Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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<strong>Le</strong> Château de l’Échiquier<br />
À l’extrémité d’une lande où foisonnaient ajoncs et bruyères, <strong>Perceval</strong> se retrouva devant une rivière<br />
large, majestueuse et d’une telle profondeur que nul ne la pouvait traverser sans bateau. Il alla jusqu’au<br />
bord de l’eau et s’arrêta quelques instants pour en examiner les alentours. Il lui sembla que c’était dans<br />
ces environs qu’il avait rencontré le Roi Pêcheur sur sa barque. Mais, à cette pensée, son cœur se serra<br />
d’angoisse et s’alourdit de colère contre lui-même. Il aurait bien voulu passer la rivière, car il se<br />
persuadait que sur l’autre rive se trouvait la forteresse où il avait été le témoin du singulier cortège. Il se<br />
mit alors à prier Dieu qu’Il lui accordât la grâce de trouver un pont ou un gué pour ce faire, puis<br />
chevaucha jusqu’au milieu de la journée.<br />
Enfin, sur la pente d’un coteau, il découvrit une allée transversale qui, bordée de haies touffues, et<br />
ornée de statues et de piliers, tous en grès rouge ou en marbre blanc – il devait y en avoir un bon millier<br />
–, menait à deux manoirs. Il la contourna mais, tout en s’étonnant de la richesse du lieu, ne trouva ni pont<br />
ni gué qui lui permît de franchir l’eau. Revenant alors en arrière, il remarqua un portail qu’il passa<br />
immédiatement, dans l’espoir de trouver au-delà quelqu’un qui pût le renseigner. Il arriva dans une cour<br />
où était assise, sous un bel arbre aux branches verdoyantes, une jeune fille occupée à peigner ses cheveux<br />
blonds. En l’entendant approcher, celle-ci se retourna et lui dit : « Bel ami, ne t’inquiète pas. Tu auras le<br />
passage que tu cherches. » Elle se leva et se dirigea vers le portail. <strong>Perceval</strong> désirait tellement passer la<br />
rivière qu’il la suivit sans rien lui demander. Auprès du portail attendait, derrière une haie d’épines, une<br />
mule toute sellée. La jeune fille monta sur le dos de l’animal et se dirigea vers la rive. <strong>Perceval</strong> la<br />
rejoignit alors qu’elle dénouait la corde qui retenait à la berge un petit chaland. Elle le fit vaciller sautant<br />
à bord, puis cria à l’adresse de <strong>Perceval</strong> : « Seigneur, viens avec moi ! »<br />
Il poussa donc son cheval en avant, mais l’animal, dès qu’il eut posé le pied sur le bateau, frémit,<br />
trembla et, brusquement, fit un bond en arrière. « Seigneur ! cria la jeune fille, je ne puis te conduire si tu<br />
ne montes ! » <strong>Le</strong> <strong>Gallois</strong> hésitait, car la réaction de son cheval ne lui présageait rien de bon, quand il<br />
aperçut un bac traversant la rivière et dont le nautonier l’interpella : « Seigneur chevalier ! ne monte pas<br />
sur ce chaland ! cette femme veut te noyer ! » À ce discours, la jeune fille poussa un cri de colère, sauta<br />
sur la rive et disparut à travers les fourrés. Sur ces entrefaites, le nautonier accosta et invita <strong>Perceval</strong> à<br />
son bord. Puis il lui conta comment la femme, une mauvaise fée sans doute, trompait les voyageurs en les<br />
conviant sur son chaland et les noyait tous, sitôt atteint le milieu de la rivière. Tout en devisant, il<br />
emmena sans encombre <strong>Perceval</strong> jusqu’à l’autre rive et prit congé en lui conseillant d’emprunter le<br />
chemin qu’il verrait à gauche en se dirigeant vers l’amont.<br />
<strong>Perceval</strong> alla donc dans cette direction. Après avoir traversé un bosquet, il rencontra une troupe de<br />
gens qui partaient pour la chasse et parmi lesquels se trouvait un homme d’un certain âge et d’aspect fort<br />
noble. <strong>Perceval</strong> le salua, et l’homme lui dit : « Seigneur, à toi de choisir. Accompagne-moi à la chasse,<br />
ou bien rends-toi à ma cour. Si tu décides d’aller à ma cour, j’enverrai l’un de mes gens te recommander<br />
à ma fille, afin qu’elle te donne à manger et à boire en attendant que je revienne de la chasse. Et si ce que<br />
tu cherches est de telle nature que je puisse te le procurer, je t’en ferai don volontiers. »<br />
<strong>Perceval</strong> décida d’aller à la cour. L’homme le fit accompagner par un valet de petite taille qui avait<br />
les cheveux très blonds. Lorsqu’ils arrivèrent au manoir, la jeune fille venait de se lever et allait à la<br />
fontaine pour se laver. <strong>Perceval</strong> s’avança vers elle et la salua. Elle lui répondit aimablement et l’invita à<br />
entrer dans la salle et à s’asseoir près d’elle. Ils prirent ensemble un repas qui était excellent et, à tout ce