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2004<br />

268<br />

contre sont partagés sur l’opportunité, dans l’intérêt de l’enfant, de<br />

l’adoption par les grands-parents (25). A propos de ces adoptions intrafamiliales,<br />

il convient en particulier de se demander si la filiation d’origine<br />

de l’enfant est toujours suffisamment respectée, face au désir des<br />

adultes de faire coïncider la prise en charge affective et éducative d’un<br />

enfant et le lien de filiation légale, ainsi qu’au rôle d’enjeu que l’enfant<br />

se voit souvent imposer malgré lui dans les conflits conjugaux ou familiaux.<br />

Certaines de ces situations intrafamiliales bénéficieraient sans<br />

doute plus opportunément d’une délégation de l’autorité parentale, malheureusement<br />

inexistante dans le Code civil belge, contrairement, notamment,<br />

au Code civil français (26).<br />

La diminution du nombre de jeunes enfants abandonnés en Belgique a<br />

par ailleurs suscité le développement de l’adoption hétérofamiliale internationale.<br />

L’adoption hétérofamiliale concerne également de nos<br />

jours, de façon minoritaire, des enfants belges ou étrangers dits « à besoins<br />

spéciaux », c’est-à-dire plus âgés, connaissant des problèmes de<br />

santé ou de handicap, ou vivant en fratrie (27). Selon l’Unicef, à l’échelle<br />

mondiale, « il existe de très sérieux fondements pour soutenir que les<br />

demandes d’adoption semblent excéder le nombre d’enfants adoptables<br />

en ce qui concerne les jeunes enfants en bonne santé, bien qu’il soit nettement<br />

impossible à ce stade d’en estimer la proportion. L’inverse semble<br />

toutefois avéré dans le cas des enfants considérés comme difficiles<br />

à placer (c’est-à-dire à besoins spéciaux), pour lesquels il y a un manque<br />

sérieux de parents adoptifs potentiels » (28). S’ils veulent réaliser leur<br />

projet, les candidats adoptants devront donc de plus en plus orienter leur<br />

demande vers ces enfants actuellement en besoin d’adoption internationale,<br />

tant il est vrai qu’il n’existe pas de droit à l’enfant; ils pourront<br />

pour ce faire bénéficier d’un soutien professionnel [III].<br />

III. — INTERNATIONALISATION DE L’ADOPTION<br />

— La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la<br />

Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant et la Convention<br />

de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière<br />

d’adoption internationale du 29 mai 1993 ont développé les droits de<br />

l’enfant, de la famille d’origine et de la famille adoptive dans l’adoption.<br />

Le primat de l’intérêt supérieur de l’enfant sur les désirs des adultes<br />

est par ailleurs fortement rappelé. Il n’existe pas de droit à l’enfant<br />

ni donc de droit d’adopter (29). L’adoption consiste à donner une famille<br />

à un enfant et non un enfant à une famille.<br />

(25) I. Lammerant, n os 196-198.<br />

(26) A cet égard, soulignons que la tutelle officieuse, apparemment presque<br />

tombée en désuétude, mériterait elle aussi d’être réformée, d’une part pour réglementer<br />

la période de placement préadoptif, en tout cas pour les adoptions<br />

hétérofamiliales, d’autre part pour créer une délégation d’autorité parentale<br />

dans les situations intrafamiliales où un adulte prend en charge un enfant, voire<br />

pour donner un statut à certaines familles d’accueil. Voy. aussi, I. Lammerant,<br />

n os 797-798, 771, 416, 71, 188-189, 199-200, 208, 422.<br />

(27) Voy. I. Lammerant, n os 91-96.<br />

(28) N. Cantwell, « Adoption internationale - Commentaire du nombre d’enfants<br />

adoptables et du nombre de personnes qui cherchent à adopter au niveau<br />

international », Protection internationale de l’enfant - La lettre des juges publiée<br />

par la Conférence de La Haye de droit international privé, t. V, printemps 2003,<br />

pp. 69-73, ftp://ftp.hcch.net/doc/spring2003.pdf et http://www.iss-ssi.org/<br />

Resource_Centre/Tronc_Dl/Cantwell_Intercountry_Adoption_French.pdf. Voy.<br />

dans le même sens, rapport N. About sur la recommandation de l’assemblée parlementaire<br />

du Conseil de l’Europe « Pour un respect des droits de l’enfant dans<br />

l’adoption internationale », doc. 8592, 2 déc. 1999, n o 10.<br />

(29) I. Lammerant, ch. 1 er et n os 778-781; I. Lammerant, « Les instruments internationaux<br />

qui régissent l’adoption », http://www.iss-ssi.org/Resource Centre/Tronc_CI/instrumentsinter.pdf.;<br />

I. Lammerant, « La Convention de La<br />

Haye du 29 mai 1993 : Analyse juridique », http://www.iss-ssi.org/<br />

Resource_Centre/Tronc CI/dhanalysejur.pdf.; I. Lammerant, « Ethique et<br />

adoption internationale », documents du colloque « L’adoption internationale<br />

en droit comparé » organisé à Paris les 25 et 26 avril 2003 par l’Association<br />

