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p. 280). Le droit romain distinguait, dans la Lex Aquilia, la culpa levis et<br />

la culpa levissima. Certains auteurs, comme Lalou (Traité, n o 415) ont<br />

distingué la faute très légère, la faute légère, la faute volontaire non intentionnelle,<br />

la faute inexcusable, la faute intentionnelle, la faute lourde, la<br />

faute grave et le dol. S’il est certain que certaines fautes constituent une<br />

violation de la morale sociale et présentent une connotation morale qui ne<br />

se retrouve pas dans la faute involontaire, commise sans intention de nuire,<br />

ces distinctions ont actuellement disparu en grande partie dans la mesure<br />

où notre droit considère que la gravité de la faute n’exerce d’influence<br />

ni sur l’existence de la responsabilité, ni sur l’étendue de la réparation<br />

(De Page, Traité, t. II, n o 945 et 1022; Mazeaud, t. III, n os 2364 à 2371;<br />

G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, nos 226 et s.). Un arrêt déjà<br />

ancien de notre Cour de cassation (15 mai 1941, Pas., 1941, I, 92) a confirmé<br />

cette solution dans les termes suivants : « Attendu que l’article 1382<br />

du Code civil est général et ne fait pas de distinction; que “ réparer ” un<br />

dommage, c’est rétablir la partie qui l’a subi dans la situation où elle serait<br />

demeurée si le fait illicite dont elle se plaint n’avait pas été commis; qu’un<br />

tel résultat ne peut être atteint que par une réparation qui couvre entièrement<br />

le préjudice dû à ce fait et pour la détermination de laquelle l’importance<br />

de la faute commise apparaît, dès lors, comme un élément sans rapport<br />

avec la question à résoudre ».<br />

Le degré de gravité de la faute commise ressurgit cependant au niveau<br />

de l’appréciation du lien de causalité. Par un arrêt du 6 novembre 2002,<br />

la Cour de cassation, se référant au principe général de droit fraus omnia<br />

corrumpit a en effet estimé que l’auteur d’une infraction intentionnelle<br />

engageant sa responsabilité civile ne pouvait prétendre à une réduction<br />

des réparations dues à la victime de cette infraction en raison des négligences<br />

ou imprudences commises par celle-ci (Cass., 6 nov. 2002, J.T.,<br />

2003, p. 579 et la note de J. Kirkpatrick, ibid., pp. 573 et s.).<br />

5. — Les arrêts par lesquels la Cour de cassation contrôle l’application<br />

par le juge du fond de la notion de faute sont peu nombreux. Si, en principe,<br />

le juge du fond constate souverainement les faits reprochés à<br />

l’auteur du dommage, la Cour de cassation contrôle cependant si ces<br />

faits constituent ou non un acte illicite (cf. mercuriale du procureur général<br />

Dumon, « De l’Etat de droit », J.T., 1979, pp. 473 et s.).<br />

La Cour de cassation contrôle donc « si des faits et circonstances constatées,<br />

le juge du fond a légalement ou non déduit l’existence d’une faute,<br />

d’un vice de la chose, d’un défaut de prévoyance ou de précaution,<br />

d’un dommage et d’une relation causale au sen des règles de droit (ibidem,<br />

J.T., 1979, p. 497, voy. aussi, Cass., 13 juin 1983, Pas., 1983, I,<br />

151 et pour différents exemples, notre examen de jurisprudence (1980-<br />

1986), R.C.J.B., 1987, p. 607).<br />

6. — La Cour de cassation considère que la circonstance que le manquement<br />

au devoir de prudence qui s’impose à tous constitue aussi la violation<br />

d’une obligation contractuelle n’exclut pas que la responsabilité<br />

de l’auteur du dommage puisse être engagée envers les tiers avec lesquels<br />

il n’a pas contracté (Cass., 11 juin 1981, Pas., 1981, I, 1159).<br />

En revanche, après avoir admis la coexistence, entre cocontractants, des<br />

responsabilités contractuelle et extracontractuelle, la Cour de cassation<br />

considère, de façon constante depuis plus de trente ans, que l’article 1382<br />

du Code civil ne peut ouvrir la voie à une action entre cocontractants, à<br />

moins que la faute contractuelle reprochée ne soit constitutive d’une infraction<br />

pénale, ou que les deux conditions, bien connues, du concours des<br />

responsabilités se trouvent réunies, à savoir que la faute constitue également<br />

un manquement à l’obligation générale de prudence qui s’impose à<br />

tous, même en dehors de tout contrat et que le dommage causé soit autre<br />

que celui résultant de la mauvaise exécution du contrat (voy., Cass., 7 déc.<br />

1973, R.C.J.B., 1976, p. 15 et note Dalcq et Glansdorff; sur l’évolution de<br />

la jurisprudence depuis lors et les difficultés que cette évolution a suscitée;<br />

voy. notam., P. Wéry, « Les rapports entre responsabilité aquilienne et<br />

responsabilité contractuelle, à la lumière de la jurisprudence récente »,<br />

R.G.D.C., 1998, pp. 81 à 108, B. Dubuisson, « Responsabilité contractuelle<br />

et extracontractuelle », in Responsabilités - Traité théorique et pratique,<br />

