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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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– Seigneur, dit-elle, mon père est le maître de cette maison, et il tue tous ceux qui y viennent sans sa<br />

permission. – J’ai déjà connu cela ! s’écria <strong>Perceval</strong>. Mais, dis-moi, jeune fille, toi qui me parais si belle<br />

et si désirable, quelle espèce d’homme est donc ton père pour vouloir ainsi tuer tous ceux qui viennent ici<br />

sans sa permission ? – Un homme sans pitié, qui opprime tous ses voisins sans jamais faire réparation à<br />

quiconque. »<br />

À ce moment, <strong>Perceval</strong> vit les jeunes gens de l’entrée se lever précipitamment et débarrasser<br />

l’échiquier de toutes ses pièces. Il entendit un furieux vacarme et, aussitôt après, pénétra un homme grand,<br />

noir, et qui était borgne. <strong>Le</strong>s jeunes filles se précipitèrent toutes les trois pour le défaire de ses armes<br />

avant de le revêtir d’un long manteau brodé de fils d’or. Il alla s’asseoir, et quand il se fut reposé un<br />

instant, il jeta les yeux sur <strong>Perceval</strong>. « Qui est cet homme ? demanda-t-il d’un ton plein de colère. –<br />

Seigneur, dit la jeune fille qui avait parlé à <strong>Perceval</strong>, c’est le jeune homme le plus beau et le plus noble<br />

que tu aies jamais vu. Je t’en prie, pour l’amour de Dieu et pour ton honneur, modère-toi en sa faveur. –<br />

Pour l’amour de toi, répondit le borgne, je me montrerai modéré envers lui. Je lui accorde la vie sauve<br />

pour cette nuit. »<br />

<strong>Perceval</strong> les rejoignit donc auprès du feu, et tous devisèrent jusqu’au moment où l’on dressa les tables.<br />

Alors, ils se lavèrent les mains et commencèrent à manger et boire. Quand il eut la tête échauffée par la<br />

boisson, <strong>Perceval</strong> dit à l’homme noir : « Je suis étonné que tu te prétendes aussi fort, car tu es borgne et, à<br />

mon avis, c’est une faiblesse. – On peut très bien voir d’un seul œil, répondit l’autre, il suffit de savoir ce<br />

qu’on veut. – J’aimerais bien savoir qui t’a privé d’un œil, reprit <strong>Perceval</strong> avec insolence, car je n’ai<br />

jamais rencontré personne qui se vantât d’être borgne ! » L’homme noir lui décocha un regard plein de<br />

haine. « Une de mes habitudes, répondit-il, est de ne laisser en vie aucun homme qui m’adresse pareille<br />

question. Tu as de la chance que j’aie promis à ma fille de t’épargner jusqu’à demain. Toutefois, n’en<br />

profite pas pour réveiller ma colère, car tu paierais ton impudence plus cher encore, et ta mort n’en serait<br />

que plus douloureuse.<br />

— Seigneur, dit alors la jeune fille à <strong>Perceval</strong>, quelques balivernes qu’il puisse proférer sous<br />

l’influence de l’ivresse, ne te laisse pas prendre à ses paroles. Mais n’en doute pas, il est redoutable. »<br />

Puis, se tournant vers son père, elle ajouta : « Quant à toi, sois fidèle à ta parole de tout à l’heure et à la<br />

promesse que tu m’as faite. – J’y serai fidèle, rassure-toi, répondit le borgne, et ce pour l’amour de toi. Je<br />

lui laisserai la vie sauve pour cette nuit. » Et quand ils eurent fini de boire, ils allèrent se coucher.<br />

<strong>Perceval</strong> dormit profondément, sans plus se soucier de son hôte et de ses menaces.<br />

<strong>Le</strong> lendemain, l’homme noir se leva, revêtit toutes ses armes et se présenta devant <strong>Perceval</strong>. « Jeune<br />

homme, dit-il, j’ai respecté la promesse faite à ma fille. À présent, il est temps, lève-toi pour souffrir la<br />

mort. – De deux choses l’une, rétorqua <strong>Perceval</strong>, ou bien tu me tues, et tu continueras à opprimer tes<br />

voisins, ou bien je te tue, et je débarrasse le pays d’un tyran qui se moque de la justice et de toute forme<br />

de compassion. – Je ne comprends pas ton langage, dit l’homme noir. Défends-toi si tu ne veux pas que je<br />

t’abatte comme un chien. » Ils s’en allèrent sur le pré, et <strong>Perceval</strong> combattit l’homme noir jusqu’à lui<br />

faire implorer grâce. « Je te l’accorde, dit <strong>Perceval</strong>, mais seulement pendant le temps que tu mettras à me<br />

dire qui tu es et qui t’a enlevé l’un de tes yeux.<br />

— Voici, seigneur : c’est en me battant contre le serpent noir du tertre. Dans ce pays est une colline<br />

qu’on nomme le Mont Douloureux, et sur laquelle se dresse un tertre. Dans ce tertre se trouve un serpent,<br />

et dans la queue du serpent une pierre. La pierre a cette vertu que quiconque la tient dans une main peut<br />

obtenir dans l’autre, par une magie que je ne comprends pas, tout ce qu’il peut désirer d’or. C’est en<br />

luttant contre le serpent du tertre que j’ai perdu mon œil, car je voulais m’emparer de la pierre qui<br />

dispense l’or. Mon nom à moi est le Noir Arrogant, et voici pourquoi l’on m’a appelé ainsi : il n’est<br />

personne autour de moi que je n’aie opprimé, à qui je n’aie causé du tort, car je n’ai jamais respecté ni<br />

droit ni justice, et comme j’ai la peau très noire et que je suis fier de ma force, on m’a surnommé le Noir

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