Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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<strong>Le</strong>s Routes de nulle part<br />
Après avoir longtemps erré par les bois, sans savoir où il allait, en se heurtant sans cesse aux<br />
branches, <strong>Perceval</strong> parvint enfin dans un lieu où le ciel éclairci lui révéla une clairière. Il se demandait<br />
néanmoins avec angoisse quelle direction prendre pour retrouver le manoir de sa mère quand il entendit<br />
retentir, dans l’un des chemins qui partaient de la clairière, des gémissements et des pleurs et, à travers<br />
les dernières écharpes de brume, il aperçut une femme qui, la tête parée d’une coiffe magnifique, se tenait<br />
près d’un cheval tout harnaché. Elle soulevait entre ses bras le corps sans vie d’un homme qu’elle<br />
essayait de placer sur le dos de l’animal, mais elle n’y parvenait pas : à chacune de ses tentatives, le<br />
cadavre retombait à terre et, chaque fois, la femme poussait de grands cris.<br />
<strong>Perceval</strong> s’approcha. « Douce amie, dit-il, que se passe-t-il ? Ne puis-je rien faire pour t’aider dans la<br />
détresse où je te vois plongée ? – Comment se peut-il que quelqu’un se soit égaré dans ce désert ?<br />
répondit-elle sans se retourner. Si tu m’en croyais, tu partirais d’ici au plus vite, car des choses bien<br />
fâcheuses y menacent l’étranger qui ne connaît pas les lieux. Nombre d’hommes, dans ces parages, ont<br />
perdu la vie, j’en sais quelque chose. Aussi, éloigne-toi, je t’en conjure, si tu ne veux périr comme ce<br />
chevalier ! – Femme, je n’ai jamais fui devant le danger. Dis-moi, qui a tué ce chevalier que tu tiens entre<br />
tes bras ? »<br />
Elle se retourna alors et vit le jeune <strong>Gallois</strong> fièrement campé sur sa monture. « <strong>Perceval</strong><br />
l’excommunié ! s’écria-t-elle. En vérité, j’ai peu de secours à attendre de toi, et je serais fort aise que tu<br />
t’écartes de moi au plus vite ! – Excommunié ? s’ébahit <strong>Perceval</strong>. Pourquoi me traites-tu d’excommunié ?<br />
Et comment sais-tu qui je suis ? » Après avoir reposé le corps du chevalier sur l’herbe jonchée de rosée,<br />
la femme regarda <strong>Perceval</strong> droit dans les yeux. « Je vais te le dire, reprit-elle. Tu es excommunié pour<br />
avoir causé la mort de ta mère. – Tu mens ! s’écria <strong>Perceval</strong>. Ma mère est l’être au monde auquel je tiens<br />
le plus ! – Tu n’en es pas moins responsable de sa mort, <strong>Perceval</strong>. Quand, malgré ses prières et son<br />
chagrin, tu l’as quittée, un glaive de douleur s’est plongé dans son cœur, et elle a succombé sitôt que tu<br />
eus franchi le pont. Au surplus, lorsque tu t’es retourné et l’as vue gisante à terre, à l’entrée du pont, tu<br />
n’as même pas esquissé le geste de revenir. Voilà pourquoi tu es excommunié. »<br />
Éperdu de chagrin, le <strong>Gallois</strong> descendit de son cheval. « Douce amie, finit-il par dire, comment sais-tu<br />
tout cela ? – Je sais bien des choses qui te concernent, <strong>Perceval</strong>, car je suis ta cousine germaine, la fille<br />
d’un frère de ta mère. À ma naissance, on m’a donné le nom d’Onnen, mais on me connaît désormais<br />
seulement sous un autre nom. Celui-ci n’est guère flatteur, et je devrai le supporter aussi longtemps que<br />
les aventures ne seront pas accomplies. Mais, toi-même, <strong>Perceval</strong>, pourquoi te trouves-tu ici, et d’où<br />
viens-tu ? Je vois que tu portes au côté une épée qu’il me semble reconnaître. Qui te l’a donnée ? – Un<br />
vieil homme aux cheveux blancs, boiteux et qui m’a reçu la nuit dernière dans sa forteresse. Il me l’a<br />
remise en assurant qu’elle me conviendrait. – Comment, s’écria Onnen, oses-tu prétendre que tu as été la<br />
nuit dernière l’hôte du Riche Roi Pêcheur ? – Par ma foi, chère cousine, j’ignore s’il est roi, mais j’ai pu<br />
constater qu’il est riche et d’une parfaite courtoisie. Hier soir, alors que j’errais à la recherche d’un gîte<br />
pour la nuit, j’ai aperçu deux hommes dans une barque qui glissait doucement sur l’eau : l’un d’eux<br />
ramait, et l’autre pêchait à la ligne. C’est ce dernier qui m’a indiqué le chemin de sa demeure et m’y a<br />
hébergé pour la nuit.<br />
— Certes, il est roi, sois-en certain, et je puis te dire qu’il a nom Pellès, tandis qu’on appelle sa<br />
forteresse Corbénic. Mais le roi Pellès a été blessé lors d’une bataille, et si grièvement qu’il en a