateur.<br />

Le phénomène a été complété par la loi du 3 avril 1997 relative aux<br />

clauses abusives dans les contrats conclus avec leurs clients par les titulaires<br />

de professions libérales (5).<br />

D’une certaine manière, en matière d’entreprises de construction, la loi<br />

Breyne témoigne du même phénomène.<br />

La multiplication des réglementations professionnelles conduit tout<br />

autant à la création de particularismes, que l’on pense à la responsabilité<br />

des architectes, aux agents immobiliers, aux gestionnaires de fortune, aux<br />

experts-comptables, aux réviseurs d’entreprises pour ne citer qu’eux.<br />

L’indigence des textes du Code civil relatifs au louage d’ouvrage, n’a<br />

pu que favoriser son éclatement. On ne doit pas rappeler à cet égard que<br />

les treize articles relatifs aux devis et marchés sont essentiellement tournés<br />

vers l’entreprise immobilière, se bornent à évoquer le façonnage et<br />

ignorent les prestations de service d’ordre intellectuel (6).<br />

2. — Le bouleversement des concepts traditionnels<br />

6. — L’incertitude due à la parcellisation de la matière et encouragée par<br />

l’indigence des textes ne doit pas cacher une seconde difficulté née de<br />

l’admission par le Code civil du mandat et, peut-être, car le point reste<br />

discuté (7), du dépôt salariés.<br />

On se souviendra en effet que dans l’ancien droit français, le mandat et<br />

le dépôt constituaient des contrats essentiellement gratuits qui dégénéraient<br />

en louage d’ouvrage si une rémunération était promise. Seule une<br />

exception était faite au profit des professions libérales : les avocats et<br />

les médecins étaient des mandataires car, en vertu d’une fiction, leurs<br />

honoraires ne constituaient pas un salaire mais le tribut spontané de la<br />

reconnaissance du client (8).<br />

Par ailleurs dans le système de l’ancien droit, le mandat ne portait pas nécessairement<br />

sur des actes juridiques, il pouvait porter sur des actes matériels.<br />

Sous cet angle, il ressemblait au mandat de l’article 394 du Code<br />

suisse des obligations, qui dispose que « le mandat est un contrat par lequel<br />

le mandataire s’oblige dans les termes de la convention, à gérer l’affaire<br />

dont il est chargé ou à rendre les services qu’il a promis ». Ceci explique<br />

qu’avant 1804, le médecin pût être un mandataire. Une mission de<br />

courtage à titre gratuit pouvait, de même, faire l’objet d’un mandat.<br />

(5) Sur l’incidence du droit de la consommation sur les contrats de service, voy.<br />

Fr. Glansdorff, op. cit., Aspects récents du droit des contrats, n o 17, pp. 86 et s.<br />

(6) Cons. notam., Fr. Glansdorff, op. cit., Les contrats de service; A. Benabent,<br />

Les contrats spéciaux, Paris, Montchrestien, 1993, p. 251; Fr. Collart Dutilleul et<br />

Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 6 e éd., Paris, Dalloz, 2002,<br />

n os 625 et s.<br />

(7) Sur ce que le dépôt demeurerait un contrat essentiellement gratuit comme<br />

l’indique l’article 1917, C. civ. par opposition à l’article 1928, 2 o , C. civ., voy.<br />

notam., F. Laurent, Principes de droit civil, t. XXVII, n o 77; A. Colin et<br />

H. Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, 10 e éd. par L. Julliot de<br />

la Morandière, t. II, n o 1232; comp. G. Baudry-Lacantinerie et A. Wahl, Traité<br />

théorique et pratique de droit civil, t. XXIII, n os 1168 et s.<br />

(8) Cons. Pothier, Traité des contrats de bienfaisance, t. II, Traité du contrat de<br />

mandat, Paris, Orléans, 1775, n o 23, Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel,<br />

2 e éd., Paris, J.B. Coignard, 1685, t. I, première partie, liv. I, t. I, tit. XV,<br />

sect. I, n o IX, p. 254.<br />

2004<br />

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