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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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chevalier. Je t’y ferai panser par les meilleurs médecins qui soient. » Érec dut l’admettre, il ne pouvait<br />

décliner cette offre ; il se sentait épuisé et savait qu’en cas de fâcheuse rencontre il n’aurait plus la force<br />

de se défendre. « Volontiers, seigneur », répondit-il enfin.<br />

On fit monter Énide sur le cheval d’un écuyer de Gwiffret, et tous se rendirent à la cour du baron qui<br />

était le beau-frère de celui-ci. On leur y réserva le meilleur accueil, et ils y trouvèrent attentions et<br />

services. <strong>Le</strong> lendemain matin, on envoya quérir des médecins qui ne tardèrent pas à se présenter pour<br />

soigner Érec jusqu’à ce qu’il fût complètement guéri. Entre-temps, il avait chargé Gwiffret de faire<br />

remettre ses armes en état, et celles-ci furent bientôt aussi bonnes que jamais. <strong>Le</strong>ur séjour en la demeure<br />

du baron dura un mois et quinze jours. Gwiffret le Petit dit alors à Érec : « Allons à présent à ma cour<br />

nous reposer et prendre nos aises. » Et c’est ainsi que le lendemain, la jeunesse du jour les vit se mettre<br />

en route.<br />

Énide se montrait en leur compagnie plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais été. Érec avait abandonné<br />

toute colère à son encontre et lui manifestait le profond amour qu’il éprouvait en son cœur. Au surplus, il<br />

ne savait comment se faire pardonner la dureté dont il avait fait preuve. Sur ces entrefaites, ils parvinrent<br />

à un carrefour d’où partaient deux routes dans des directions opposées. Sur l’une d’elles, ils virent un<br />

homme à pied se diriger vers eux. Gwiffret lui demanda d’où il venait. « De ce pays, là-bas, répondit<br />

l’homme. – Dis-moi, reprit Gwiffret, selon toi, lequel de ces chemins vaut-il mieux prendre ? – Vous<br />

seriez avisés d’emprunter celui-ci, répondit l’homme, car l’autre, par là, vous n’en reviendriez pas. Là se<br />

trouve en effet le Clos du Nuage, un endroit périlleux entre tous. – Pourquoi ? Qu’est-ce donc que ce Clos<br />

du Nuage ? – Un lieu maudit. Par la vertu d’un sortilège, il s’y produit des prodiges de toutes sortes, et<br />

l’on y joue à des jeux maléfiques. De tous ceux qui y sont allés, pas un seul n’est encore revenu. Et par là<br />

se trouve aussi la cour du roi Evrain, lequel ne permet à personne de venir prendre logis en ville, à moins<br />

de se rendre en sa cour. – Par Dieu tout-puissant ! s’écria Érec, de ce côté-là nous irons ! » Et, en suivant<br />

la route indiquée, ils arrivèrent à la cité du roi Evrain.<br />

Quand ils eurent franchi le pont et la poterne, ils aperçurent une foule de gens qui s’étaient amassés<br />

par la rue. <strong>Le</strong>s bourgeois et les jeunes filles dévisageaient Érec et, tout émus par sa grande beauté, ils se<br />

signaient et disaient tout bas : « Hélas ! ce chevalier vient ici pour son malheur. Il devra fatalement subir<br />

les jeux du Clos du Nuage. Mais nul n’est jamais venu de terre lointaine en tenter l’épreuve sans en<br />

éprouver honte ou dommage et sans y laisser sa tête en gage. » Et tous, étreints de crainte et de tristesse à<br />

la perspective du sort cruel qui menaçait le chevalier, pleuraient sur son passage.<br />

Or, quoiqu’il entendît parfaitement les murmures de la foule, Érec semblait les ignorer. Il prit logis<br />

dans l’endroit de la cité qui lui parut le plus beau et le plus agréable et, comme ils venaient tous de s’y<br />

installer, un jeune écuyer vint à eux et les salua. « Dieu te donne joie et bonheur ! répondirent-ils. –<br />

Seigneurs, dit l’écuyer, quels préparatifs sont les vôtres, ici ? – Tu le vois. Nous apprêtons notre logis en<br />

vue d’y passer cette nuit. – Seigneurs, reprit l’écuyer, il n’est pas dans les habitudes de l’homme à qui<br />

appartient cette cité de permettre à aucun étranger d’y loger sans que celui-ci soit allé lui rendre visite à<br />

sa cour. Venez donc auprès du roi Evrain. – Volontiers », répondit Érec.<br />

À la suite de l’écuyer, ils pénétrèrent en la demeure du roi Evrain. <strong>Le</strong> roi vint lui-même à leur<br />

rencontre et les accueillit avec beaucoup de courtoisie. « Seigneurs, dit-il, soyez les bienvenus chez<br />

moi. » Des valets accoururent pour tenir les étriers et pour emmener les chevaux dans les écuries. <strong>Le</strong> roi<br />

Evrain salua profondément Énide, l’aida personnellement à descendre de son cheval puis, la prenant par<br />

sa main blanche, il l’emmena dans la grande salle en lui témoignant le plus grand respect. Ensuite, il<br />

ordonna de préparer un souper pourvu à souhait d’oiseaux, de venaison, de fruits et de vins de différents<br />

crus. Quand tout fut prêt, chacun prit place, Érec à droite du roi, Énide à gauche, Gwiffret le Petit près<br />

d’elle, et ainsi de suite selon son rang et sa dignité. Or, Érec se mit à songer aux jeux du Clos du Nuage<br />

et, craignant qu’on ne lui en interdît l’accès, cessa soudain de manger. En voyant cela, le roi crut que la

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