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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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8<br />

La Gaste Forêt<br />

En quittant la cour d’Arthur, après les durs reproches de la hideuse Demoiselle au Mulet, <strong>Perceval</strong><br />

s’était enfoncé dans la forêt en quête des chemins qui le mèneraient à la demeure du Roi Pêcheur. Mais<br />

plus il avançait, plus il se voyait égaré en des contrées qu’il ne reconnaissait pas et où il ne trouvait ni<br />

gîte, ni nourriture. Il passait la nuit dehors, au pied d’un arbre, avec une pierre en guise d’oreiller. Et, en<br />

se réveillant, ses vêtements humides de rosée, dans la fraîcheur de l’aube, il se désespérait d’atteindre<br />

jamais le but qu’il s’était fixé.<br />

Un matin, cependant, alors que le soleil encore bas brillait d’un vif éclat, il lui sembla se trouver dans<br />

un lieu où il était déjà venu. Devant lui, un grand et bel arbre lui rappelait quelque chose. Il s’arrêta,<br />

descendit de son cheval et se mit à songer. Des images confuses lui revinrent en mémoire. « Par ma foi,<br />

se dit-il, m’est avis que me voici tout près du manoir de ma mère, en la Gaste Forêt. Ces arbres me sont<br />

familiers, et voilà les bois où j’ai tant chassé avec mes javelots. Hélas ! qu’en est-il maintenant de la<br />

maison où j’ai vécu ? Je n’y ai plus parent ni ami, et tout doit être abandonné. »<br />

Il se mit à pleurer d’abondance puis décida qu’il irait quand même jusqu’au manoir afin d’en savoir<br />

davantage sur la mort de sa mère.<br />

Il remonta sur son cheval et repartit le long d’un sentier qu’il reconnaissait parfaitement. Il traversa la<br />

clairière où il avait rencontré les chevaliers d’Arthur et, bientôt, sortant de la forêt, pénétra dans la vallée<br />

où, devant lui, à quelque distance encore, se dressait la demeure qui avait abrité son enfance. « Par Dieu<br />

tout-puissant ! s’écria-t-il, je ne pensais jamais revenir ici. » Fort surpris que le manoir ne fût pas en<br />

ruine, il s’avança jusqu’au pont et le traversa non sans une profonde angoisse au cœur, car il foulait la<br />

place où était tombée sa mère, morte de chagrin, lorsqu’il était parti, plein d’insouciance, se faire armer<br />

chevalier à la cour d’Arthur.<br />

Or, un valet sortit de la maison et s’avança vers lui en le saluant, l’aida à descendre de cheval et prit<br />

celui-ci par la bride pour le mener à l’écurie, tandis que l’on conduisait <strong>Perceval</strong> dans la grande salle<br />

qu’il connaissait bien. Des valets vinrent à sa rencontre, le désarmèrent et le firent asseoir dans un grand<br />

fauteuil, celui de sa mère, et il en fut grandement ému. Il reconnut certains des serviteurs, mais eux ne le<br />

reconnurent pas, tant il avait changé. Comment jamais croire, en effet, que ce chevalier errant et<br />

l’adolescent fougueux qu’ils avaient vu partir étaient le même homme ? Et <strong>Perceval</strong> songeait avec<br />

tristesse qu’il ne connaîtrait plus jamais le bonheur, puisqu’il avait causé, par sa désinvolture, la mort de<br />

la femme qui lui avait donné la vie.<br />

C’est alors que, venant d’une chambre voisine, apparut une gracieuse jeune fille, blanche comme fleur<br />

de mai nouvelle. Fort richement vêtue d’une robe de lin blanc dont les bords étaient tissés de fils rouges,<br />

elle vint droit à <strong>Perceval</strong> et le salua, lui souhaitant la bienvenue en ce manoir. Il se leva, lui rendit son<br />

salut, non sans s’étonner beaucoup de la voir là. Elle le conduisit jusqu’à une couche recouverte de<br />

fourrures blanches et demanda qu’on apprêtât rapidement le repas. Après quoi, elle demanda à <strong>Perceval</strong> :<br />

« Seigneur, où as-tu passé la nuit ? – Amie, répondit-il, en un lieu qui n’avait guère d’agrément : dans la<br />

forêt, au pied d’un arbre. – Rassure-toi, cette nuit, je te promets un bon lit pour te reposer des fatigues de<br />

ton voyage. »<br />

Comme ils s’étaient mis à deviser de choses et d’autres, brusquement, la jeune fille soupira et fondit<br />

en larmes. « Que se passe-t-il ? demanda <strong>Perceval</strong>. Pourquoi pleures-tu si fort, belle amie ? – Seigneur,<br />

pardonne-moi, répondit-elle, mais c’est à cause de toi. <strong>Le</strong> souvenir de mon frère me fait mal, lui que j’ai

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