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2004<br />

266<br />

DE L’ADOPTION<br />

ET DE L’ADOPTION PLÉNIÈRE (1)<br />

Livre I - Titre VIII<br />

I. — L’ÉVOLUTION LÉGISLATIVE DE L’ADOPTION<br />

1. — Le passé<br />

Le Code civil de 1804 ressuscita « avec tiédeur » (2) une vieille institution<br />

de droit romain, tombée en désuétude au Moyen Age : l’adoption,<br />

contrat solennel à but successoral. Une personne âgée d’au moins cinquante<br />

ans et restée sans descendance légitime pouvait en effet adopter<br />

un majeur si elle lui avait prodigué des soins pendant six ans au moins<br />

au cours de sa minorité. L’adopté restait juridiquement dans sa famille<br />

d’origine mais était lié à l’adoptant par un lien de filiation additionnelle.<br />

Cette adoption, considérée par le professeur De Page (3) comme « un<br />

désert », fut rarement pratiquée : il s’en compta environ 1.000 entre<br />

1901 et 1930 (4). Par ailleurs, la tutelle officieuse consistait en une forme<br />

de prise en charge d’un mineur qui pouvait préparer une adoption.<br />

La loi du 22 mars 1940, dans l’espoir notamment de rendre un foyer aux<br />

orphelins de guerre, permet en outre l’adoption des mineurs, avec le<br />

consentement de leurs parents ou du conseil de famille. L’âge minimum<br />

pour adopter fut abaissé à trente-cinq ans. L’adoption doit se fonder sur<br />

de justes motifs et présenter des avantages pour l’adopté, mais elle ne<br />

suppose plus une prise en charge préalable de six ans. Elle transfère à<br />

l’adoptant la puissance paternelle sur l’adopté mineur et peut être révoquée<br />

pour motifs très graves. La tutelle officieuse fut maintenue comme<br />

une possibilité de placement préadoptif probatoire.<br />

La loi du 10 février 1958 favorisa l’adoption de son propre enfant illégitime<br />

et l’adoption de l’enfant du conjoint, en abaissant dans ces hypothèses<br />

l’âge pour adopter de 35 à 21 ans, et en autorisant l’adoption en<br />

présence d’enfants de l’adoptant.<br />

La loi du 21 mars 1969, prolongeant cette faveur législative de l’adoption,<br />

abaissa l’âge des adoptants à 30 ans s’il s’agissait d’époux mariés<br />

depuis cinq ans, et permet dans tous les cas l’adoption en présence d’enfants<br />

de l’adoptant. Le tribunal peut autoriser l’adoption contre le refus<br />

abusif des père et mère d’origine de consentir à l’adoption de leur enfant.<br />

Fut également créée, à côté de l’adoption (5), la légitimation par<br />

adoption d’un mineur par deux époux, laquelle intègre pleinement et irrévocablement<br />

l’enfant dans sa famille adoptive et le coupe totalement<br />

de sa famille d’origine (hormis les empêchements au mariage). L’adoption<br />

ne peut plus être attaquée par voie de nullité. Des règles de droit<br />

international privé spécifiques à l’adoption sont par ailleurs intégrées<br />

dans le Code civil. Et la tutelle officieuse est transférée du titre VIII au<br />

titre X du livre 1 er , consacré à la minorité, la tutelle et l’émancipation,<br />

perdant à cette occasion son caractère de modalité d’un placement préadoptif<br />

pour devenir un « contrat de bienfaisance » relatif à la prise en<br />

charge d’un mineur.<br />

(1) Intitulé qui deviendra « De l’adoption » lorsque la loi du 24 avril 2003 entrera<br />

en vigueur : voy. infra, I. 3. Date de fin de rédaction du présent article :<br />

19 décembre 2003.<br />

(2) J.-P. Masson, Traité élémentaire de droit civil belge, t. 2, Les personnes,<br />

vol. II, 4 e éd., Bruylant, Bruxelles, 1990, n o 1141. A propos de l’histoire de<br />

l’adoption, voy. aussi R.P.D.B., v o « Filiation adoptive », n os 3-30 et<br />

I. Lammerant, L’adoption et les droits de l’homme en droit comparé, Bruylant,<br />

Bruxelles et L.G.D.J., Paris, 2001 (ci-après cité « I. Lammerant »), n o 1.<br />

(3) T. 1 er , éd. 1933, n o 1246.<br />

(4) Exposé des motifs de la loi du 22 mars 1940, Doc. parl., Chambre, sess.<br />

1934-1935, n o 35.<br />

(5) Qui crée un lien de parenté entre l’adoptant, l’adopté (mineur ou majeur) et<br />

ses éventuels descendants, tout en maintenant les liens dans la famille d’origine.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

