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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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une lourde charge de péchés qu’il nous faut supporter.<br />

« Pour la supporter, nous devons prier Dieu de nous accorder son aide. Si nous sommes sincères, il ne<br />

la refuse jamais. Ayant, par loyal amour, revêtu forme humaine, il a, par empressement loyal, ardemment<br />

combattu la déloyauté. N’aie donc point de rancune à son encontre si tu ne veux compromettre ta destinée.<br />

Montre-toi moins inconsidéré en tes paroles et en tes actions. Je vais te dire quel châtiment attend celui<br />

qui prétend venger ses souffrances par des paroles de démesure : lui-même se condamne par sa propre<br />

bouche. Crois-en le témoignage des sages de l’ancien temps : il est toujours vrai et nous garantit la vérité<br />

de ce discours. Platon l’avait déjà dit en son temps, et la Sibylle aussi, qui fut prophétesse. Sans se<br />

tromper en rien, ils ont annoncé, de longues années à l’avance, la venue certaine de celui qui rachèterait<br />

la race humaine. Celui dont la main régit l’univers nous a, avec son amour divin, arrachés à la noirceur de<br />

l’enfer ; il n’y a laissé que ceux qui ne savent point commander à leurs passions.<br />

« <strong>Le</strong>s justes paroles de ces prophètes nous parlent de celui qui sait véritablement aimer. C’est une<br />

lumière qui pénètre au fond de toutes choses. Rien ne peut faire chanceler cette force d’amour. Tous ceux<br />

à qui il manifeste son amour connaissent en cet amour une joie intense. Mais, en ce monde, les hommes<br />

agissent fort diversement : ils peuvent, à leur guise, acquérir son amour ou bien s’attirer sa colère.<br />

Demande-toi lequel des deux te sera du plus grand secours. <strong>Le</strong> malheureux qui n’éprouve point de<br />

repentir fuit le loyal amour divin ; l’homme qui reconnaît ses torts et souhaite les expier s’attire une grâce<br />

sans prix. Cette grâce lui viendra de celui qui sonde jusqu’au tréfonds de nos pensées les plus secrètes.<br />

Car la pensée peut se soustraire au regard du soleil, la pensée, bien qu’aucune serrure ne l’enferme, peut<br />

demeurer cachée, impénétrable à toute créature mais, dans quelques ténèbres qu’elle se complaise, Dieu<br />

la déchiffre sans peine. Il a le pouvoir de tout éclairer, et son éclat rayonne à travers la paroi ténébreuse<br />

dont s’enveloppe la pensée, il plonge jusqu’au fond d’un élan que nul n’aperçoit ni ne peut entendre.<br />

« Quand la pensée jaillit du fond de nous-mêmes, elle n’est jamais si rapide que Dieu n’ait eu le loisir<br />

de l’examiner avant que du cœur elle n’arrive jusqu’à la peau. Et quand cette pensée est pure, il<br />

l’accueille avec bonté. Si Dieu sait ainsi pénétrer toutes nos pensées, quelle ne doit pas être sa douleur<br />

devant les actes que nous dicte notre faiblesse ! Quand les œuvres d’un homme écartent de lui la faveur<br />

divine et accablent Dieu de honte, de quel secours lui serait donc le savoir du monde ? Où sa pauvre âme<br />

pourrait-elle trouver refuge ? Si tu es décidé à affliger Dieu, c’est en définitive toi-même que tu affligeras<br />

le plus. Tourne donc ton cœur vers le bien ; mérite que Dieu récompense ton bon vouloir(35). »<br />

<strong>Perceval</strong> lui dit alors : « Bel oncle, je serai toujours heureux que tu m’aies si bien instruit sur celui qui<br />

juge nos actes selon leur valeur. Depuis mon âge le plus tendre jusqu’à ce jour, j’ai vécu dans<br />

l’insouciance puis dans l’inquiétude parce que je craignais que ma foi ne fût pas récompensée. » Et, sans<br />

plus attendre, <strong>Perceval</strong> entreprit de raconter à l’ermite ce qu’il avait fait dans sa vie, et ce sans rien<br />

omettre ni de ses fautes ni de ses faiblesses.<br />

Quand il eut terminé son récit, l’ermite lui demanda : « Beau neveu, est-ce que tu mènes toujours deux<br />

chevaux avec toi ? – Non, cher oncle, je n’en ai qu’un seul et n’en veux pas davantage. Mais j’ai<br />

rencontré hier soir un chevalier qui me mit fort en courroux : nous venions, ma sœur et moi, de quitter la<br />

forêt quand, poussé par la convoitise de la jeune fille, il vint m’assaillir et me heurta si violemment qu’il<br />

brisa sa lance contre mon bouclier. Je l’ai alors frappé avec tant de colère que ma lance l’a transpercé<br />

jusqu’à ressortir entre ses épaules. Puis, je l’ai abandonné là-bas, à même le sol, et j’ai emmené son<br />

cheval. Si tu veux le garder, prends-le. Il est fort et grand, du reste plus docile qu’un agneau. – Je te<br />

remercie, beau neveu, mais je n’ai que faire d’un cheval puisque j’ai décidé de demeurer ici jusqu’à ce<br />

que Dieu me rappelle à lui. Permets-moi toutefois de te poser une question : ne te déplaît-il pas de tuer<br />

ainsi les gens, sous l’emprise de la colère ? – Que Dieu m’aide ! répondit <strong>Perceval</strong>. Si je ne l’avais tué<br />

de cette façon, il n’aurait eu aucun scrupule à me mettre à mort pour ravir ma sœur ! Je n’ai fait là que me<br />

défendre. – Certes, admit l’ermite, mais sous le coup de la colère, et celui qui se laisse dominer par sa

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