vint le visiter. Il se vit dans le château du Roi Pêcheur en train de contempler la coupe d’émeraude d’où émanait une étonnante lumière. Et plus il fixait cette coupe, plus il croyait voir à l’intérieur une tête d’homme coupée baignant dans son sang. Il ne pouvait plus en détacher son regard et avait le sentiment qu’elle recelait sa propre tête. Il poussa un grand cri et se réveilla en sursaut. À la lumière de quelques chandelles qui éclairaient la chambre, <strong>Perceval</strong> reconnut le lieu où il se trouvait. À ses côtés, toute nue entre les draps, l’Impératrice dormait d’un sommeil profond. Alors, sans faire le moindre bruit, <strong>Perceval</strong> se leva, sortit de la chambre, s’habilla, alla quérir son cheval et revêtit ses armes. Puis, sans que personne se fût réveillé dans la forteresse, il ouvrit dans le plus grand silence la grande porte et se perdit dans la nuit noire(31).
6 <strong>Le</strong> Cimetière des douze Amantes <strong>Perceval</strong>, qui chevauchait entre landes et forêts, n’avait, depuis deux jours et trois nuits, trouvé aucun lieu susceptible de l’accueillir. Il avait dormi dans le creux des arbres, au hasard de la route, et s’était nourri du pain que des laboureurs, atterrés de le voir en si piteux état, lui avaient donné pour calmer sa faim torturante. Il ne voyait rien de ce que, ses yeux regardaient. Il errait, sans même savoir ce qu’il cherchait. Parfois, la pensée de l’Impératrice venait fouetter son désir de retourner auprès de celle qui l’avait tant bouleversé. Mais, aussitôt, la silhouette de Blodeuwen supplantait celle de la femme brune, avant de se dissiper à son tour et d’adopter successivement la forme de toutes celles qu’il avait rencontrées. Et, lorsqu’il essayait d’écarter ces images, celle de sa mère inanimée à l’entrée du pont surgissait pour ne plus quitter son esprit enfiévré. Et il chevauchait entre landes et forêts, le long des rivières et sur la crête des montagnes sans même savoir où il allait. Un jour, vers l’heure où le soleil brille au plus haut du ciel, il passa aux abords d’une forteresse qui se dressait, non loin d’un lac, sur un promontoire. En s’approchant, il s’aperçut qu’elle n’était plus qu’un monceau de ruines. <strong>Le</strong> feu en avait ravagé les maisons, et ses remparts s’étaient écroulés. Quant au chemin qui y menait, les ronces l’avaient envahi. <strong>Perceval</strong> s’arrêta et descendit de son cheval qu’il laissa paître l’herbe grasse. En regardant autour de lui, il aperçut le clocher d’une église que couronnaient les bois. Il décida d’aller dans cette direction et, tirant son cheval par la bride, se mit en marche lentement. Ainsi parvint-il aux abords d’une chapelle. « Par ma foi, se dit-il, ma mère m’a conseillé, chaque fois que je passerai devant une église, de m’y arrêter pour prier. » Il se disposait donc à y pénétrer quand, devant l’édifice, un groupe de pierres tombales toutes semblables et rangées en cercle attira son attention. Intrigué, il s’approcha et lut sur l’une des tombes l’inscription suivante : « Ci-gît Gwladys, fille d’Aneirin le preux, qui mourut pour l’amour d’Énéour le Beau. » Il examina la tombe voisine et y lut : « Ci-gît Lawri, fille du comte Dewi, qui mourut pour l’amour d’Énéour le Beau. » Des douze tombes qui formaient cercle dans ce cimetière, toutes portaient des épitaphes analogues. Et, à la pensée que douze femmes étaient mortes pour l’amour d’Énéour le Beau, <strong>Perceval</strong> ne manqua pas de s’étonner. En retournant vers la chapelle, il remarqua une hutte, bâtie grossièrement de terre et de branchages, que surmontait un toit de chaume. À l’entrée était assise une femme aux traits émaciés, qui, vêtue de haillons, le dévisageait. Il s’approcha d’elle et lui dit « Douce amie, qui es-tu et que fais-tu dans cet endroit désolé ? Sais-tu ce que signifient ces tombes ? – Seigneur, répondit-elle, je vis en ces lieux où je passe mon temps à pleurer et à prier pour les femmes qui sont enterrées dans ce cimetière. » <strong>Perceval</strong> s’assit auprès d’elle. « Je serais bien aise d’en savoir davantage, dit-il, car j’ai vu qu’elles étaient toutes mortes pour l’amour du même homme. – C’est une longue histoire, soupira la femme, et je te la raconterai, chevalier. Cependant, je vois que tu es épuisé et affamé. Aussi te donnerai-je d’abord à manger. » Pendant que <strong>Perceval</strong> retirait ses armes, elle entra dans la hutte et en ressortit peu après avec du pain noir, de la viande séchée et des fruits. <strong>Perceval</strong> se précipita sur la nourriture et la dévora gloutonnement. Puis, une fois rassasié et désaltéré par l’eau fraîche que contenait un bassin de terre cuite, il rappela sa promesse à la femme. « Voici, dit-elle. La forteresse qui se trouve près d’ici et que tu as vue dans un si triste état protégeait jadis une cité plaisante aux belles maisons richement pourvues. Douze chevaliers résidaient là, douze hommes vaillants et sages, riches de terres et de rentes, et chacun d’eux avait une épouse belle, élégante et de haut lignage. Dans cette cité se donnaient des fêtes brillantes, et l’on recevait volontiers les comtes
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Jean Markale PERCEVAL LE GALLOIS Le
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alors monstrueux, et c’est d’ai
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héros afin de percer les secrets d
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Perceval sera-t-il le Bon Chevalier
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à Kaerloyw, accoudé à une fenêt
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12 La Vengeance de Perceval Au sort
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Le matin du quatrième jour, Blodeu
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échappé, Perceval se campa sur la
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