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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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colère est plein de haine. Et Dieu sait jusqu’où cette haine peut le mener ! »<br />

<strong>Perceval</strong> devint tout pensif et morose. « Écoute, reprit l’ermite, je vais te faire un aveu : moi aussi, j’ai<br />

souvent agi de manière inconsidérée, je me suis laissé emporter par la colère et l’orgueil. J’ai transgressé<br />

bien des commandements en recherchant la gloire et l’amour des femmes. Entraîné par ma jeunesse en sa<br />

première fleur que séduisaient les hautes vertus d’une dame, je chevauchai en maints pays afin de la<br />

servir et, pour elle, je dus soutenir plus d’un rude combat. J’aimais tant courir les contrées lointaines en<br />

quête d’aventures hasardeuses que je ne pris jamais part à des joutes régulières. L’amour de cette femme<br />

ouvrit certes mon cœur à de grandes joies. Hélas ! celles-ci sont souvent éphémères ! Soutenu par ce<br />

puissant amour, je brûlais d’accomplir au loin mille périlleuses prouesses qui me permissent d’obtenir<br />

ses faveurs. Peu m’importait que l’adversaire fût païen ou chrétien, je ne désirais que combattre, et<br />

j’attendais de ma dame des récompenses sans fin.<br />

« C’est ainsi que, pour lui complaire, je parcourus le monde. Fallait-il transpercer de ma lance<br />

quelque redoutable adversaire ? Je passais les montagnes, franchissais les mers. Je me rendis jusqu’en<br />

des pays où vivaient des hommes qui, pour se battre, utilisaient le feu ; je poursuivis des monstres de<br />

toutes sortes, tuai sans pitié tous ceux qui prétendaient s’opposer à moi. Au cours d’une de ces<br />

expéditions, je rencontrai ton père, le noble Evrawc. Il me reconnut sur l’heure comme étant le frère de sa<br />

tendre épouse. Jamais pourtant jusqu’alors il n’avait vu mon visage. Il faut bien d’ailleurs convenir qu’à<br />

cette époque – j’étais encore imberbe –, nul homme n’était plus beau que moi. Il entra dans la maison où<br />

l’on m’hébergeait et, lorsqu’il me nomma, je le démentis d’abord, ne voulant pas avouer qui j’étais, mais<br />

il me pressa tellement de questions et me donna tant de marques d’affection que je finis par lui avouer,<br />

dans le plus grand secret, qu’il ne s’était point trompé. Il en ressentit une grande joie et me fit don de<br />

présents qui me charmèrent, et je lui offris moi-même des souvenirs dont il se montra heureux. Il est dans<br />

cette chapelle un reliquaire plus vert que le gazon des prés : je l’ai fait tailler dans la pierre précieuse<br />

que m’avait donnée ce chevalier au cœur pur.<br />

« Arriva cependant un temps où je fus las de cette vie. Ma dame m’avait délaissé, sans doute pour<br />

s’ouvrir à de nouvelles amours, et j’en étais très mortifié. Je retournai dans ma patrie et fus assez heureux<br />

pour y épouser une femme digne de moi. Hélas ! Dieu a voulu me châtier : mon épouse était stérile et ne<br />

me donna point de descendance. Voilà pourquoi, touché par le désarroi de ta mère lorsqu’on lui ramena<br />

son cher Evrawc mutilé (il devait mourir peu après), j’emmenai ta sœur afin de l’élever tendrement<br />

comme notre propre enfant. Cependant, vois-tu, mon neveu, je n’avais pas encore assez expié les fautes<br />

commises durant ma jeunesse : Dieu a voulu que je perdisse mon épouse au grand cœur. Je dus l’enterrer,<br />

de l’autre côté de la chapelle, non loin de la tombe de ta mère. Mon chagrin fut immense, et c’est pour<br />

lors que je décidai de vivre ici, passant le jour dans le dénuement, la nuit en prières.<br />

— Ah ! dit <strong>Perceval</strong> en soupirant. Que ne puis-je aussi me retirer dans une forêt pour y vivre dans la<br />

méditation et le silence ! Hélas, cela m’est interdit, car j’ai fait un vœu auquel je ne dois pas me dérober,<br />

celui de revenir auprès du Roi Pêcheur et de lui demander la signification de la Lance qui saigne et de la<br />

coupe d’émeraude qu’on appelle le <strong>Graal</strong>. <strong>Le</strong>ur vision me poursuit et me hante, et je sais bien que je ne<br />

trouverai de repos que je n’aie posé les questions qu’il faut. – <strong>Perceval</strong>, repartit l’ermite, il n’est pas en<br />

mon pouvoir de te révéler quoi que ce soit à propos du <strong>Graal</strong>. Mais pour ce qui est de la Lance qui<br />

saigne, je puis t’enseigner ce que je sais à ce sujet. – Parle, mon oncle, et je t’écouterai. – Tu l’as vu, le<br />

Roi Pêcheur boite et ne se déplace qu’à grand-peine. Une blessure qu’il a reçue à la jambe est, tu le sais,<br />

cause de son infirmité. Ce que tu ignores, c’est que cette blessure est non seulement incurable mais<br />

qu’elle lui vaut, à certains moments, des souffrances intolérables. <strong>Le</strong>s gens qui entourent le roi Pellès ont<br />

remarqué, un jour où il avait neigé et où sévissait un froid très vif, que leur seigneur souffrait plus que<br />

d’habitude. L’un d’eux eut l’idée d’aventurer la pointe de la lance dans la plaie du roi comme si, par ce<br />

geste, on pouvait la cicatriser. Or, si le roi Pellès en fut soulagé, depuis lors, la lance demeura

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