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2004<br />

228<br />

mune qui plaçait les autres « branches » du droit dans une position périphérique<br />

et vassalisée. D’autre part, le Code civil lui-même est désormais<br />

largement phagocyté par quantité de lois spéciales, qui sont autant<br />

de « microsystèmes » dotés de principes et de méthodes d’interprétation<br />

propres : qu’il suffise à cet égard d’évoquer les matières du bail et de la<br />

protection du consommateur. J. Hoeffler notait déjà, en 1985, que dans<br />

l’édition des Codes Bruylant, la part représentée par les codes traditionnels<br />

n’occupait plus que 14% du nombre total des pages publiées. Ce<br />

constat l’autorisait à parler de « décodification » (20). Sans doute ferat-on<br />

valoir la multiplication de nouveaux codes — tels, par exemple, en<br />

France, le Code rural, le Code de l’artisanat ou encore le Code des douanes.<br />

Mais n’est-ce pas parler par antiphrase que d’évoquer ici la codification?<br />

Ces minicodes, n’intéressant qu’un service ou qu’une profession,<br />

ou ne concernant qu’un secteur restreint des activités nationales<br />

sont « contraires à l’esprit de la codification », n’hésite pas à écrire<br />

G. Braibant (21).<br />

La méthode de codification connaît, elle aussi, une transformation profonde.<br />

On sait que les codes classiques tranchaient à cet égard avec les<br />

« compilations » de l’Ancien Régime qui se bornaient, à des fins de<br />

commodité pratique, à regrouper les textes en vigueur, sans les modifier<br />

ni même les ordonner (les Restatement des pays du Common Law continuent<br />

à s’inspirer de cette méthode de simple « consolidation »).<br />

Aujourd’hui, la codification dite « à droit constant » semble renouer<br />

avec cette méthodologie plus modeste. A nouveau, il ne s’agit plus que<br />

de « rassembler et ordonner les normes existantes sans créer de règles<br />

nouvelles » (22). Cette méthode, adoptée depuis 1989 par la Commission<br />

(française) supérieure de codification, se heurte à plusieurs limites<br />

et objections. Tout d’abord, elle présente l’inconvénient majeur de ne<br />

viser que les dispositions législatives et réglementaires, à l’exclusion<br />

des autres sources du droit, et de se limiter de surcroît aux seuls textes<br />

émanant des autorités nationales françaises (23). Dans ces conditions,<br />

aucune norme internationale ni européenne n’est intégrée dans le Code;<br />

même exclusion en ce qui concerne les normes jurisprudentielles, coutumières,<br />

ou encore les règlements émanant d’autorités administratives<br />

indépendantes habilitées à exercer une parcelle du pouvoir réglementaire.<br />

En s’en tenant à la classique pyramide normative étatiste et<br />

légaliste : lois, décrets et arrêtés interministériels et ministériels, la codification<br />

à droit constant fait totalement l’impasse sur la production<br />

contemporaine du droit en réseau. On en est donc réduit à s’en remettre<br />

à l’initiative des éditeurs juridiques en vue de mettre à disposition des<br />

usagers une version plus réaliste du droit en vigueur intégrant notamment<br />

les règlements communautaires et les principales interprétations<br />

jurisprudentielles stabilisées. Par ailleurs, la neutralité absolue dont se<br />

prévaut la codification à droit constant est elle-même en partie illusoire<br />

dès lors que la terminologie doit être actualisée et harmonisée et que ne<br />

peuvent être retenus que des textes nationaux compatibles avec la Constitution<br />

et le droit international, ce qui implique bien entendu une interprétation<br />

évaluative (24). Enfin, on s’interroge sur l’utilité d’une opération<br />

qui, à l’instar du remplissement du tonneau des Danaïdes, s’emploie<br />

à fixer l’état présent d’un flux de réglementations que rien ne<br />

semble, par ailleurs, pouvoir ralentir.<br />

La récente loi française du 2 juillet 2003 « habilitant le gouvernement à<br />

simplifier le droit » (25) marque-t-elle une rupture à l’égard de cette<br />

manière de procéder? On peut le penser dès lors que, pour la première<br />

fois, l’article 34 de la loi habilite le gouvernement à réaliser une codifi-<br />

(20) J. Hoeffler, « L’avenir de la codification en Belgique », in « La codification<br />

et l’évolution du droit », Rev. jur. et pol. Indépendance et coopération,<br />

n os 3-4, 1986, p. 769.<br />

(21) G. Braibant, « La relance de la codification », Rev. fr. dr. adm., 1990,<br />

p. 307.<br />

(22) M. Suel, Essai sur la codification à droit constant, Paris, I.N., J.O., 1999,<br />

p. 205.<br />

(23) Y. Robineau, « A propos des limites d’une codification à droit constant »,<br />

in L’Actualité juridique - Droit administratif, 20 sept. 1997, p. 655.<br />

(24) J.-L. Bergel, op. cit., p. 327.<br />

(25) J.O., 3 juill. 2003, p. 11192.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

cation « à droit inconstant » de la législation relative à une série de matière.<br />

