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2004<br />

278<br />

cision de fond qui avait admis l’immobilisation par nature eu égard au<br />

simple fait que les biens incorporés et les ouvrages litigieux<br />

« présent(aient) une adhérence pondéreuse et durable avec le sol ».<br />

Cette jurisprudence, trouvant un écho important dans les décisions de<br />

fond, surtout en matière fiscale (5), ne convainc pas. Le critère de<br />

l’immobilisation par incorporation, d’une nature et d’une intensité<br />

telles que le bien ne pourrait plus être séparé sans dommage, serait<br />

beaucoup plus précis et propice à la sécurité juridique. Il serait également<br />

en phase avec le mécanisme de l’accession immobilière, fonctionnant<br />

sur un critère de ce type, ce qui permet de distinguer cette<br />

institution de la théorie des impenses (6).<br />

6. — La notion suivante d’immeuble par destination fait l’objet d’un<br />

processus juridique similaire. A nouveau, le Code civil est avare de<br />

la mise en évidence d’un critère précis, et laisse une grande liberté<br />

au travail doctrinal et jurisprudentiel, qui, cette fois, s’est développé<br />

de façon convaincante. A côté de la notion de bien immeuble par destination<br />

à la suite d’une attache à perpétuelle demeure, qui se trouve<br />

énoncée à l’article 524 in fine, c’est surtout la notion d’immeuble par<br />

destination en raison d’une affectation du bien meuble au bien immeuble,<br />

qui revêt une importance pratique déterminante. Le siège de<br />

ce concept se trouve au début de l’article 524. Celui-ci esquisse la<br />

définition des biens immeubles par destination en indiquant d’abord<br />

que : « Les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le<br />

service de l’exploitation de ce fonds, sont immeuble par<br />

destination ». L’article procède ensuite à une énumération purement<br />

exemplative et quelque peu anachronique, sans arrêter les éléments<br />

constitutifs essentiels et sans déterminer les conditions spécifiques<br />

permettant que se réalise cette fiction juridique de l’immobilisation<br />

par destination du premier type. En cette matière, la jurisprudence de<br />

la Cour de cassation a comblé le vide juridique laissé par le Code, en<br />

dégageant, par un arrêt du 11 septembre 1980, un ensemble de critères<br />

à relever pour que puisse être réalisée l’immobilisation par<br />

destination : 1) « (...) L’immobilisation est réalisée lorsque les objets<br />

mobiliers sont affectés par le propriétaire (7) à l’exploitation du<br />

fonds, étant indifférent que ces objets soient nécessaires ou simplement<br />

utiles à ladite exploitation » (8); 2) doit être également relevé<br />

le lien d’affectation du bien meuble au bien immeuble, qui doit en<br />

principe donner lieu à un aménagement visible du bien immeuble<br />

sous-jacent, de sorte qu’est assurée une forme d’opposabilité aux<br />

tiers de l’immobilisation par destination (9).<br />

7. — Quant à la notion d’immeuble par l’objet auquel il s’applique, se<br />

trouvant à l’article 526 du Code civil, elle renvoie, sans véritable définition,<br />

aux droits réels immobiliers — immeubles incorporels — ainsi,<br />

dit le Code, qu’aux « actions qui tendent à revendiquer un immeuble ».<br />

Cette catégorie assez théorique et générale d’immeubles par l’objet<br />

auquel ils se rapportent, demeure pertinente. Elle ne soulève de question<br />

d’application pratique significative ou problématique, à notre connaissance.<br />

(5) Cf. pour deux décisions récentes, Gand, 16 mars 2000, T.F.R., n o 184, juin<br />

2000, spéc. p. 650. Est davantage pertinent Anvers, 5 janv. 2000, T.F.R.,<br />

n o 228, oct. 2001, spéc. p. 889 et note D. Jaecques et J. Desmet.<br />

(6) Cf. Cass., 23 déc. 1943, Pas., 1944, I, p. 123.<br />

(7) Propriétaire des deux biens, meuble et immeuble : s’impose une condition<br />

d’identité de propriété.<br />

(8) La discussion sur les mots n’est pas purement byzantine et découle de ce<br />

que, à l’article 524, est utilisé le qualificatif « nécessaire », ce qui a amené<br />

d’ailleurs la Cour de cassation de France à privilégier le critère de la nécessité<br />

(cf. note signée J.V. sous l’arrêt visé en note suivante). En l’absence de toute<br />

précision pertinente dans les travaux préparatoires du Code et eu égard au caractère<br />

simplement exemplatif du membre de phrase se trouvant dans l’énumération<br />

concernée, où était utilisé ce qualificatif, la Cour de cassation de Belgique<br />

a quant à elle privilégié, à juste titre, le critère de l’utilité.<br />

(9) Cf. Pas., 1981, I, p. 37, et R.C.J.B., 1981, p. 173, et note J. Hansenne.<br />

