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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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En voyant approcher <strong>Perceval</strong>, les assiégeants le désignèrent à Kengrun qui était assis devant sa tente,<br />

convaincu qu’on lui rendrait la forteresse avant la nuit, si quelqu’un n’en sortait pour le combattre corps à<br />

corps. Déjà, il avait lacé ses chausses, et ses gens menaient grande joie, car ils pensaient achevée leur<br />

conquête du pays. Kengrun se fit donc armer à la hâte, enfourcha un cheval puissant et nerveux et, se<br />

dirigeant vers <strong>Perceval</strong>, lui cria : « Valet ! que viens-tu faire ici ? Qui t’envoie, et dans quelle intention ?<br />

Viens-tu demander la paix ou la bataille ? »<br />

<strong>Perceval</strong> s’arrêta devant le sénéchal. « Et toi, que fais-tu ici ? Tu n’as aucun droit d’y rester, car cela<br />

n’est pas ton domaine. Pourquoi as-tu tué les chevaliers de Blodeuwen et pourquoi as-tu ravagé sa terre ?<br />

– Je n’ai que faire de te répondre sur ce point. Je veux qu’aujourd’hui même on vide la forteresse et me<br />

livre la terre. J’ai déjà trop attendu. Quant à Blodeuwen, elle doit revenir à mon seigneur. – Au diable<br />

pareil discours, et au diable qui le prononce ! s’écria <strong>Perceval</strong>, fort irrité par l’arrogance du sénéchal. Il<br />

n’en ira pas comme tu le crois. Tu n’auras ni la terre ni la forteresse, et Blodeuwen ne sera pas soumise à<br />

ton maître. Renonce à tes folies, rassemble tes hommes et va-t’en d’ici au plus tôt ! – Certes, dit avec<br />

rage Kengrun, voilà des paroles bien déplacées, par saint Pierre ! Je ne t’ai jamais vu par ici. Je me<br />

demande bien pourquoi tu viens me narguer. Disparais de ma vue si tu ne veux que l’innocent paie pour le<br />

coupable ! – En voilà assez ! », s’écria <strong>Perceval</strong> en abaissant sa lance.<br />

Alors, les deux hommes se précipitèrent l’un sur l’autre de toute la vitesse de leur cheval, l’un et<br />

l’autre en proie à une vive irritation. <strong>Le</strong>urs lances volèrent en éclats. Malgré son bouclier, Kengrun fut<br />

blessé au bras et à l’épaule. Ressentant une violente douleur, il tomba de son cheval. <strong>Le</strong> jeune <strong>Gallois</strong>,<br />

qui était resté ferme sur sa monture, fut un instant embarrassé, mais il sauta bientôt à terre, tira son épée et<br />

la brandit sur le sénéchal. Celui-ci tenta de se relever, mais <strong>Perceval</strong> le pressait si rudement qu’il<br />

retomba. « Grâce ! », cria-t-il. <strong>Perceval</strong> se trouvait dans un tel état de fureur qu’il n’était guère disposé à<br />

lui accorder la vie. Mais, se souvenant de ce que lui avait dit Gornemant, il releva son épée, après une<br />

seconde d’hésitation.<br />

« Seigneur, reprit le sénéchal, ne sois pas cruel envers moi. Je reconnais que tu es un bon chevalier et<br />

que tu as eu le dessus. Mais qui nous a vu lutter et nous connaît tous deux, comment croirait-il qu’à toi<br />

seul, et à l’aide de tes seules armes, tu m’aies tué en combat singulier ? Personne n’y ajouterait foi.<br />

Tandis que si je témoigne en personne que tu m’as vaincu par les armes en présence de tous mes gens,<br />

devant ma propre tente, on en croira ma parole, et ta valeur sera reconnue de tous, car jamais chevalier<br />

n’aura pu à plus juste titre s’enorgueillir de sa prouesse. Si tu as un seigneur qui t’ait fait quelque bien ou<br />

t’ait rendu service, sans que tu aies pu jusqu’à présent reconnaître ses bienfaits, envoie-moi à lui : je lui<br />

dirai ta victoire et m’en remettrai à lui de mon sort.<br />

— Par ma foi, dit <strong>Perceval</strong>, c’est probablement la première fois de ta vie que tu prononces des paroles<br />

sensées. Au diable qui demanderait mieux ! Eh bien, soit ! Je te fais grâce, à condition que tu ailles dans<br />

cette forteresse te jeter aux pieds de celle qui la possède en toute justice et que tu prétendais dépouiller<br />

de tous ses biens. Et tu lui jureras que, plus jamais, tu ne lui causeras le moindre dommage. À elle de<br />

décider de ton sort ! – Mais c’est ma mort que tu veux ! gémit le sénéchal. Elle me fera tuer. C’est son<br />

désir le plus ardent. J’étais de ceux qui ont tué son père, et j’ai moi-même tué ou fait prisonniers bon<br />

nombre de ses chevaliers. Je sais qu’elle me hait plus que tout au monde. Je t’en prie, si tu as un autre<br />

ami, envoie-moi à lui, et je ferai comme je t’ai dit ! »<br />

Après avoir réfléchi, <strong>Perceval</strong> lui désigna Gornemant de Goort, dont il lui décrivit la forteresse mieux<br />

que n’eût fait un maçon, lui en vantant les eaux profondes, le pont, ainsi que les tourelles et la tour. Mais<br />

le sénéchal se récria : « Certes, tu prétends me faire grâce, mais tu n’as qu’un désir, m’envoyer à la mort.<br />

Dieu me pardonne, mais tu veux me mettre en de très mauvaises mains. L’homme auquel tu me pries<br />

d’aller confier mon sort, j’ai tué l’un de ses frères en combat singulier. Seigneur, tue-moi tout de suite<br />

plutôt que de m’envoyer chez lui. Aussi sûr que je te parle, il me fera exécuter.

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