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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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derniers jours le meilleur guerrier de toute l’île de Bretagne. Jamais aucun adversaire ne m’avait<br />

renversé. Mais la vérité m’oblige à avouer ceci : je suis envoyé par un jeune chevalier aux armes<br />

vermeilles dont j’ignore le nom, mais dont la vaillance est telle qu’il a réussi à me vaincre. Il veut que je<br />

me rende à toi comme ton prisonnier, et je n’y puis rien. Fais donc de moi ce que tu veux.<br />

— Ami, lui répondit Arthur, que Dieu te donne aide et assistance ! Mais, dis-moi, ce jeune chevalier<br />

est-il dispos, de bonne humeur et en bonne santé ? – Oui, seigneur roi, sois-en certain. Il est le plus<br />

vaillant de tous les chevaliers que j’aie rencontrés de ma vie. Il m’a prié également de faire savoir au<br />

nain et à la naine naguère injuriés par l’Homme Long qu’il ne reviendra pas à la cour qu’il ne les ait<br />

vengés. » En entendant ces paroles, la naine, qui se trouvait dans l’assistance, ne se tint plus de joie :<br />

« Béni soit <strong>Perceval</strong>, chef des guerriers et fleur de la chevalerie ! s’écria-t-elle. Ah ! seigneur roi, je<br />

t’assure que Kaï paiera chèrement l’outrage qu’il nous a infligé. Ce n’est pas une plaisanterie, crois-le<br />

bien, il ne s’en tirera que le bras rompu et la clavicule démise ! »<br />

Kaï faisait grise mine. Certes, il bouillait de bondir sur la naine et de lui fracasser la tête, mais il<br />

savait trop qu’en donnant libre cours à sa colère il serait honni de tous. Aussi baissa-t-il la tête sans<br />

prononcer le moindre mot. Quant au roi, il frappa la table de son poing en s’exclamant : « Ah ! vois où<br />

nous mène ta méchanceté, Kaï. Non seulement tu paieras très cher l’injure faite au nain et à la naine, mais<br />

tu nous as privés du jeune chevalier qui accomplit tant de prouesses. C’est toi qui, par tes folles paroles<br />

et ton attitude méprisante, l’as chassé d’ici ! Je ne m’en consolerai jamais. »<br />

Sur un ordre du roi, Girflet et Yvain se levèrent et désarmèrent Clamadeu des Îles, tandis qu’un valet<br />

lui apportait un manteau de soie brochée d’or. « Puisqu’il en est ainsi, dit Arthur à Clamadeu, et puisque<br />

tu t’es acquitté de ton serment, sois des nôtres et prends place parmi nos compagnons. » Et c’est ainsi que<br />

Clamadeu des Îles, abandonnant tout orgueil et toute prétention à être le meilleur guerrier de l’île de<br />

Bretagne, fut admis à la cour d’Arthur.<br />

Pendant ce temps, <strong>Perceval</strong> était rentré dans la forteresse de Caerbeli, et il y reçut l’accueil le plus<br />

magnifique qui fût. Blodeuwen alla à sa rencontre et l’embrassa avec une fougue qu’elle ne cherchait pas<br />

à dissimuler. « <strong>Perceval</strong> ! s’écria-t-elle, sois béni entre tous les hommes ! Tu nous as libérés de l’odieuse<br />

oppression de Clamadeu et de son cruel sénéchal, et moi, tu m’as rendue libre de toute contrainte ! Aussi<br />

est-ce en toute liberté que je te donne maîtrise et possession de mes domaines et de ma personne. Sois<br />

mon époux, <strong>Perceval</strong>, et demeure avec moi pour gouverner cette terre de mes ancêtres dans la joie et le<br />

bonheur de tous ceux qui sont ici ! – Je le voudrais bien, répondit <strong>Perceval</strong>, mais auparavant, il faut que<br />

j’aille chez ma mère. Je ne sais si elle est morte ou vivante car, lorsque je l’ai quittée, je l’ai vue tomber<br />

devant la porte, à l’entrée du pont. Je vais partir, car je ne puis vivre plus longtemps sans nouvelles<br />

d’elle. De plus, j’ai promis au nain et à la naine qui se trouvent à la cour d’Arthur de venger l’affront<br />

qu’ils ont subi de la part de l’Homme Long qui prononce des paroles méprisantes à l’égard de chacun. Je<br />

perdrais mon honneur si je n’accomplissais ma promesse. »<br />

Blodeuwen se mit à pleurer d’abondance. « Hélas ! gémit-elle, il me faut te perdre aussitôt après<br />

t’avoir pris dans mes bras ! Tu es bien cruel, <strong>Perceval</strong> ! Que deviendrai-je sans toi, et que deviendront<br />

mes gens qui comptent sur toi pour les défendre de quiconque s’aviserait à nouveau de les menacer ? » <strong>Le</strong><br />

jeune <strong>Gallois</strong> se trouva d’autant plus embarrassé que tous les habitants de la forteresse joignaient leurs<br />

plaintes à celles de leur maîtresse. Mais ils le suppliaient en vain : il s’était mis en tête de partir sans<br />

délai, et rien ne pourrait l’en faire démordre. « Je veux savoir ce qu’est devenue ma mère, dit-il. Si elle<br />

est vivante, je reviendrai avec elle, et je tiendrai cette terre comme tu le souhaites. Et si elle est morte, je<br />

reviendrai de même : je ferai dire des messes pour elle, et je serai pour toi le plus fidèle des<br />

compagnons. »<br />

Sur ce, il donna un doux et long baiser à Blodeuwen puis, recommandant à Dieu tous les gens de la<br />

forteresse, il sauta sur son cheval, franchit la porte et se mit à galoper en direction de la Gaste Forêt où sa

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