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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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puis-je vous dire d’autre ? »<br />

« Elles se mirent à pousser de grands cris, injuriant Énéour et se querellant mutuellement. Puis elles se<br />

calmèrent et tirèrent leurs couteaux. « Énéour, dirent-elles, tu as commis un crime si grand que tu dois<br />

mourir sur-le-champ. Personne, sauf Dieu lui-même, ne pourra te sauver ! » Devant cette troupe qui le<br />

menaçait, Énéour recula. « Dames ! cria-t-il, jamais vous n’aurez la cruauté de commettre un si grave<br />

péché ! Si maintenant j’avais le heaume lacé, si j’étais monté sur un cheval de bataille, le bouclier pendu<br />

au cou, la lance au poing, je mettrais ici pied à terre et m’en remettrais à votre miséricorde. Sachez que si<br />

je meurs de si belles mains, je serai déclaré martyr et placé aux côtés des saints, pour avoir été comblé<br />

par le destin ! »<br />

« En entendant ce discours, chacune des femmes se mit à pleurer. <strong>Le</strong>s belles paroles du chevalier leur<br />

avaient attendri le cœur. Celle qui avait entendu les onze autres en confession leur dit : « Dames,<br />

engageons-nous fermement à faire ce qui ne devrait pas vous affliger, du moins je le souhaite. – Tu es de<br />

bon conseil, Gwladys, dis-nous ce qu’il convient de faire. » Elle s’adressa à Énéour : « Chevalier, ditelle,<br />

tu nous as parfaitement trompées jusqu’au moment où nous nous en sommes aperçues. Sache que<br />

nous ne t’aimerons plus jamais de la même manière. Nous étions toutes sincères envers toi, et je pense<br />

que tu l’étais peut-être aussi. Voici ce que je te propose : celle qui te plaira le mieux doit t’appartenir et<br />

te rester, mais aucune n’entend partager son amant. – Cela, protesta Énéour, je ne le ferai pour rien au<br />

monde. Je vous aime toutes, et je ne saurais choisir l’une de vous. – Nous ne pouvons l’accepter ! s’écria<br />

Gwladys avec colère. Exécute mon ordre, ou bien, sur ma foi, tu mourras. Choisis parmi nous celle que tu<br />

veux en t’engageant à ne jamais revoir les autres ! »<br />

« Énéour comprit qu’il ne sauverait sa vie qu’à cette condition. Il répondit à Gwladys : « Dame, c’est<br />

toi que je choisis, et je ne m’en dédirai pas. Mais permets-moi de dire que je m’attriste de la perte des<br />

autres, car elles sont toutes, autant que toi, pourvues de grandes qualités. – Je te remercie », dit Gwladys.<br />

Et les autres, pleines d’affliction, jurèrent alors que plus jamais elles n’aimeraient Énéour, qu’elles<br />

l’abandonnaient sans conteste à Gwladys et ne tenteraient jamais plus de le séduire. Et lorsqu’elles eurent<br />

ainsi réglé leur différend, chacune rentra chez soi, tandis qu’Énéour, fort contrit, regagnait son propre<br />

logis.<br />

« Cependant, les douze dames n’avaient, pas plus qu’Énéour, remarqué qu’on les espionnait. Dans la<br />

cité vivait un homme de basse condition qui, toujours prêt à répandre les bruits les plus infamants sur son<br />

prochain, en tirait même profit. Alerté par les cris que poussaient les femmes dans le verger, il s’était<br />

juché sur un mur et, de là, avait observé tout le drame. Et il s’était bien promis qu’un tel secret lui<br />

rapporterait gros.<br />

« Il commença par surveiller soigneusement Énéour, et comme celui-ci n’allait plus qu’à un seul<br />

endroit, le traître n’eut pas de peine à savoir exactement où et à quel moment il rejoignait la dame de son<br />

choix. Et, un jour où les douze chevaliers étaient attablés ensemble, il alla les trouver et, une fois en leur<br />

présence, se mit à goguenarder tout en traçant une croix sur ses lèvres. « De quoi ris-tu, coquin ? s’écria<br />

l’un des chevaliers qui connaissait son homme sur le bout du doigt. Voilà un vilain divertissement ! Je<br />

sais bien de quoi tu te mêles : tu nous mijotes quelque médisance, selon tes bonnes habitudes ! – Par ma<br />

foi, répondit le vilain, j’ai appris des choses étonnantes. Mais comme il me serait difficile d’en parler<br />

devant vous, je ne puis qu’en rire à part moi. »<br />

« <strong>Le</strong> ton qu’il avait affecté inquiéta les chevaliers. « Que nous caches-tu ? S’agirait-il de nous ? –<br />

Oui, par Dieu tout-puissant ! de vous tous. – Dis-nous donc ce que tu sais. Nous sommes prêts. – Je le<br />

ferai volontiers, répliqua-t-il avec un mauvais sourire, mais à condition d’en tirer quelque récompense. –<br />

Si c’est la vérité, tu recevras salaire. – Quant à moi, si j’étais sûr que vous teniez parole, je parlerais. »<br />

L’un des chevaliers, agacé par ce marchandage, lui dit : « Nous te paierons, je m’y engage. – Cependant,<br />

reprit l’homme, si je vous dis la vérité au sujet de certaine affaire dont je suis parfaitement informé, vous

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