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2004<br />

256<br />

L’ABSENCE, DEUX CENTS ANS<br />

APRÈS LE CODE CIVIL<br />

LivreI - TitreIV<br />

Disserter sur l’absence, objet du titre IV du livre premier du Code civil,<br />

deux cents ans après la promulgation de ce dernier, est sans doute chose<br />

assez vaine à une époque où « le développement de l’administration et<br />

des moyens de communication entre Etats, a pour effet que l’incertitude<br />

sur le sort des voyageurs s’est de plus en plus dissipée » (1).<br />

Cela est d’autant plus vrai qu’après deux siècles, en droit belge, l’« absent »<br />

au sens du Code civil, continue d’être une personne dont l’existence est incertaine,<br />

parce qu’elle a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa<br />

résidence, et qu’elle n’a pas donné de ses nouvelles depuis un certain temps.<br />

Depuis 1803, des trente et un articles consacrés à l’absence, trois ont été<br />

abrogés et deux ont été modifiés, l’un par la loi du 14 juillet 1976 relative<br />

aux régimes matrimoniaux et l’autre par la loi du 29 avril 2001 relative<br />

à la tutelle.<br />

Ces adaptations n’ont pas touché à l’essence même du système : elles sont<br />

relatives à des conséquences de l’incertitude de l’existence de l’absent sur<br />

le régime matrimonial légal (art. 124 tel que modifié par art. 2, § 1 er , des<br />

dispositions modificatives annexées à la loi de 1976), à la suppression<br />

pour l’époux présent de la possibilité de demander l’envoi en possession<br />

provisoire des biens de son conjoint absent qui n’avait point laissé de parents<br />

habiles à lui succéder (art. 140 abrogé par art. 1 er de la loi du 14 mai<br />

1981), à l’abrogation du texte selon lequel, en cas de disparition du mari,<br />

la mère avait la surveillance des enfants mineurs issus d’un commun mariage<br />

et exerçait tous les droits du mari, quant à leur éducation et à l’administration<br />

de leurs biens (art. 141 abrogé par art. 16 de la loi du 31 mars<br />

1987 relative à la filiation), à l’organisation de la tutelle par le juge de paix<br />

(et non plus par le conseil de famille) au cas où l’un des conjoints avait<br />

disparu et où l’autre était décédé six mois après cette disparition (art. 142<br />

modifié par art. 3 de la loi du 29 avril 2001), et enfin à l’abrogation du texte<br />

prévoyant que la surveillance des enfants mineurs issus d’un mariage<br />

précédent était déférée par le conseil de famille en cas de disparition de<br />

leur auteur (art. 143 abrogé par art. 18 de la loi du 31 mars 1987 déjà citée).<br />

Au vingt et unième siècle, ce doute pesant sur l’existence de l’absent et<br />

ses effets sur les droits subordonnés à la preuve de sa vie ou de sa mort,<br />

sont devenus inadéquats : l’incertitude quant à l’existence d’un être humain<br />

ne s’accommode guère avec la socialisation sans cesse accrue de notre<br />

droit.<br />

Lorsqu’est en jeu la question de savoir si l’absent ou ses ayants droit<br />

peuvent continuer à bénéficier du droit à des prestations sociales ou<br />

d’assurance décès, une déclaration d’absence qui ne peut intervenir que<br />

cinq ans après la disparition ou les dernières nouvelles (arg. art. 115 et<br />

119, C. civ.), n’implique pas encore que les droits subordonnés au décès<br />

puissent être exercés : en l’état des textes du Code civil, l’envoi en possession<br />

des héritiers présomptifs n’est que provisoire et cela pendant<br />

trente ans ou jusqu’à ce qu’il se soit écoulé cent ans révolus depuis la<br />

naissance de l’absent (art. 129, C. civ.).<br />

Aussi, en faveur de l’Etat, intéressé par la perception des droits de succession,<br />

l’envoi en possession provisoire est-il assimilé par la loi au<br />

décès (art. 3, C. dr. succ.); de même en faveur du conjoint d’un travailleur<br />

indépendant ou salarié, la déclaration d’absence de son époux<br />

vaut preuve de son décès, en vue de l’octroi de la pension de survie (2).<br />

(1) A. Kohl, Rép. not., t. 1, Les personnes, I, « L’absence », Bruxelles, Larcier,<br />

1988, p. 23, n o 1.<br />

(2) Art. 4, § 2, de l’arrêté royal n o 72 du 10 novembre 1967 relatif à la pension<br />

de retraite et de survie des travailleurs indépendants, remplacé par l’art. 209 de<br />

la loi du 25 janvier 1999; art. 16, § 1 er , al. 1 er , de l’arrêté royal n o 50 du<br />

24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs sa-<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

