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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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fût familière mais, aujourd’hui, je n’ai nulle envie de me montrer à toi. Un jour, peut-être m’y décideraije,<br />

et je ferai en sorte de te guider. – Mais qui es-tu donc ? demanda <strong>Perceval</strong>. Dis-le-moi, je t’en prie,<br />

pour l’amour de Dieu ! – Jadis, reprit la voix, on m’appelait le Sage Merlin ou encore Merlin le<br />

Prophète. Mais j’ai tant erré sur la terre, tant traversé de villes, tant vu de misères, de malheurs et de<br />

trahisons que je me suis enfui de ce monde. – Merlin ! Merlin ! s’écria <strong>Perceval</strong>, est-ce donc toi ? Es-tu<br />

ce devin dont on m’a si souvent parlé et qui fut le sage conseiller du roi Arthur et de son père le roi Uther<br />

Pendragon ? – En effet, je suis celui-là. – Est-ce toi qui as dévoilé les mystères du <strong>Graal</strong> ? – Je n’ai<br />

dévoilé aucun mystère, <strong>Perceval</strong>, j’ai simplement raconté une histoire à ceux qui voulaient bien<br />

m’entendre. Qu’ils la crussent ou ne la crussent pas, peu m’importait, car il incombe à chacun de nous,<br />

selon sa valeur, selon son esprit, selon son audace, de découvrir les grands secrets du monde. Je suis<br />

seulement une voix qui se fait entendre du fond des âges. – Merlin ! Merlin ! réponds-moi, je te prie :<br />

irai-je vraiment à la cour du Roi Pêcheur ? – Oui, tu iras, je te l’affirme, mais voilà tout ce que je puis te<br />

révéler là-dessus pour l’instant. Car tu as autre chose à faire, <strong>Perceval</strong>. Je vais te donner un conseil : si tu<br />

déposais ton brachet à terre, un beau prodige se produirait. »<br />

La voix s’étant tue, <strong>Perceval</strong> eut beau héler Merlin deux ou trois fois encore, seul le silence lui<br />

répondit. Une brise légère faisait bruire les branches de l’arbre. Alors, le <strong>Gallois</strong> se décida : il posa le<br />

brachet sur l’herbe. Celui-ci lança trois aboiements si puissants que la forêt tout entière en retentit, puis il<br />

s’éloigna, la truffe au ras de l’humus, comme font les chiens qui traquent un gibier. <strong>Perceval</strong> le suivit le<br />

long des sentiers sinueux, et tant passèrent-ils de bois et de vallées qu’ils parvinrent enfin près d’un étang<br />

dans lequel se mirait la silhouette d’un château. <strong>Le</strong> brachet courut jusqu’à la porte qui était ouverte et<br />

pénétra dans la cour où le <strong>Gallois</strong>, craignant de le perdre de vue, le suivit aussitôt. Il lui semblait<br />

reconnaître l’édifice qui se dressait devant lui, bâti de belles pierres et richement orné.<br />

N’apercevant plus trace du brachet, <strong>Perceval</strong> sauta à terre, attacha son cheval au montoir et, sitôt entré,<br />

se retrouva dans une grande salle dont le pavement était jonché de fleurs multicolores aux parfums suaves<br />

et innombrables. Au fond, une tenture de soie arborait des motifs dorés, verts et vermeils. Au milieu, se<br />

distinguait un lit disposé tout en long ; dessus s’était couché le brachet, fatigué de la course qu’il venait<br />

de faire ; et, près du lit, sur une table basse, <strong>Perceval</strong> vit l’échiquier dont les sortilèges avaient déclenché<br />

sa colère. Il regarda les précieux échecs avec admiration. « Dieu merci ! soupira-t-il, je suis arrivé où je<br />

voulais aller ! »<br />

Il s’assit près de l’échiquier, prit les pièces et les disposa comme il convenait, puis saisit un pion. Il<br />

allait avancer celui-ci lorsque, devant lui, de la porte de la chambre, surgit la jeune fille à la chevelure<br />

brune. Elle était plus belle que jamais, et ses yeux rayonnaient d’une joie intense. À son entrée, le brachet<br />

sauta du lit, se précipita vers elle et se mit à japper en frétillant de tous ses membres. <strong>Perceval</strong> se leva à<br />

la rencontre de la jeune fille et la salua. « Seigneur, dit-elle, j’ai bien cru que tu m’avais trompée en<br />

emportant mon brachet, et j’ai cent fois déploré de t’avoir fait confiance ! Je me repentais surtout de<br />

t’avoir promis de manière inconsidérée que je deviendrais ton amie si tu me rapportais la tête du Blanc<br />

Cerf en me ramenant mon brachet. – Douce amie, répondit <strong>Perceval</strong>, je n’ai jamais oublié, moi, la<br />

promesse que je t’avais faite, sois-en sûre, mais l’entreprise a été longue et pénible. Bien des fois j’ai cru<br />

ne pas pouvoir la mener à son terme. Mais, grâce à Dieu, j’ai conquis le butin que tu m’avais demandé. »<br />

Sur ces mots, il sortit de la salle, alla droit à son cheval et, de la selle, détacha la tête du cerf. Puis il<br />

rentra déposer celle-ci aux pieds de la jeune fille brune. À ce moment, un valet sortit d’une chambre :<br />

« Va, lui dit-elle ; prends le destrier de ce seigneur, panse-le et conduis-le aux écuries. » <strong>Le</strong> valet se hâta<br />

d’obéir. Mais <strong>Perceval</strong> et la jeune fille brune s’étaient à peine retrouvés seuls que trois autres valets à la<br />

mine élégante et gracieuse vinrent d’une autre chambre désarmer le <strong>Gallois</strong> de la tête aux pieds. Après<br />

avoir placé son bouclier, son épée et toutes ses armes dans un coffre, ils lui apportèrent un manteau de<br />

drap de soie bordé de fourrure. Entre-temps, d’autres valets avaient dressé les tables. On apporta de

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