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LES ARTICLES 1101 À 1133<br />
DU CODE CIVIL :<br />
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES<br />
ET CONDITIONS DE VALIDITÉ<br />
DES CONTRATS<br />
Livre III - Titre III - Chapitres I et II<br />
1. — En dépit de sa paternité napoléonienne, le Code civil reste un<br />
« ancêtre vénéré » (1). Prétendre qu’il demeure véritablement<br />
« vénérable », à l’époque contemporaine, est beaucoup plus douteux.<br />
Nous n’irons pas jusqu’à dire, avec Laurent, que la plupart des auteurs<br />
du Code civil « étaient de médiocres jurisconsultes et des esprits tout<br />
aussi médiocres » (2), observation tout à la fois injuste et présomptueuse.<br />
Mais à moins d’être enivré par l’odeur de parchemin qui se dégage<br />
de nombre de ses dispositions, quiconque enseigne et pratique<br />
aujourd’hui le droit des obligations mesure l’écart qui sépare la réalité<br />
du droit positif et ce texte ancien.<br />
Les dispositions préliminaires du titre III (Des contrats et des obligations<br />
conventionnelles en général) du livre III (Des différentes manières<br />
dont on acquiert la propriété) illustrent ce propos de manière<br />
remarquable, ainsi que d’autres avant nous en ont déjà fait l’observation<br />
(3).<br />
2. — « Le contrat est une convention... » : article 1101. Qui en aurait<br />
douté? L’aspect tautologique de cette disposition a été maintes fois souligné.<br />
Quant à la suite de la définition, en tant qu’elle énonce les différentes<br />
variétés d’obligations (de donner, de faire ou de ne pas faire)<br />
qu’un contrat peut faire naître, elle concerne les obligations comme<br />
telles, et non point le contrat, lequel n’est d’ailleurs pas la seule source<br />
des obligations que le droit civil sanctionne.<br />
D’emblée, la confusion est totale et l’on doit à son ancienneté de n’être<br />
plus qu’une anecdote, la doctrine ayant, de longue date, mis les choses<br />
au point (4).<br />
3. — Des observations de même nature s’imposent à propos de la<br />
classification des contrats, à laquelle le législateur napoléonien s’est<br />
essayé. Un contrat est unilatéral, lorsqu’il n’emporte d’obligations<br />
que pour l’une des parties (art. 1103). Selon l’article 1102, il est « synallagmatique<br />
ou bilatéral, lorsque les contractants s’obligent réciproquement<br />
les uns envers les autres ». Il est « de bienfaisance »,<br />
quand une partie procure à l’autre un avantage gratuit, mais « à titre<br />
onéreux », s’il « assujettit chacune des parties à donner ou à faire<br />
quelque chose ».<br />
Passons sur le fait que, dans la combinaison de ces définitions, le<br />
contrat qui obligerait chacune des parties « à ne pas faire quelque<br />
chose » est oublié. Il ne s’agit que d’une erreur de plume supplémentaire.<br />
L’assimilation des contrats bilatéraux et synallagmatiques est,<br />
par contre, source de confusion, car il peut y avoir des contrats bilatéraux,<br />
qui ne sont pas synallagmatiques et auxquels les règles pro-<br />
(1) Expression que nous empruntons à l’intitulé du colloque organisé par le<br />
Centre d’histoire du droit et de droit comparé de la Faculté de droit de l’U.L.B.,<br />
pour la célébration du bicentenaire du Code civil.<br />
(2) Principes de droit civil, t. XVI, n o 356, cité par P.-A. Foriers, « Variations<br />
sur le thème de la tradition », in Mélanges Perelman, p. 47, note 58.<br />
(3) Voy. notam., R.O. Dalcq, « Quelques réflexions à propos de la rédaction<br />
des articles 1101 à 1167 du Code civil », in Mélanges Marcel Fontaine, p. 111;<br />
comp. Y. Merchiers, « Faut-il recodifier notre droit des contrats? », Liber Memorialis<br />
Fr. Laurent, p. 569.<br />
(4) De Page, t. II, 3 e éd., n o 447.<br />
J.T. n° 6132 - 12/2004<br />
Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />
aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />
pres à ces derniers, par conséquent, ne s’appliqueront pas. Quant à la<br />
distinction entre les contrats de bienfaisance et les contrats à titre<br />
onéreux, elle n’a, comme telle, aucune conséquence pratique, la gratuité,<br />