De lege ferenda, le doute prolongé sur l’existence de l’absent est incompatible<br />

avec les exigences de certitude dont doivent être assorties les<br />

prestations à charge de la collectivité et tout ce qui relève du domaine<br />

extrapatrimonial.<br />

Le législateur français s’en est rendu compte : la loi du 28 décembre 1977<br />

distingue deux périodes : celle de la présomption d’absence où le présumé<br />

absent est traité comme vivant, et celle de la déclaration d’absence où le<br />

déclaré absent est traité comme mort (3). Il n’existe plus en droit français<br />

de période d’incertitude quant à l’existence d’un être humain.<br />

Jusqu’à ce jour, le législateur belge n’a pas réformé le régime de l’absence;<br />

un projet de loi avait été déposé au Sénat le 2 août 1923 et y a été<br />

adopté le 5 février 1925 (4), la Chambre ne s’étant jamais prononcée à<br />

son sujet; une proposition de loi fut aussi déposée au Sénat, le 5 mars<br />

1992, par M. E. Cerexhe, mais n’a pas été adoptée (5).<br />

Le régime prévu par ce dernier texte distingue deux périodes :<br />

1. — La présomption d’absence qui commence le jour où l’on est sans<br />

nouvelles de l’absent et se prolonge aussi longtemps que la déclaration<br />

d’absence n’a pas été prononcée; elle peut faire l’objet d’une décision<br />

judiciaire; le présumé absent est considéré comme vivant;<br />

2. — Lorsque dix ans se sont écoulés depuis le jugement ayant constaté<br />

la présomption d’absence, ou vingt ans depuis les dernières nouvelles<br />

reçues de l’absent, peut intervenir un jugement de déclaration d’absence;<br />

ce dernier a les effets d’un décès : les biens de l’absent sont distribués<br />

à ses héritiers légaux ou testamentaires; son mariage est dissous.<br />

Le système est inspiré de la loi française de 1977; en outre, la suite présomption<br />

de vie puis de mort se trouve dans d’autres législations européennes<br />

(6).<br />

Selon la proposition de loi présentée, en constatant la présomption d’absence,<br />

le tribunal peut désigner en qualité d’administrateur provisoire le<br />

conjoint de l’absent, un de ses héritiers ou toute autre personne, même<br />

étrangère à la famille; il peut désigner un notaire dans le cas où un<br />

administrateur provisoire n’a pas été nommé (7).<br />

De façon générale, le texte proposé ne modifie pas la définition de l’absence<br />

et maintient le principe de la protection des intérêts en fonction<br />

de l’écoulement du temps (8).<br />

Pour compléter, il paraîtrait opportun de rapprocher l’absence et la disparition<br />

et d’ainsi favoriser la déclaration de décès d’un disparu (9).<br />

lariés, modifié par l’art. 214 de la loi du 25 janvier 1999; art. 3, § 1 er , de la loi<br />

du 15 mai 1984 portant mesures d’harmonisation dans les régimes de pension,<br />

remplacé par l’art. 15 de l’arrêté royal du 16 juillet 1998.<br />

(3) Au sujet de la loi du 28 décembre 1977, cf. L. Barbier, « Absents et nonprésents<br />

- Réflexions autour de la loi du 28 décembre 1977 », Gaz. Pal., 1978,<br />

2, doc., p. 450; J. Bernard de Saint Afrique, La réforme de l’absence,<br />

éd. Defrénois, 1978; A. Breton, « L’absence selon la loi du 28 décembre 1977<br />

- Variations sur le thème de l’incertitude », D.S., 1978, chron., pp. 241-248;<br />

A. Raison, « L’absence », Journal not. et av., 1978, pp. 717-728 (art. 54247);<br />

1992, pp. I-14 (art. 60511); B. Teyssie, « L’absence - Commentaire de la loi<br />

n o 77-1447 du 28 décembre 1977 », J.C.P., 1979, (éd. not.), 1979, p. 249.<br />

(4) Doc. parl. Sénat, sess. 1922-1923, n o 250 et rapport du comte Goblet d’Alviella<br />

et de M. Vauthier, Doc. parl., Sénat, 1923-1924, n o 106 et sess. 1924-<br />

1925, n o 54. Au sujet de l’adoption de ce projet par le Sénat, cf. Ann. parl. Sénat,<br />

sess. 1924-1925, p. 419.<br />

(5) Doc. parl. Sénat, sess. extr. 1991-1992, n o 230-1.<br />

(6) Cf. loi allemande du 15 janvier 1951 (Verschollenheitsgesetz, publiée au<br />

Bundesgesetzblatt, 1951, I, 63); loi autrichienne du 5 décembre 1950 (Tödeserklärungsgesetz,<br />

publiée au Bundesgesetzblatt, 1951, n o 23) : art. 413 du<br />

Code civil hollandais qui permet aux ayants droit de faire déclarer la présomption<br />

de décès cinq ans après qu’une personne a disparu ou depuis le moment où<br />

l’on a reçu ses dernières nouvelles. Au sujet de l’absence en droit hollandais,<br />

cf. P. Vlaardingerbroek, Het hedendaagse personen- en familierecht, 3 e éd.,<br />

Deventer, Tjeenk Willink, 2002, pp. 407-416.<br />

(7) Au sujet de la proposition de loi Cerexhe, cf. Y. et Y.-H. Leleu, « Réflexions<br />

au sujet d’une proposition de loi relative à l’absence et à la déclaration judiciaire<br />

de décès », Rev. not., 1993, pp. 486-501; rapport de MM. Van Oosterwijck, Bourseau<br />

et Pirson, Trav. com. ét. législ. 1986, pp. 92-159 (dossier n os 4182-4183).<br />

(8) Y. et Y.-H. Leleu, op. cit., p. 488, n o 7.<br />

(9) Cf. note Y.-H. Leleu sous Bruxelles, 14 sept. 1993, R.W., 1994-1995, p. 647.

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