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C’est une profession de foi, sans doute, mais peut-on en même tempsêtre<br />

plus révolutionnaire? Peut-on mieux se réclamer du droit de la Convention<br />

qui voulait faire du Code civil l’évangile des temps modernes.<br />

Droit occulté par le premier consul et l’empereur? Laurent dit et redit<br />

sur tous les tons, au fil des trente-deux tomes de son Précis qu’il y a « un<br />

plus grand bien qu’un code complet des lois civiles, c’est la liberté et<br />

l’histoire impartiale dira qu’au moment où le premier consul dota la<br />

France d’une législation civile il lui enleva la liberté ».<br />

M e De La Croix — nouveau coup de règle en perspective — croit également<br />

pouvoir faire du centenaire un jubilé! Comme il a peu de temps<br />

et peu de choses à dire il se contente d’introduire les anciens qui vont<br />

parler d’un siècle de jurisprudence et des perspectives à venir.<br />

Gustave Beltjens, conseiller à la Cour de cassation, savant juriste s’il en<br />

fut, dont on a pas oublié les huit lourds tomes de l’Encyclopédie du droit<br />

civil belge encore souvent consultés au temps où je faisais des recherches<br />

pour mon patron et qu’on ne trouve plus aujourd’hui que molestés<br />

et relégués à la galerie supérieure de la bibliothèque du barreau,<br />

M. Beltjens, donc fait un bien intéressant discours.<br />

Après avoir salué le Code civil avec l’admiration qu’il commande et rappelé<br />

à quel point il répondait adéquatement aux nécessités de l’an XII,<br />

M. Beltjens constate que les progrès de son temps n’y sont pas reflétés.<br />

Faut-il, dès lors le remplacer?<br />

Certes non!<br />

« Le remplacer par un édifice entièrement nouveau serait enlever à la fixité<br />

de la jurisprudence de la Cour suprême son but essentiel, si apaisant et<br />

si tranquilisateur pour les plaideurs ». Ici, je ne résiste pas à la tentation de<br />

citer le remerciement que l’avocat à la Cour de cassation adresse aux plaideurs<br />

qu’il rencontre : « nous savons, par expérience, que les grands arrêts<br />

de principe, les meilleurs, sont ceux qui ont été rendus dans les causes les<br />

mieux exposées. Il faut garder l’édifice avec “ ce fonds commun qui tient<br />

à la nature raisonnable et sociable de l’homme qu’on retrouve dans tous<br />

les temps ”. Mais il convient également de faire les travaux de consolidation<br />

et d’adaptation aux besoins nouveaux des usagers.<br />

» A cet effet on ne peut se contenter de la jurisprudence qui n’est pas là<br />

pour corriger la loi. Seul le législateur peut la créer. C’est ce qu’a compris<br />

le législateur belge ». Et d’énumérer quelques-unes des « vingt-six<br />

lois correctives », en insistant chaque fois sur le fait qu’elles correspondaient<br />

à un besoin collectif, qu’elles étaient étrangères aux passions politiques<br />

et pour cela durables :<br />

De la longue et intéressante énumération à laquelle l’orateur se livre je<br />

pique quelques exemples. D’abord quelques suppressions qui ne convenaient<br />

pas à notre conception du respect dû aux personnes : la mort civile;<br />

l’article 14 qui permettait de traduire un étranger, même non résidant<br />

en France, devant un tribunal français; l’article 726 qui ne permettait,<br />

que sous certaines conditions, à un étranger de succéder aux biens<br />

qu’un de ses parents, étranger ou français, possédait dans l’empire;<br />

l’article 1781 qui stipulait qu’un maître devait être cru sur son affirmation<br />

concernant le paiement du salaire de son ouvrier.<br />

Ensuite quelques innovantes du législateur; la loi hypothécaire de 1851;<br />

les lois, successives, octroyant à l’épouse le droit d’usufruit sur une partie<br />

de la succession de son conjoint, la possibilité d’obtenir une pension<br />

alimentaire sur la succession de son conjoint, d’acquérir un livret de<br />

caisse d’épargne; la loi sur la succession des petits héritages; la loi sur<br />

les accidents du travail, etc.<br />

M. Beltjens conclut sur un souhait : « ... laissons vivre longtemps encore,<br />

dans son ensemble la belle et grande œuvre de brumaire, nous la connaissons<br />

et prenons garde qu’en innovant et touchant aux grands principes et<br />

en voulant mieux faire, on ne nous dise : ne sutor supra cerepidam ».<br />

M e Picard est à la fête. Cette célébration est son idée. Elle se fait dans<br />

la même salle où deux ans plus tôt (21 déc. 2001), au cours d’une cérémonie<br />

en son honneur organisée par ses confrères pour son quarantième<br />

anniversaire de barreau, il fut salué par une immense acclamation. Il a<br />

66 ans, 43 ans de barreau. Des succès dans tous les domaines. Beaucoup<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

