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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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éventualité, tenait sa lance baissée. Il montait un grand destrier qui allait au pas. Dès qu’il l’aperçut,<br />

<strong>Perceval</strong> s’affermit sur ses étriers, empoigna sa lance et, tout joyeux, éperonna sa monture. En courant sus<br />

au chevalier, il cria gaiement : « Seigneur ! couvre-toi de ton bouclier pour te protéger comme je le fais<br />

avec le mien, car je te défie pour un combat sans mise à mort. Dieu fasse que je te trouve assez bon<br />

chevalier pour que je puisse m’opposer dignement à toi ! Nous verrons ainsi quel est le meilleur de nous<br />

deux ! »<br />

Sans plus attendre, il frappa le bouclier de l’autre avec une telle violence qu’il le lui troua, lui faisant<br />

également perdre l’un de ses étriers. Puis il le dépassa, fit faire volte-face à son cheval et se prépara pour<br />

un nouvel assaut. « Mon ami, dit le chevalier, que t’ai-je donc fait, que tu m’agresses de telle façon ? »<br />

Mais <strong>Perceval</strong> ne répondit pas, mécontent qu’il était contre lui-même de n’avoir pas réussi à mettre bas<br />

l’adversaire du premier coup. Aussi fit-il bondir son cheval, mais comme l’autre avait procédé de même,<br />

le choc fut rude. <strong>Le</strong> bouclier de <strong>Perceval</strong> fut mis en pièces, mais sa lance avait touché l’autre à la poitrine<br />

et s’y était profondément enfoncée. <strong>Le</strong> chevalier vida les étriers et s’effondra sur l’herbe, où il demeura<br />

inconscient, du fait de sa blessure autant que de sa chute. <strong>Perceval</strong> ne jugea même pas utile de mettre pied<br />

à terre et de vérifier si son adversaire était vivant. « <strong>Le</strong> coup ne peut être mortel », se disait-il avec<br />

désinvolture, tout à sa joie de s’être prouvé qu’il était capable de vaincre sans épée.<br />

Il allait repartir, sans regret ni remords, quand un étrange cortège fit irruption dans la clairière : c’était<br />

un char tiré par trois cerfs blancs de toute beauté. Deux femmes encadraient le char, montées sur des<br />

mules, et une troisième, plus jeune que ses compagnes, courait à pied derrière. La femme qui se trouvait à<br />

gauche vint droit sur lui et lui cria : « <strong>Perceval</strong> ! <strong>Perceval</strong> ! pourquoi faut-il que chaque fois que nous<br />

nous rencontrons, tu viennes de commettre une faute ? – Quelle faute ? s’étonna <strong>Perceval</strong>. Je viens de<br />

battre ce chevalier en combat loyal, voilà tout. – Mais tu l’as vaincu sans raison ! repartit-elle d’un ton<br />

sévère, simplement pour te prouver à toi-même que tu étais le plus fort ! Orgueilleux <strong>Perceval</strong> ! – Qui estu<br />

? demanda-t-il. Et comment sais-tu mon nom ? – Je pourrais t’appeler <strong>Perceval</strong> le Maudit ! cria la<br />

femme. Ainsi peut-être me reconnaîtrais-tu ? »<br />

Elle s’approcha davantage, et <strong>Perceval</strong> vit qu’elle portait une large coiffure. Alors, la mémoire lui<br />

revint : il se trouvait devant Onnen, la Demoiselle Chauve, Onnen, qui était sa cousine germaine.<br />

Brusquement, il rougit de son comportement. « Chère cousine, dit-il, je doute de moi parce que j’ai brisé<br />

l’épée que m’a donnée le Roi Pêcheur, et je voulais savoir si j’étais capable de vaincre malgré tout. –<br />

Ah ! s’écria la Demoiselle Chauve, tu as brisé ton épée ! Ne t’avais-je pas prévenu ? – Si fait, douce<br />

amie, mais, en face du meurtrier de mon père, la douleur m’a rendu furieux, et je l’ai frappé par deux fois.<br />

– Quelle qu’en soit la cause, la fureur est une mauvaise chose, <strong>Perceval</strong>. Pour qui veut à tout prix<br />

retrouver le chemin qui mène à la cour du Roi Pêcheur, force est d’abandonner d’abord toute colère et<br />

toute violence ! »<br />

Pendant que <strong>Perceval</strong> et sa cousine parlaient ainsi, les deux autres femmes s’étaient approchées du<br />

chevalier blessé. Elles l’avaient examiné et, après s’être concertées, l’avaient soulevé, non sans peine, et<br />

déposé sur le char. La jeune femme sans monture s’approcha alors de <strong>Perceval</strong> et lui dit : « Peut-être estu<br />

privé de ton épée, chevalier, mais sois sans crainte, tu es le meilleur, tu viens de le prouver. –<br />

Comment cela ? demanda-t-il. – Sais-tu qui tu as abattu et grièvement blessé dans ta fureur orgueilleuse ?<br />

Lancelot du Lac, le fils du roi Ban de Benoïc, celui dont on dit partout qu’il est le meilleur chevalier du<br />

monde ! » À cette révélation, <strong>Perceval</strong> demeura abasourdi un long moment. « Par ma foi ! s’écria-t-il<br />

enfin, si j’avais su, jamais je ne l’aurais provoqué de la sorte ! Suis-je donc maudit ? – C’est toi qui le<br />

dis ! répliqua la Demoiselle Chauve en le regardant se tordre les mains de désespoir. – Que puis-je donc<br />

faire pour réparer mes torts ? demanda-t-il avec des sanglots dans la voix. – Rien, répondit froidement sa<br />

cousine. C’est à nous de nous occuper de Lancelot et de le faire soigner. » Et, sans ajouter un mot, Onnen<br />

fit claquer son fouet ; les cerfs prirent leur élan et tirèrent le char où gisait le fils du roi Ban, tandis que

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