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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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5<br />

L’Impératrice<br />

<strong>Le</strong> soir même de son arrivée à la cour d’Arthur à Kaerlion sur Wysg, <strong>Perceval</strong> s’en alla faire un tour<br />

dans la forteresse, après le repas, et rencontra Angharad à la main d’or, l’une des suivantes de la reine. Il<br />

éprouva un tel trouble lorsqu’il la vit, drapée dans sa belle robe de soie qui flottait au vent, qu’il s’arrêta<br />

devant elle et lui dit : « Par ma foi, douce amie, tu es si plaisante et avenante que je pourrais m’engager à<br />

t’aimer plus qu’aucune autre femme, si tu le voulais. – Par ma foi ! riposta-t-elle, eh bien, moi, je ne<br />

t’aime pas et jamais ne voudrai de toi ! – Quant à moi, repartit <strong>Perceval</strong>, je gage la mienne de ne pas<br />

souffler mot à un chrétien que tu n’aies reconnu et avoué devant tout le monde que tu m’aimes plus<br />

qu’aucun autre homme ! » Et, là-dessus, il la quitta pour aller se coucher.<br />

<strong>Le</strong> lendemain matin, sitôt le soleil levé, il partit sans que personne pût le remarquer. Il sortit de la<br />

forteresse et suivit, le long de la croupe d’une montagne, une grande route au bout de laquelle il aperçut<br />

une vallée de forme circulaire dont le pourtour était boisé, rocailleux, tandis que le fond en était uni et<br />

tapissé de prairies verdoyantes. Des champs labourés s’étendaient aussi entre les prairies et les bois.<br />

Parmi ces derniers, <strong>Perceval</strong> remarqua, disséminées à travers les arbres, des maisons noires, d’un travail<br />

grossier. Dévalant la pente, il mena son cheval de ce côté-là et, peu avant d’y parvenir, aperçut la masse<br />

d’un rocher aigu que contournait un mince sentier. Un lion enchaîné dormait sur le bord du rocher,<br />

empêchant quiconque d’emprunter le sentier. En contrebas, un gouffre d’une profondeur et d’une taille<br />

effroyables était rempli d’ossements d’animaux et d’hommes.<br />

<strong>Perceval</strong> s’arrêta, sauta à bas de sa monture et dégaina puis, s’approchant en silence du fauve, lui<br />

fendit d’un seul coup le crâne et le jeta, toujours suspendu à sa chaîne, par-dessus bord. Un second coup<br />

brisa la chaîne, et le lion fut précipité dans le gouffre. Alors <strong>Perceval</strong>, avec mille précautions, conduisit<br />

son cheval pas à pas le long de la corniche et, de la sorte, atteignit la vallée. À la lisière du bois se<br />

dressait une maison fortifiée d’allure peu engageante, car elle semblait aussi délabrée que si des ennemis<br />

l’eussent saccagée.<br />

C’est néanmoins vers elle que se dirigea <strong>Perceval</strong>. Or, dans la prairie qui s’étendait devant sa façade,<br />

il aperçut, assis sur un tronc d’arbre, un grand gaillard aux cheveux gris, très grand, de fait le plus grand<br />

qu’il eût jamais vu. <strong>Le</strong>quel observait deux jeunes gens en train de lancer des couteaux dont les manches<br />

étaient en os de baleine : fort grands, eux aussi, l’un brun, l’autre blond, ils avaient des visages revêches<br />

qui ne laissaient rien présager de bon.<br />

<strong>Perceval</strong> s’approcha toutefois de l’homme aux cheveux gris et le salua. « Honte sur la barbe de mon<br />

portier ! » s’écria celui-ci d’un ton plein de colère. À ces mots, le <strong>Gallois</strong> comprit que le portier devait<br />

être le lion qu’il venait de tuer. « Mais puisque tu es là, jeune homme, reprit l’autre, je me dois de<br />

t’accorder l’hospitalité. » Et sans ajouter rien d’autre, il se leva et se dirigea vers la maison. <strong>Perceval</strong> le<br />

suivit, et les deux jeunes gens délaissèrent leur jeu pour leur emboîter le pas. Ils entrèrent dans une<br />

grande salle qui faisait grand contraste avec l’extérieur, car elle était belle et de noble aspect, avec ses<br />

meubles en bois précieux et les riches tentures qui paraient ses murs. Des tables y étaient dressées, qui<br />

portaient à foison nourriture et boisson. Et <strong>Perceval</strong> se demandait quelle sorte de gens pouvaient être les<br />

habitants de cette maison quand survinrent, par une porte qu’il n’avait pas remarquée jusqu’alors, une<br />

femme d’un certain âge et une jeune fille qui, assurément, étaient les plus grandes femmes qu’il eût jamais<br />

vues. Elles étaient minces, élégantes, la plus jeune, au visage agréable et des yeux gris qui flamboyaient,<br />

portait une belle robe de brocart rouge. Elles vinrent saluer le <strong>Gallois</strong> avec une grande courtoisie, mais

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