Kluwer, 2000, livres 3 et 3bis).<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

Pour déterminer si la faute reprochée constitue la violation d’une obligation<br />

contractuelle ou d’une obligation qui s’impose à tous et si le dommage<br />

est distinct de celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat, il<br />

s’imposera de rechercher la véritable nature de l’obligation violée et de<br />

déterminer s’il s’agit ou non d’une obligation contractuelle implicite.<br />

Parallèlement, et suivant les mêmes critères, la jurisprudence a dégagé<br />

la théorie de l’immunité civile des préposés et agents d’exécution (cf.<br />

Dalcq et Glansdorff, note sous Cass., 15 sept. 1977, R.C.J.B., 1978,<br />

pp. 423 et s.) et l’a même étendue, plus récemment, aux organes (Cass.,<br />

7 nov. 1997, R.C.J.B., 1999, p. 730 et note V. Simonart).<br />

Cette immunité est de nature à accentuer la responsabilité contractuelle<br />

pour autrui. Si la responsabilité de l’agent d’exécution ne peut être mise<br />

en cause par le cocontractant qui subit le dommage causé par l’inexécution<br />

du contrat, l’autre contractant ne peut pour autant invoquer que la faute<br />

de son agent d’exécution constituerait un cas de force majeure le libérant<br />

de son obligation (Cass., 21 juin 1979, Pas., 1979, I, 226 et obs.).<br />

Cependant, le contractant peut invoquer le caractère imprévisible du<br />

dommage causé si la faute délictuelle de l’agent d’exécution a causé un<br />

dommage autre que celui résultant de la mauvaise exécution du contrat<br />

(Cass., 22 oct. 1983, Pas., 1984, I, 182 et obs.; comp., Cass., 29 nov.<br />

1984, Pas., 1985, I, 399 et la note de P.-H. Delvaux, « La responsabilité<br />

contractuelle pour autrui et l’arrêt du 29 novembre 1984 », J.T., 1987,<br />

p. 417).<br />

7. — Malgré l’attachement constant de notre Cour de cassation à la<br />

théorie de l’équivalence des conditions, elle a consacré la théorie, défendue<br />

par H. De Page, de la rupture du lien de causalité par l’interposition<br />

d’une cause juridique propre, qu’elle soit légale, réglementaire ou<br />

contractuelle (Cass., 28 avril 1978, Pas., 1979, p. 261; sur cette question<br />

voy. aussi, S. David-Constant, Propos sur le problème de la causalité<br />

dans la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle).<br />

Après avoir atténué la portée de cette théorie par le recours au critère de<br />

l’obligation secondaire ou subsidiaire, elle paraît l’avoir aujourd’hui<br />

abandonnée pour se situer sur le terrain du dommage réparable en énonçant<br />

que l’existence d’une obligation contractuelle, légale ou réglementaire<br />

n’exclut pas qu’il puisse y avoir un dommage au sens de<br />

l’article 1382 du Code civil sauf si, d’après le contenu ou la teneur du<br />

contrat, de la loi ou du règlement, la dépense à effectuer ou la prestation<br />

à fournir doivent rester définitivement à charge de celui qui s’y est engagé<br />

et qui doit l’effectuer ou la fournir en vertu de la loi ou du règlement<br />

(Cass., 19 févr. 2001, R.G.D.C., 2003, p. 182 et la note).<br />

8. — La responsabilité civile reste, en règle, une responsabilité à base<br />

de faute. Faut-il aller plus loin et passer du droit de la responsabilité au<br />

droit de la réparation, comme le souhaitait J.-L. Fagnart dans notre premier<br />

numéro de l’an 2000 (J.T., 2001, p. 11)? Nous ne le pensons pas.<br />

Certes, le souci d’indemnisation des victimes conduit le législateur à accroître<br />

les régimes particuliers de responsabilité objective dans divers<br />

domaines où la responsabilité sans faute se justifie pour mieux assurer<br />

la réparation des dommages. Ce fut notamment, le cas pour les accidents<br />

du travail, les victimes d’actes intentionnels de violence, les victimes<br />

de produits défectueux ou encore les usagers faibles.<br />

Omniprésent, le droit de la responsabilité civile doit s’adapter aux évolutions<br />

technologiques et sociales du monde d’aujourd’hui. Il se trouve<br />

tiraillé entre des exigences multiples. On lui demande tout à la fois, de<br />

prévenir les dommages et de protéger les individus — y compris les générations<br />

futures — de dissuader, de moraliser, voire de sanctionner; on<br />

lui demande surtout de réparer, tant il est jugé inacceptable aujourd’hui<br />

qu’une victime d’un préjudice demeure non indemnisée. Il est confronté<br />

à la difficulté croissante que, de plus en plus, le ou les responsables ne<br />

sont pas toujours identifiables.<br />

Mais nous pensons néanmoins que pour l’essentiel, la faute doit rester<br />

le fondement de la responsabilité civile.<br />

R.O. DALCQ<br />

2004<br />

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