d’ennemis. En dépit de sa voix de fausset, il est éloquent. Il sait qu’on<br />

l’écoute. Il parle d’ailleurs sans notes. Plus que jamais il fait ce qu’il a<br />

envie de faire. Il parlera plus d’une heure. Il reprend et développe les<br />

thèmes qui lui sont chers. Il veut répandre les bienfaits du droit. Susciter<br />

des préoccupations juridiques chez ses destinataires. Le rendre familier<br />

à chacun. Comme le rappelait Charles Van Reepinghen, lors de la rentrée<br />

du Jeune barreau de Bruxelles consacrée à « L’éloge d’Edmond<br />

Picard » (cf. J.T., 1954, p. 654), c’est pour rendre la vie judiciaire commune<br />

à la nation entière, qu’avec d’autres, il a créé le J.T. en 1882.<br />

D’où il donne un cours comme il le faisait rue des Minimes, dans cette<br />

« université nouvelle » qu’il avait créée, dans sa maison natale.<br />

Il tente de définir le droit, d’expliquer son évolution.<br />

Après une promenade — une longue promenade — dans les 1.800 années<br />

qui l’ont précédé, il aborde le Code civil. Ce superbe code bourgeois. Lequel<br />

n’est qu’une des expressions du droit. Comprenez qu’il convenait<br />

aux hommes du début du XIX e siècle et beaucoup moins à ceux<br />

d’aujourd’hui. Pendant cent ans, les controversistes qui, comme Bigot-<br />

Preameneu, professaient pour cette espèce d’arche sainte qu’est le Code<br />

un respect religieux et refusaient de l’amender, se sont livrés à des interprétations<br />

outrancières. Résultat? Cinq cents controverses stériles.<br />

D’autres, plus pragmatiques, on crié que le Code n’était pas complet.<br />

Que lui manque-t-il? Principalement « le droit des travailleurs du cerveau<br />

et celui des travailleurs du muscle ». Les développements des<br />

droits intellectuels et du droit du travail, quasi ignorés par le Code s’est<br />

fait d’une manière désordonnée, par une multitude de lois particulières,<br />

dont chacune, du moins en droit social, marquait une conquête de la<br />

classe ouvrière. Réunies — comme l’ont fait MM. Hallet et Destrée<br />

pour le droit social — elles constituent de nouveaux codes.<br />

Edmond Picard y voit un encouragement. On entre dans une nouvelle<br />

période de l’évolution historique du droit. Et de conclure :<br />

... « Il y a un mot pour dire cela, un mot qui apparaît comme dangereux,<br />

plein d’inquiétudes et d’espérances. Nous entrons dans la période de socialisation<br />

du droit. C’est-à-dire d’un droit que doit élaborer la nation<br />

tout entière au lieu d’un droit qui a été longtemps celui d’une classe<br />

fractionnaire au détriment de la nation : le droit de la bourgeoisie ».<br />

Si l’on veut bien considérer qu’en plus de la cérémonie qu’il a organisée,<br />

le J.T. a publié ou rendu compte de la plupart des communications<br />

qui ont été faites pour le centenaire, il faut reconnaître, même avec le<br />

recul du temps, qu’il a bien travaillé. Et, pour reprendre le style de<br />

l’époque je dirai que ce n’est pas en vain qu’il a mis au frontispice de sa<br />

publication l’image antique de Thémis, manifestement cette déesse austère<br />

et les Heures, ces filles que Zeus lui a faites et qui veillent sur les<br />

travaux des hommes, Eunomie, Diké et Irène, la justice, les bonnes lois<br />

et la paix l’ont inspiré dans ses travaux.<br />

MARGINALIA DE LA COMMÉMORATION<br />

La date?<br />

Encore que Thomas Braun ait rappelé dans le J.T. et son habituel style<br />

fleuri qu’à la « prochaine équinoxe vernale, le 21 novembre 1904 s’accomplira<br />

le cycle de cent années » de nombreux lecteurs s’interrogent<br />

et interrogent le Journal sur la pertinence de son choix. Le centenaire<br />

échéait-il le 21 mars 1904 ou le 21 mars 1905? Décidément, de siècle<br />

en siècle, les mêmes questions se posent. Rappelez-vous, il y a peu, à<br />

l’orée de notre nouveau siècle, nos discussions : quand donc commence<br />

le XXI e siècle, le 1 er janvier 2000 ou 2001?<br />

Le Journal répond, avec pertinence, que s’il est vrai que le centenaire<br />

du Code civil ne sera accompli que le 21 mars 1905, il n’en est pas<br />

moins vrai que le jour du centième anniversaire de sa promulgation est<br />

bien le 21 mars 1904.<br />

2004<br />

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