Ainsi, s’agissant par exemple du domaine des personnes publiques,<br />

le gouvernement peut-il « modifier et compléter » les dispositions<br />

énumérées « afin de les simplifier, de les préciser, de les harmoniser ».<br />

Les commentateurs n’ont dès lors pas manqué de noter que, au nom de<br />

l’objectif, légitime certes, d’efficacité de l’action, ce procédé entraînait<br />

un « vaste dessaisissement du Parlement » (26). Par ailleurs, la méthode<br />

mise en place a aussi pour effet de mettre (partiellement et provisoirement?)<br />

hors jeu la Commission supérieure de codification. Singulier résultat<br />

pour un texte dont un des objectifs consiste à lutter contre la prolifération<br />

des conseils et commissions...<br />

Ceci conduit à évoquer une troisième forme d’éclatement et de banalisation<br />

de la codification : il s’agit cette fois de la démultiplication des<br />

niveaux territoriaux auxquels s’opère cette production codifiée : en<br />

marge des Codes « nationaux » classiques, on assiste en effet au développement<br />

de Codes régionaux, tandis que l’idée d’une codification<br />

européenne fait progressivement son chemin.<br />

On ne revient plus sur les projets de recodification menés à l’échelle nationale,<br />

dont la France reste l’exemple le plus significatif avec son plan<br />

« général de codification » prévoyant, en 1995, non moins d’une cinquantaine<br />

de codes à produire au cours des années suivantes (27). Ce regain<br />

de nationalisme juridique n’empêche cependant pas, que, dans des<br />

pays fédéraux comme la Belgique, apparaissent des Codes régionaux.<br />

Dès lors que la Constitution consacre la compétence exclusive des Régions<br />

et Communautés dans des matières telles que l’environnement,<br />

l’enseignement ou le logement, il n’était pas étonnant de voir adopter<br />

des codes recouvrant ces matières, ainsi par exemple le Code wallon de<br />

l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine (décret du<br />

26 novembre 1997), ou encore le Code bruxellois du logement (ordonnance<br />

du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 17 juillet 2003<br />

portant Code bruxellois du logement).<br />

Le mouvement de codification n’a pas manqué d’affecter également le<br />

droit de l’Union européenne. Ici comme ailleurs, le double constat de<br />

l’inflation normative et de la modification permanente des textes suscitait<br />

un besoin d’ordonnancement et de stabilité auquel, croyait-on, le<br />

Code apporterait la solution. Au terme d’un débat déjà ancien, le Parlement<br />

européen adoptait, le 26 mai 1989, une résolution sur la simplification<br />

et la codification du droit communautaire. Plus tard, le<br />

20 décembre 1994, les trois institutions qui participent au processus<br />

législatif (Parlement, Conseil, Commission) conclurent un accord<br />

interinstitutionnel arrêtant une méthode de travail accélérée en vue<br />

d’une codification officielle des textes législatifs. Mais faute d’une impulsion<br />

centrale unique, la méthode — même accélérée — ne produisit<br />

guère de résultats. C’est que l’idée d’une codification européenne suscitait<br />

en elle-même bon nombre de controverses (28). Eût-elle même<br />

partiellement abouti, qu’elle n’aurait pas résolu les problèmes de coordination<br />

entre codification nationale et codification européenne. Faute<br />

pour les codificateurs nationaux d’intégrer la législation européenne<br />

(par exemple les règlements communautaires qui s’intègrent de plein<br />

droit dans les ordres juridiques internes), on en est à nouveau réduit à<br />

en appeler à la collaboration spontanée des éditeurs en souhaitant que<br />

« l’on diffuse de façon connexe aux Codes (officiels) des recueils de législation<br />

communautaire qui suivraient autant que faire se peut le périmètre<br />

et le plan des Codes » (29).<br />

(26) P. Gonod, « La simplification du droit par ordonnances », A.J.D.A.,<br />

20 sept. 1997, p. 639.<br />

(27) J.-L. Silicani, « La codification : instrument de réforme de l’Etat en<br />

France », op. cit.; G. Braibant, « Actualité de la codification », A.J.D.A.,<br />

20 sept. 1997, p. 639.<br />

(28) A l’encontre du projet du Code civil européen, cf. les arguments avancés<br />

par P. Legrand (« Sens et non-sens d’un Code civil européen », R.I.D.C., 4,<br />

1996, pp. 779 et s.).<br />

(29) S. Magnin, « La codification du droit communautaire », A.J.D.A., 20 sept.<br />

1997, p. 683.

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