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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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le chevalier. Elles appartiennent à un homme de noble famille qu’on appelle Gwiffret le Petit. Mais je te<br />

déconseille d’y mettre les pieds. <strong>Le</strong> Petit a pour habitude d’affronter tous les chevaliers qui franchissent<br />

le pont. – Par Dieu ! s’écria Érec, merci de l’avis, mais j’ai l’intention d’aller dans cette ville, et<br />

personne ne m’empêchera de suivre cette route. – S’il en est ainsi, dit l’autre, je crains fort que tu n’en<br />

retires honte et malheur. »<br />

Érec eut à peine franchi le pont qu’il vit venir à lui un chevalier monté sur un destrier gros, puissant, à<br />

la démarche vaillante, au large poitrail. En revanche, il n’avait jamais vu d’homme aussi petit que le<br />

cavalier. Soigneusement armé, celui-ci paraissait néanmoins des plus agressifs, et, sitôt parvenu à la<br />

hauteur d’Érec, il l’interpella : « Holà ! Seigneur, est-ce par ignorance ou présomption si tu t’aventures à<br />

me dépouiller de mon privilège et à violer ma loi ? Nul n’a le droit de passer par ici sans me combattre.<br />

– J’ignorais que ce chemin fût interdit, répondit calmement Érec. – Non pas, tu le savais ! reprit le petit<br />

homme. Aussi m’accompagneras-tu à ma cour afin de me rendre satisfaction pour le tort que tu m’as<br />

causé. – Je ne t’ai pas causé de tort ! répliqua Érec, et je n’irai pas à ta cour. – Dans ce cas, cria l’autre,<br />

c’est tout de suite que j’obtiendrai satisfaction ! »<br />

Sans plus de paroles, ils se précipitèrent l’un sur l’autre. Érec ne trouva que désagrément à combattre<br />

cet adversaire qui, en raison de sa petite taille, se déplaçait avec autant de souplesse que de légèreté tout<br />

en faisant preuve d’une grande force. Une fois que tous deux eurent vidé leurs étriers, ils combattirent à<br />

pied, se donnant mutuellement des coups rapides et irrités, rudes et vaillants, forts et cuisants. À la fin,<br />

tout en sueur et en sang, Érec entra dans une telle fureur que, rassemblant toutes ses forces, il brandit son<br />

épée de manière qu’il atteignit l’autre à la tête avec une violence qui lui brisa le heaume et lui fit lâcher<br />

son épée. Gwiffret le Petit, car c’était lui, demanda grâce. « Tu l’auras, répondit Érec, en dépit de ton<br />

manque de courtoisie et de politesse, mais à condition d’être désormais mon compagnon, de ne jamais<br />

rien entreprendre contre moi et de me venir en aide si je me trouve dans la peine. – Je te le promets, dit le<br />

vaincu. Maintenant, je t’en prie, viens jusqu’à ma cour qui est dans la ville, afin de te remettre de tes<br />

fatigues et de tes blessures. – Par Dieu ! s’écria Érec, certes, je n’irai point ! » Mais le Petit, apitoyé<br />

qu’une créature aussi noble qu’Énide dût supporter des fatigues si excessives, se permit d’insister.<br />

« Seigneur, reprit-il, tu as tort de ne pas vouloir prendre de repos. Dans l’état où je te vois, s’il te<br />

survient une aventure périlleuse, tu seras incapable d’en venir à bout. » Érec s’obstina néanmoins à<br />

continuer son voyage.<br />

Après avoir pris congé de Gwiffret le Petit, il se remit donc en selle, couvert de sang et perclus de<br />

blessures, tandis que la jeune femme reprenait son avance. Ils se dirigèrent ainsi vers un bois qu’ils<br />

apercevaient devant eux. La chaleur était grande, et les armes, vu la sueur et le sang, collaient à la peau<br />

d’Érec. Dans le bois, il dut s’arrêter sous un arbre, tant la douleur devenait intolérable. Quant à Énide,<br />

elle se tenait sous un autre arbre, n’osant aller vers son mari, de peur de le mettre en colère et de<br />

redoubler ses souffrances.<br />

Là-dessus, ils entendirent le son des cors et le tumulte d’un grand rassemblement : c’étaient Arthur et<br />

sa suite qui descendaient dans le bois. Érec hésitait sur la route à prendre afin de les éviter lorsqu’un<br />

homme à pied – le valet de l’intendant de la cour – l’aperçut, alla trouver son maître et lui décrivit le<br />

chevalier entrevu dans le bois. L’intendant fit équiper son cheval, prit sa lance et son bouclier et se rendit<br />

auprès d’Érec. « Chevalier, lui dit-il, que fais-tu donc ici ? – Je prends le frais, de manière à m’épargner<br />

l’ardeur du soleil. – Eh bien, suis-moi auprès du roi Arthur. Tu seras plus à ton aise dans son pavillon. –<br />

Je n’irai pas, dit Érec. – Il te faudra cependant venir, tu le dois. – Je n’irai pas ! » répéta Érec avec<br />

obstination. Sans plus insister, l’intendant regagna le camp d’Arthur et y rencontra Yvain, fils du roi<br />

Uryen. « Seigneur, dit-il, il y a dans le bois un chevalier blessé. Son armure est en piteux état, et il refuse<br />

de venir ici. Tu ferais bien d’y aller voir. »<br />

Yvain prit sa lance et son bouclier, enfourcha son cheval et se rendit auprès d’Érec. « Chevalier, lui

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