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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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d’une corne longue comme la moitié d’une hampe de lance. Et il était impossible de s’y méprendre, il<br />

s’agissait là du trophée volé. Cependant, <strong>Perceval</strong> eut beau regarder tout autour, il n’y avait nulle trace du<br />

brachet.<br />

À son approche, la femme se réveilla. Il la salua courtoisement, mais avec beaucoup d’ironie. Elle se<br />

redressa et elle aussi le reconnut bien. « Vassal ! s’écria-t-elle, que Dieu m’assiste ! Il est bien triste de<br />

voir qu’un méchant vit plus longtemps qu’un honnête homme ! C’est le diable qui t’a sauvé, puisque, de<br />

tout ce temps, personne, en ces contrées désertes, ne t’a agressé ni mis à mal. Mais, sache-le, ta perte est<br />

proche : tu ne passeras pas cette journée sans être honni ou tué. Je t’en préviens, ce jour te sera funeste !<br />

— Tel est ton avis ! répliqua <strong>Perceval</strong>, mais, sur ma foi, tu es mauvaise prophétesse ! Et puisque Dieu<br />

me permet de te rencontrer, je ne vois pas pourquoi je ne rentrerais pas en possession de mon bien. La<br />

tête du Blanc Cerf est à moi, ne t’en souvient-il pas ? C’est moi qui ai tué le cerf, et c’est toi qui m’en as<br />

dérobé la tête. J’ignore grâce à quelle ruse tu l’as fait voler par quelqu’un d’autre, mais c’était pour<br />

mieux te l’approprier. <strong>Le</strong> chevalier qui l’a emportée était ton complice, je le comprends bien, maintenant.<br />

Quant au brachet que l’on m’avait confié, tu devras me le rendre aussi, car j’en suis redevable à celle qui<br />

m’envoya sur les traces du cerf. – N’y compte pas ! Tu n’obtiendras jamais rien de moi ! – C’est ce qu’on<br />

verra », conclut simplement <strong>Perceval</strong>. Et il alla décrocher de la branche la tête du Blanc Cerf qui lui avait<br />

valu tant de tourments.<br />

À ce moment, il entendit résonner par deux fois un petit cor de chasse, puis surgir des fourrés un cerf<br />

qui était si las de fuir et à bout de souffle qu’il haletait à faire peine. À sa suite bondissait le brachet qui<br />

le mordait à la cuisse, souvent et grièvement. Enfin apparut, galopant à bride abattue, un chevalier vêtu<br />

d’un haubert plus blanc que fleur d’aubépine et qui brandissait une grande lance au fer d’acier tranchant.<br />

Ainsi armé et dépourvu de bouclier, il traquait le cerf et le brachet, tout en sonnant du cor, par<br />

intermittence, avec grande vigueur, de telle sorte que la forêt en retentissait. <strong>Le</strong> cerf ne s’arrêta qu’à<br />

l’arbre auprès duquel se tenait <strong>Perceval</strong>. <strong>Le</strong> brachet l’y maintint en arrêt, et le chevalier le frappa si fort<br />

de sa lance qu’il l’abattit incontinent.<br />

La jeune fille se leva et se précipita vers le chevalier. « Seigneur, que Dieu m’aide ! s’écria-t-elle. Un<br />

chevalier vient d’arriver sous cet arbre, et il m’a grandement courroucée ! – Eh ! quoi donc ? dit-il en la<br />

regardant. T’aurait-il manqué de respect ? – Il m’a gravement offensée, seigneur, en dépendant la tête de<br />

cerf qui faisait toute ta joie et en la déposant sur l’herbe. Il prétend qu’elle lui appartient, et il réclame<br />

également ton brachet, sous prétexte que tu l’aurais pris, sous ses yeux, sans sa permission. Mais je le<br />

sais trop : tous ces contes ne sont que mensonge et fausseté. »<br />

En entendant ce discours, le chevalier frémit de colère et, abandonnant le cerf, tourna son destrier<br />

contre <strong>Perceval</strong> qui se tenait tranquillement appuyé sur sa lance. « Vassal ! cria-t-il, tu me causes un<br />

grand deuil ! Mais d’abord, dis-moi, qui t’a conduit ici ? – Là n’est pas la question, répondit <strong>Perceval</strong>. Je<br />

te somme de me rendre, avec le brachet que tu m’as volé, la tête du Blanc Cerf. Elle est promise à une<br />

jeune fille qui me l’a demandée et à qui je l’ai accordée. Mais si tu ne veux pas me faire justice, je suis<br />

prêt à combattre. » <strong>Le</strong> chevalier jura alors par la Vierge que jamais il ne rendrait le brachet, et <strong>Perceval</strong><br />

l’assura du contraire, car coûte que coûte, lui-même entendait remettre à la jeune fille du Château de<br />

l’Échiquier son brachet, ainsi que le trophée qu’elle avait souhaité obtenir.<br />

<strong>Le</strong>s paroles de <strong>Perceval</strong> emplirent le chevalier d’une violente rage. Il abaissa sa lance, fit prendre du<br />

recul à son cheval et, d’un brusque élan, il se précipita sus au <strong>Gallois</strong>. <strong>Le</strong> choc fut rude et ardent, mais la<br />

lutte ne dura guère. Au premier assaut, <strong>Perceval</strong> frappa si durement son adversaire à la tête qu’il le<br />

désarçonna et l’envoya rouler à terre sur son bouclier puis, sautant à terre, se précipita sur lui, l’épée<br />

levée, prêt à la lui plonger dans la gorge. <strong>Le</strong> vaincu lui cria merci, mais il était si aveuglé par la fureur<br />

qu’il frappa de toutes ses forces. Toutefois, le coup dévia sur le heaume. « Ah ! Seigneur ! gémit le<br />

chevalier, fais-moi grâce, et je t’obéirai en tous points ! Par Dieu tout-puissant, c’est une grave faute que

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