J.T. n° 6132 - 12/2004<br />

Larcier - © Groupe Larcier s.a.<br />

aopsomer@gbl.be / Groupe Bruxelles Lambert / aopsomer@gbl.be<br />

8. — Après les immeubles, il convient de s’arrêter sur les meubles.<br />

Deux catégories en sont reconnues par le Code civil, et une troisième,<br />

en marge de celui-ci, est le fruit du travail doctrinal et jurisprudentiel.<br />

La catégorie de base est évidemment celle des meubles corporels. La<br />

définition donnée par le Code à l’article 528 est remarquable et toujours<br />

pleinement pertinente (10) : « Sont meubles par leur nature, les<br />

corps qui peuvent se transporter d’un lieu à l’autre, soit qu’ils se meuvent<br />

par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu’ils ne peuvent changer<br />

de place que par l’effet d’une force étrangère, comme les choses<br />

inanimées ». L’article 529 définit ensuite les meubles par leur objet, à<br />

savoir les meubles incorporels, les actions en justice revêtant un caractère<br />

mobilier et les créances mobilières telles que les actions ou les<br />

obligations des sociétés. Un constat de persistance d’actualité de cette<br />

disposition s’impose aussi, les applications pratiques en étant toutefois<br />

peu nombreuses.<br />

9. — La notion suivante de meuble par anticipation est certainement<br />

plus étrange. Elle est à l’origine, comme l’immobilisation par destination,<br />

d’une fiction juridique, puisque l’on traite juridiquement comme<br />

des meubles, des biens qui devraient encore être naturellement considérés<br />

comme des immeubles en raison de leur attachement au sol et<br />

d’une séparation qui ne sera opérée que dans le futur. L’on anticipe<br />

donc sur la nature mobilière de ces biens, et l’on admet de les traiter<br />

juridiquement comme tels, dès lors que les parties concernées ont manifesté<br />

une volonté certaine de séparer les biens en question de l’immeuble<br />

de base, et de les traiter comme meubles par anticipation. Pour<br />

cette notion également, qui n’est pas définie par le Code civil, le pouvoir<br />

créateur de la jurisprudence a été déterminant. La tendance de la<br />

jurisprudence de la Cour de cassation, décidément brouillée avec le critère<br />

de la séparation objective et réelle des biens, s’est marquée dans<br />

un sens à nouveau — trop — extensif puisque, par un arrêt du 13 mars<br />

1986, la Cour a décidé, répondant à un moyen qui avait plaidé la violation<br />

des notions de bien meuble par anticipation et d’immeuble par<br />

nature, à défaut de constatation d’un accord des parties tendant à séparer<br />

effectivement les biens litigieux de leur base immobilière dans le<br />

futur, que : « (...) la volonté des parties est, en l’espèce, décisive de la<br />

nature mobilière attribuée au (bien) (11); (et que) la notion même de<br />

meuble par anticipation fait prévaloir cette volonté sur la règle prévue<br />

par les articles 520 et 521 du Code civil » (12). Et pourtant, la mobilisation<br />

par anticipation dépend certes, au départ, de la volonté des parties,<br />

mais cette volonté ne devrait pas être « décisive », en dépit de ce<br />

qu’affirme la Cour, et donc la conditio sine qua non et suffisante de la<br />

mobilisation par anticipation. Il conviendrait de lui ajouter la constatation<br />

que les parties ont réellement voulu la séparation des biens concernés<br />

et organisé celle-ci, devant être en principe suivie d’effets, par<br />

une convention correspondant à la réalité et non simulée, pour qu’il y<br />

ait mobilisation par anticipation (13).<br />

10. — Les notions à la base de la classification subjective des biens et<br />

la manière dont elles ont été abordées par le Code civil, aux<br />

articles 537 et suivants du Code civil, étaient franchement obsolètes<br />

et inadéquates presque dès l’origine. Les articles du Code visaient à<br />

distinguer les biens appartenant à des personnes privées de ceux appartenant<br />

à des personnes publiques (cf. art. 537), mais ne contenaient<br />

pas véritablement de régime cohérent pour la partie la plus sensible de<br />

ces biens, à savoir la seconde (cf. art. 538 à 543). Là aussi, l’œuvre de<br />

la doctrine et de la jurisprudence a été essentielle. Au XIX e siècle,<br />

(10) Sans poser de véritable problème d’application.<br />

(11) Du sable se trouvant dans un fonds de terre et vendu séparément du terrain,<br />

à des fins, notamment, d’économie de droits d’enregistrement, dès lors que la<br />

vente pouvait être qualifiée de mobilière.<br />

(12) Cf. J.T., 1988, p. 315. La Cour ajoutait qu’« (...) il importe peu que l’acte<br />

constatant la volonté des parties sur ce point contienne d’autre part une transmission<br />

de la propriété du fonds; (...) Que partant, la cour d’appel n’avait pas à<br />

constater que la transmission des deux éléments que les parties avaient nettement<br />

dissociés, est contenue dans des actes séparés ».<br />

(13) En ce sens, cf. Liège, 3 mai 1999, R.G.D.C., 2000, p. 680.

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