2. — Le droit actuel<br />

La réforme de 1987 (6) remplace le concept de légitimation par adoption<br />

par celui d’adoption plénière, mais en conserve le contenu. Elle<br />

permet notamment l’adoption et l’adoption plénière par une seule personne<br />

ou des époux d’au moins 25 ans (18 ans pour l’adoption de l’enfant<br />

du conjoint). Elle impose aux parents d’origine un délai de réflexion<br />

de deux mois à partir de la naissance avant de pouvoir consentir<br />

à l’adoption de leur enfant. Elle créait également, avec la déclaration<br />

d’abandon, la possibilité de déclarer adoptable un enfant placé dont les<br />

parents s’étaient manifestement et volontairement désintéressés depuis<br />

au moins un an (six mois lorsque l’enfant était placé depuis la naissance).<br />

A titre de variante, le « recueil familial » constituait une forme de<br />

délégation de l’autorité parentale à un membre de la famille d’un enfant<br />

en situation d’abandon.<br />

La loi du 7 mai 1999 supprime cependant la déclaration d’abandon et le<br />

recueil familial, en raison de leur caractère « déshonorant » pour les familles<br />

d’origine et « culpabilisant » pour les familles adoptives, ainsi<br />

que de leur relatif insuccès quantitatif (7).<br />

Enfin, les lois des 27 mars et 29 avril 2001 réformant la tutelle, en<br />

créant une procédure judiciaire de constatation de l’impossibilité durable<br />

d’exercer l’autorité parentale en vue de désigner un tuteur, ont alourdi<br />

— sans coordination entre les matières — la procédure d’adoption de<br />

certains enfants dont le ou les parents se trouvent dans cette situation,<br />

le consentement à l’adoption devant en conséquence être donné par le<br />

tuteur.<br />

3. — Le droit de demain<br />

La loi du 24 avril 2003 (8) non encore en vigueur, réforme intégralement<br />

le droit de l’adoption nationale et internationale (9). Elle soumettra<br />

notamment l’adoption de mineurs au respect de l’intérêt supérieur<br />

de l’enfant et des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en<br />

droit international (10). Elle supprimera le caractère contractuel de<br />

l’adoption pour fonder celle-ci sur une décision du tribunal de la jeunesse<br />

(11) et interdira l’adoption de son propre enfant. Elle instaurera,<br />

au titre de condition légale pour adopter un enfant, la vérification<br />

par le tribunal de l’aptitude psycho-sociale des candidats adoptants,<br />

belges et étrangers, sur la base d’une étude sociale; cette vérification<br />

sera précédée par une préparation des futurs parents effectuée par les<br />

Communautés (12). Les cohabitants de sexe différent (mais non de<br />

même sexe) seront autorisés à adopter ensemble s’ils « vivent de fa-<br />

(6) Lois des 26 janvier, 27 avril et 20 mai. Voy. I. Lammerant, « La réforme de<br />

l’adoption en droit interne », J.T., 1987, pp. 509-521.<br />

(7) Voy., les développements de la proposition de loi, Doc. parl., Ch., sess. ord.<br />

1998-1999, n o 2100/1. Pour un commentaire critique de cette évolution, voy.<br />

aussi I. Lammerant, n os 436-437; la procédure de déclaration d’abandon présentait<br />

en effet en principe l’avantage d’éviter la confrontation judiciaire entre<br />

les familles d’origine et adoptive en permettant à un tiers, de préférence un professionnel<br />

de l’aide à l’enfance ou le procureur du Roi, de requérir du tribunal<br />

l’adoptabilité de l’enfant, puis de placer celui-ci en vue de son adoption.<br />

(8) M.B., 16 mai 2003 : http://www.just.fgov.be/index_fr.htm.<br />

(9) Le droit actuel de l’adoption s’étend de l’article 343 à l’article 370 du Code<br />

civil; la loi du 24 avril 2003 y consacre pas moins de 97 articles, compris, par<br />

le jeu des numéros multiples, entre les articles 343 et 368-8 nouveaux du Code<br />

civil. Les dispositions de droit judiciaire, auparavant incluses dans le Code civil,<br />

sont renvoyées aux articles 1231-1 à 1231-56 du Code judiciaire. Et une<br />

partie des dispositions de droit international privé (règles de conflit de lois)<br />

sont également soustraites au Code civil pour rentrer dans le (futur) Code de<br />

droit international privé.<br />

(10) A ce sujet, voy. infra, III.<br />

(11) A propos de l’évolution de l’adoption, dans les pays de droit romaniste, du<br />

contrat à une décision judiciaire, voy. I. Lammerant, n os 211-221.<br />

(12) Cette condition d’agrément des candidats adoptants est introduite dans le<br />

droit de la plupart des pays occidentaux, et correspond aux exigences du droit<br />

international, notamment de la Convention de La Haye de 1993 (voy. infra,<br />

III) : voy. I. Lammerant, n os 162-167.

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