07.07.2013 Views

p17un88fmnup43iolnfachbsf1.pdf

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

2004<br />

260<br />

LE DIVORCE<br />

LivreI - TitreVI<br />

« Trop heureux, si bientôt la faveur d’un divorce,<br />

Me soulageait d’un joug qu’on m’imposa par force ».<br />

RACINE, Britannicus, II, 2<br />

Il y a eu tellement de réformes du divorce ces dernières années que le<br />

juriste contemporain peut, sans grand risque de se tromper, émettre<br />

l’avis que cette matière est l’une de celles qui a le plus évolué depuis<br />

l’élaboration du Code civil. Il a raison. Et peut-être encore plus qu’il ne<br />

le croit, si on fait le compte précis des dispositions modifiées ou abrogées.<br />

Le Code civil comportait, en 1804, quatre-vingt-trois dispositions<br />

consacrées au divorce (art. 229 à 305) et à la séparation de corps<br />

(art. 306 à 311). Il en subsiste cinq à n’avoir été ni abrogées ni modifiées!<br />

Des esprits critiques (et il ne saurait y en avoir d’autres parmi les<br />

lecteurs du Journal) nous feront sans doute remarquer que tout ce qui<br />

concerne la procédure est passé dans le Code judiciaire. En effet. Mais,<br />

si nous procédons au même type de comptage, nous constatons que, sur<br />

les dispositions transférées dans le Code judiciaire, il n’y en a que neuf<br />

qui sont inchangées depuis 1804 — ou qui peuvent être considérées<br />

comme telles (en ce sens qu’elles n’ont subi que des modifications purement<br />

formelles).<br />

L’explication est fort simple. En dehors de considérations techniques,<br />

comme le souci de regrouper dans le Code judiciaire les dispositions<br />

concernant la procédure (ce qui, d’ailleurs, ne constitue pas une modification<br />

à proprement parler, si les dispositions sont transférées telles<br />

quelles), c’est évidemment l’évolution sociale qui est à la base de tous<br />

ces changements. Le divorce, quasiment inexistant en 1830 (4 actions<br />

dans toute la Belgique!), est entré dans les mœurs et a pris un développement,<br />

sur les bienfaits duquel les avis sont partagés (1), mais que<br />

l’on ne saurait contester : 20.845 divorces autorisés en 1991,<br />

29.370 prononcés en 2001. Et, nous le verrons, à peu près toutes les interventions<br />

du législateur assouplissent la rigueur de la législation initiale.<br />

Les juristes, « simples ratificateurs, comme il est d’usage » (2),<br />

ont suivi l’évolution sociale. Ils ne s’en cachent d’ailleurs pas : lors<br />

d’une des dernières et des plus importantes réformes, l’augmentation<br />

du nombre des procédures en divorce a été explicitement invoquée<br />

comme constituant une raison de simplifier et d’humaniser la procédure<br />

(3).<br />

(1) Voy. De Page, t. II, 4 e éd., n os 442 et 651, et les références citées. Adde,<br />

dans le sens favorable au divorce : Laurent, t. III, n os 172-173; dans le sens<br />

hostile à l’extension du divorce : J.-L. Stryckmans, « La reconvention, en degré<br />

d’appel, en matière de divorce et de séparation de corps », J.T., 1962,<br />

p. 505.<br />

(2) P. Goubert et D. Roche, Les Français et l’Ancien Régime, 1984, t. I, p. 23.<br />

Henri De Page écrit de même que « le législateur ne crée pas : il organise. Ce<br />

sont les mœurs et les réalités objectives qui créent » (t. I, 3 e éd., 1962, n o 8) et<br />

il place en épigraphe de son ouvrage De l’interprétation des lois la pensée<br />

suivante : « Nous voyons tous les jours la Société refaire la loi. On n’a jamais<br />

vu la loi refaire la Société » (J. Cruet, La vie du droit et l’impuissance des lois).<br />

De même encore, Weill et Terré constatent que, tant en France que dans les<br />

autres pays d’Europe occidentale, l’augmentation du nombre des divorces a<br />

précédé les réformes libéralisant les législations en la matière (Droit civil, Les<br />

personnes - La famille - Les incapacités, 4 e éd., n o 358).<br />

(3) Intervention de M. Wathelet, ministre de la Justice, au cours de l’élaboration<br />

de la loi du 30 juin 1994, compte rendu analytique, Sénat, 8 juin 1994,<br />

p. 838; proposition de loi de MM. Ylieff et consorts, qui est à la base de la loi<br />

du 30 juin 1994, Doc. parl., Ch., 23 juin 1992, n o 545/1, p. 2; rapport de la<br />

commission de la justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, 3 juin 1994, n o 898-2,<br />

p. 3; rapport de la commission de la justice de la Chambre, Doc. parl., Ch.,<br />

