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dits applicables jusque-là au mariage hétérosexuel. Voilà pourquoi, devant<br />

les avances de sa tante, qui ne peuvent être guidées par le bon motif,<br />

la nièce est muette!<br />

* * *<br />

Le chapitre II, après avoir rappelé le caractère solennel du mariage qui<br />

requiert une célébration publique devant l’officier de l’état civil, énonce<br />

les formalités qui doivent précéder le mariage et celles qui doivent le<br />

suivre. Jusqu’il n’y a guère, l’on a vécu ainsi sous le régime de la publication<br />

des bans, seule forme qui fut jugée à l’origine susceptible d’engendrer<br />

les dénonciations d’empêchement au mariage, mais qui se révéla<br />

bientôt ne présenter d’utilité que pour les démarcheurs en tous genres.<br />

D’où la substitution aux bans de simples déclarations d’intention matrimoniale<br />

consignées dans un nouveau registre, et une délimitation plus<br />

stricte de la compétence territoriale pour la célébration des mariages. Et<br />

dès lors aussi un contrôle plus sûr des tentatives de fraude par les officiers<br />

de l’état civil dont les pouvoirs furent récemment accrus et précisés<br />

(loi du 4 mai 1999) (7).<br />

Si, de manière générale, on a toujours admis le mariage de raison,<br />

d’intérêt ou de convenance, encore exigeait-on que l’on voulût le<br />

mariage pour le mariage; qu’en quelque sorte, il fût une fin, même<br />

s’il était aussi un moyen. Dans le langage de la doctrine, l’exigence<br />

se traduisit par la nécessité que l’on eût la volonté de construire une<br />

« communauté de vie durable ». L’expression a depuis lors été reprise<br />

par l’article 146bis nouveau du Code civil, aux termes duquel il<br />

n’y a pas mariage lorsque « l’intention de l’un au moins des époux<br />

n’est manifestement pas la création d’une communauté de vie durable,<br />

mais vise uniquement l’obtention d’un avantage en matière de<br />

séjour, lié au statut d’époux ».<br />

C’est principalement dans ce domaine que le rôle des officiers de<br />

l’état civil, en liaison avec le ministère public, s’est manifesté, en<br />

proportion du souci accru de protection du territoire, bien plus que<br />

de sauvegarde de la famille. On pourrait dire qu’en deux siècles, la<br />

perception du risque « politique » qu’engendrent les accommodements<br />

avec les règles du mariage a changé de nature. Une cause de<br />

nullité jusqu’ici virtuelle est ainsi devenue une cause de nullité dont<br />

le caractère absolu est désormais expressément visé par l’article 184<br />

du Code civil.<br />

* * *<br />

Les moyens de préservation de l’institution matrimoniale ont été prévus<br />

aux chapitres III et IV qui traitent respectivement des oppositions au<br />

mariage et des demandes en nullité. Ils n’ont connu, pour l’essentiel,<br />

que des adaptations corrélatives aux changements législatifs qui affectaient<br />

les autres chapitres du titre V.<br />

Tout au plus peut-on épingler que la loi du 31 mars 1987 a étendu le bénéfice<br />

du mariage putatif, prévu aux articles 201 et 202, à tous les enfants,<br />

même si les deux époux étaient de mauvaise foi.<br />

* * *<br />

Le chapitre V, qui traitait « Des obligations qui naissent du<br />

mariage », est demeuré un corps de règles presque exclusivement<br />

consacrées aux aliments et n’a guère subi de changements fondamentaux.<br />

Peut-être même le plus important est-il celui qui a modifié le<br />

titre lui-même, devenu « Des obligations qui naissent du mariage ou<br />

de la filiation ». C’est que l’on s’est avisé que peu de dispositions<br />

concernaient le mariage en tant que tel. Il n’en reste pas moins que<br />

l’insertion de ces dispositions sous le titre du mariage est révélateur<br />

(7) J. Sosson, « Les mariés de l’an 2000... Les nouvelles dispositions relatives à<br />

la simulation et aux formalités préalables au mariage », J.T., 2000, pp. 646 et s.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

de la conception traditionnelle du mariage en tant qu’il est le lieu privilégié<br />

de la procréation et de la constitution d’un cadre de vie stable<br />

pour l’éducation des enfants. Ce n’était cependant que le quod plerumque<br />

fit, et le couple qui aurait exclu toute progéniture, ou qui<br />

n’eût pas été en mesure de s’en assurer, n’en voyait pas pour autant<br />

son mariage invalidé. Les règles consacrées aux aliments pourraient<br />

dès lors tout aussi bien figurer sous un titre distinct de celui du mariage,<br />

même si l’une ou l’autre disposition règle à cet égard les conséquences<br />

de l’alliance ou, plus récemment, le droit aux aliments du<br />

conjoint survivant (art. 205bis, C. civ.).<br />

* * *<br />

Le changement le plus radical et le plus récent, qui a affecté l’institution<br />

matrimoniale est assurément son ouverture aux personnes de même<br />

sexe. C’est sans doute aussi la modification qui a donné lieu aux affrontements<br />

les plus irréductibles et les plus passionnés. D’aucuns ont<br />

d’ailleurs laissé entendre qu’il y avait là une étape décisive dans la<br />

« désinstitutionnalisation » du mariage et qu’il était symptomatique que<br />

celle-ci intervînt à un moment où l’on évoque d’autres changements à<br />

venir qui videraient censément le mariage de l’essentiel de sa substance<br />

(par l’avènement d’un divorce non judiciaire, ou à tout le moins sans<br />

faute, et partant, par la mise en cause des obligations qui naissent du mariage,<br />

notamment du devoir de fidélité).<br />

D’autres y voient, sur pied d’une dialectique du Même et de l’Autre, une<br />

rupture radicale qui risque de nous faire perdre nos repères fondamentaux,<br />

en quoi ils se trouvent confortés par certains anthropologues et<br />

psychanalystes (8) et évoquent de ce fait un « Malaise dans la<br />

civilisation » (9). La question est posée. Elle se reposera de toute manière<br />

au moment où les questions, distinctes mais liées, de la filiation et<br />

de l’éducation des enfants seront remises à l’ordre du jour.<br />

Quoi qu’il en soit, l’on se trouve peut-être à la croisée des chemins<br />

quant au sort de l’institution matrimoniale : deviendra-t-elle une sorte<br />

d’association à contenu variable, dont les seules règles tant soit<br />

peu contraignantes relèveront du domaine patrimonial, voire<br />

alimentaire? Quand bien même! Paradoxalement, la déperdition du<br />

caractère institutionnel du mariage au profit d’une conception plus<br />

individualiste pourrait aller de pair avec l’affirmation d’autant plus<br />

marquée de sa valeur symbolique et, par-delà la fragilité même qui<br />

affecterait l’institution, l’expression d’autant plus forte d’un engagement<br />

vital.<br />

Ce serait en quelque sorte une victoire « collatérale » de l’anarchie du<br />

vivant sur le Code Napoléon.<br />

Daniel STERCKX<br />

Avocat au barreau de Bruxelles<br />

(8) Voy. les références citées par P. Martens, Théories du droit et pensée juridique<br />

contemporaine, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 266 et s; voy. aussi l’exposé<br />

de M. Francis Martens, psychologue, devant la commission de la justice (Doc.<br />

parl., Sénat, sess. 2002-2003, 2-1173/3).<br />

(9) J.-L. Renchon, « L’avènement du mariage homosexuel dans le Code civil<br />

belge », R.T.D.F., 2003, pp. 439 et s.<br />

2004<br />

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