synonyme d’unilatéralité, ne se confondant d’ailleurs pas avec<br />
la libéralité, au sens spécifique du terme en matière de testaments et<br />
de donations (5).<br />
Oubliée, la distinction entre les contrats consensuels, les contrats réels<br />
et les contrats solennels, pourtant si nombreux à nouveau aujourd’hui,<br />
de même que la distinction entre les contrats intuitu personae et les<br />
autres, dont l’importance en droit contemporain est considérable (6) et<br />
qui n’est indirectement évoquée qu’à l’article 1110, au titre de l’erreur<br />
sur la substance. Ignorés, les contrats collectifs et les contrats d’adhésion.<br />
Nous ne sommes personnellement nullement convaincu qu’une classification<br />
des contrats, dont la dimension réellement normative est nulle<br />
et qui relève du commentaire, se justifie, sauf à sacrifier à un cartésianisme<br />
de pacotille. Mais dans la mesure où le législateur se prête au jeu,<br />
au moins convient-il que le tableau, établi à un moment donné, soit<br />
cohérent, même s’il est, par nature, condamné à évoluer.<br />
4. — On aurait voulu être moins critique à propos des articles 1108 à<br />
1133, concernant les « conditions essentielles pour la validité des<br />
conventions ». Malheureusement, on doit observer que le Code civil<br />
manque un pan entier de la réalité juridique de la formation des contrats,<br />
en traitant exclusivement de leurs conditions de validité d’un point de<br />
vue statique.<br />
Pas un mot de la formation des contrats d’un point de vue dynamique,<br />
rien sur les pourparlers préliminaires, sur les avant-contrats, sur les promesses<br />
de contrat, rien sur l’offre ni sur l’acceptation. C’est donc à la<br />
jurisprudence et à la doctrine qu’il est revenu de construire, à cet égard,<br />
l’appareil normatif nécessaire, confirmant, au passage, leur rôle essentiel<br />
dans la formation du droit, en complément de la loi.<br />
De même, le Code civil n’est d’aucun secours mais, corrélativement,<br />
n’élève aucune entrave au développement de conceptions nouvelles,<br />
dans cette matière particulièrement sensible en pratique. Ainsi en vat-il,<br />
par exemple, de la théorie de la punctatio, plus ouverte à la complexité<br />
qui caractérise, dans la réalité de la vie des affaires, le processus<br />
de formation des contrats, que ne l’est la traditionnelle théorie de l’offre<br />
et de l’acceptation, trop abstraite et trop catégorique pour pouvoir rendre<br />
exactement compte de celle-ci (7).<br />
5. — D’une manière générale, les conditions de validité des contrats, si<br />
l’on s’en tient à elles, sont énoncées par l’article 1108 du Code civil,<br />
avec quelques approximations et qualifications inutiles. Qu’un contrat<br />
requiert « le consentement de celui qui s’oblige », certes mais aussi de<br />
l’autre partie. Le profane qui s’en tiendrait à la lecture de cette disposition<br />
recevrait d’emblée une fausse image de la réalité et aurait peine à<br />
comprendre la différence entre contrat et engagement par déclaration<br />
unilatérale de volonté.<br />
L’objet, énonce le même article, doit être « certain », mais un peu plus<br />
loin on parlera d’objet « déterminé » (art. 1129), alors que chacun sait<br />
aujourd’hui qu’il suffit qu’il soit « déterminable ». Quant à la cause,<br />
tant l’article 1108 que l’article 1131 la présentent comme un attribut nécessaire<br />
de l’obligation, alors que c’est du contrat qu’elle constitue un<br />
élément, « en arrière-plan du consentement » suivant l’heureuse formule<br />
de Carbonnier (8).<br />
(5) Voy. Van Ommelsaghe, « Observations sur la théorie de la cause dans la<br />
doctrine et dans la jurisprudence moderne », R.C.J.B., 1970, p. 328, n os 10 et<br />
16.<br />
(6) Van Ryn et Heenen, t. III, 2 e éd., n o 2.<br />
(7) M. Fontaine, « Offre et acceptation - Approche dépassée du processus de<br />
formation des contrats », Mélanges Van Ommeslaghe, p. 115.<br />
(8) Droit civil, t. 4, 22 e éd., n o 58.<br />
2004<br />
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