17 nov. 1993, n o 545/14, p. 45.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

Voyons à présent quelles lois ont modifié le titre consacré au divorce.<br />

Leur liste est impressionnante. On les énumère ci-après (4). dans l’ordre<br />

chronologique.<br />

La première est le Code de procédure civile de 1806, qui règle la procédure<br />

en séparation de corps et modifie ainsi tacitement l’article 307 du<br />

Code civil, lequel se contentait de renvoyer au droit commun de la procédure.<br />

Vient ensuite le Code pénal de 1867, qui abroge tacitement (5)<br />

l’obligation pour le juge ayant admis le divorce pour adultère de la femme,<br />

de condamner celle-ci, sur la réquisition du ministère public, « à la<br />

réclusion dans une maison de correction, pour un temps déterminé, qui<br />

ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder deux années »<br />

(art. 298).<br />

Ce n’est pas encore grand-chose. Mais, au XXe siècle, le législateur<br />

s’emballe. Dans la première moitié, nous rencontrons successivement :<br />

— la loi du 11 février 1905, qui modifie la procédure, notamment en<br />

fixant la durée de la suspension du permis de citer à six mois (au lieu de<br />

vingt jours), avec possibilité de la réduire à deux mois;<br />

— la loi du 8 février 1906, qui supprime la prohibition pour les époux<br />

divorcés de se remarier entre eux;<br />

— la loi du 20 mars 1927, qui rend l’article 299 (perte, par l’époux fautif,<br />

des avantages matrimoniaux) applicable à la séparation de corps et<br />

donne au tribunal un pouvoir d’appréciation en matière de demande de<br />

conversion de la séparation de corps en divorce;<br />

— la loi du 16 avril 1935, qui remplace l’interdiction du remariage<br />

avec le complice de l’adultère par un délai de remariage de trois ans;<br />

— la loi du 14 décembre 1935, qui interdit la publication des débats<br />

dans la presse et qui autorise l’introduction de l’action reconventionnelle,<br />

d’une part, par simples conclusions, d’autre part, pour la première<br />

fois devant la cour d’appel;<br />

— l’arrêté royal no 239 du 7 février 1936, qui rend facultatif le ministère<br />

des avoués, donne compétence au président du tribunal de première<br />

instance pour connaître des mesures provisoires et remplace la prononciation<br />

du divorce pour cause déterminée par l’officier de l’état civil par<br />

la transcription de la décision.<br />

— l’arrêté royal no 300 du 30 mars 1936, qui rend applicables à la séparation<br />

de corps diverses dispositions procédurales en matière de divorce<br />

et qui impose à la partie qui frappe d’opposition ou d’appel une<br />

décision ayant autorisé le divorce de dénoncer son recours au greffier<br />

de la juridiction ayant rendu la décision attaquée;<br />

— la loi du 7 avril 1936, qui supprime, lors de la dernière comparution<br />

en divorce par consentement mutuel, la présence, auprès de chaque<br />

époux, de deux amis, « personnes notables dans l’arrondissement »;<br />

— la loi du 15 décembre 1949, qui adapte l’article 235 à la terminologie<br />

actuelle (remplacement de la notion de poursuite criminelle par celle<br />

de poursuite pénale et de celle d’arrêt de la cour de justice criminelle<br />

par celle d’arrêt ou de jugement de la juridiction répressive).<br />

Dans la seconde moitié du siècle, le mouvement s’accélère encore. L’on<br />

adopte ainsi :<br />

— la loi du 21 mai 1951, relative aux mentions devant figurer dans le<br />

dispositif des jugements et à la signification de ceux-ci;<br />

— la loi du 30 juin 1956, qui introduit la possibilité de supprimer ou de<br />

réduire le délai de remariage après divorce pour cause déterminée et qui<br />

supprime le délai de remariage de trois ans imposé après divorce par<br />

consentement mutuel;<br />

(4) En se limitant à celles qui ont modifié le Code civil, puisque tel est l’objet<br />

de notre contribution. On omet donc les lois qui ont modifié uniquement des<br />

dispositions passées dans le Code judiciaire.<br />

(5) Voy. Laurent, t. III, n o 291. La même solution vaut pour l’article 308, qui<br />

contenait, en cas de séparation de corps, une disposition identique à celle de<br />

l’article 298.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!