Louis Chatin, pp. 35-52.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

Les textes internationaux contribuent également à l’instauration d’une<br />

hiérarchie des solutions de protection familiale permanente (30) d’un<br />

enfant privé de famille, toutes soumises à l’intérêt supérieur de<br />

l’enfant : priorité à la réintégration dans la famille d’origine; à défaut,<br />

adoption nationale; à défaut encore, adoption internationale (principe<br />

de double subsidiarité de l’adoption internationale) (31).<br />

C’est à l’ensemble de ces développements en matière de droits de<br />

l’homme et de l’enfant que la loi du 24 avril 2003 se réfère lorsqu’elle<br />

fonde désormais l’adoption de mineurs non seulement sur l’intérêt supérieur<br />

de l’enfant, mais également sur le respect des droits fondamentaux<br />

qui lui sont reconnus en droit international.<br />

— Par ailleurs, l’adoption, hétérofamiliale principalement, est de plus<br />

en plus conçue non seulement comme une institution de filiation, mais<br />

également comme un mode de protection de l’enfant. Celui-ci doit également<br />

être protégé au cours de la procédure, notamment des trafics<br />

d’enfants et des abus de l’adoption (32).<br />

En conséquence, les conventions internationales fondent la responsabilité<br />

de l’Etat en matière d’adoption ainsi que la coresponsabilité des Etats<br />

d’origine et d’accueil dans l’adoption internationale et leur nécessaire<br />

coopération, par l’intermédiaire d’autorités spécialisées et d’organismes<br />

d’adoption agréés, professionnels et agissant sans but lucratif (33). Conformément,<br />

en particulier, à la Convention de La Haye de 1993, l’adoption<br />

internationale implique en effet, outre une analyse juridique, un travail<br />

interdisciplinaire, d’ordre psycho-socio-médical, avec toutes les parties<br />

intéressées : recherche de la solution familiale permanente la plus<br />

adéquate pour les enfants privés de famille, évaluation de leur adoptabilité<br />

et préparation des enfants adoptables; information, sélection et préparation<br />

des parents adoptifs potentiels; apparentement de chaque enfant avec<br />

la famille adoptive la plus adéquate et suivi du placement en vue d’adoption<br />

(34). Ce travail est déjà prévu par les décrets et arrêtés (en cours de<br />

révision) des Communautés réglementant les organismes d’adoption (35).<br />

Certains aspects en seront également repris dans le Code civil même lorsque<br />

la loi du 24 avril 2003 entrera en vigueur (36).<br />

— Les différences culturelles sont importantes en matière d’adoption,<br />

même entre Etats européens (37). Plutôt que vers des normes uniformes,<br />

le droit international s’oriente donc en la matière vers des conventions<br />

de coopération entre autorités et organismes agréés spécialisés. Une<br />

évolution radicale depuis la conception contractuelle et l’autonomie des<br />

volontés d’adultes consacrées par le Code de 1804. Mais une évolution<br />

légitime dans l’intérêt supérieur des enfants.<br />

Isabelle LAMMERANT<br />

Docteur en droit de l’U.C.L.<br />

(30) Le placement familial et le placement institutionnel étant en principe considérés<br />

comme des solutions temporaires, soumises à une révision périodique.<br />

(31) I. Lammerant, n os 69-71.<br />

(32) Voy. par ex., I. Lammerant, n os 79-89.<br />

(33) I. Lammerant, n os 64-68, 257-261 et 763-767.<br />

(34) Sur toutes ces étapes, voy. notamment le Guide éthique, du Service social<br />

international, supra, note 13 et I. Lammerant, n os 262-265. Sur le caractère interdisciplinaire<br />

du processus d’adoption, voy. aussi I. Lammerant, n os 222-223<br />

et 775-776.<br />

(35) Pour une analyse européenne comparée de la réglementation de ces organismes,<br />

voy. I. Lammerant, n os 266-302.<br />

(36) Notamment l’information des parents d’origine, la préparation des parents<br />

adoptifs et la vérification de leur aptitude, la nécessité d’une autorisation pour<br />

les intermédiaires à l’adoption et la coopération entre autorités spécialisées<br />

dans l’adoption internationale.<br />

(37) Voy. par exemple, à partir des mêmes textes du Code civil de 1804, l’évolution<br />

du droit français vers l’accouchement anonyme et le secret des origines,<br />

alors que le droit belge maintient — avec raison eu égard aux droits de l’enfant<br />

et à l’intérêt bien compris des parents d’origine et adoptifs — la transparence<br />

de l’état civil de l’adopté et la connaissance de ses origines : I. Lammerant,<br />

ch. 8 et n os 791-794 et 809. Voy. aussi la discrétion (mais non le secret des origines)<br />

instaurée à juste titre, dans la loi du 24 avril 2003, par la possibilité<br />

d’anonymat des parents adoptifs à l’égard des parents d’origine pendant la procédure,<br />

supra, I, 3.

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