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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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ousse, mais on eût été bien en peine de trouver à laquelle décerner la palme de la beauté. Et quoiqu’elles<br />

fussent occupées à broder des ouvrages de soie, toutes, en voyant <strong>Perceval</strong>, se levèrent d’un même<br />

mouvement et le saluèrent à haute voix en l’appelant leur seigneur.<br />

Sans plus songer à ses angoisses, <strong>Perceval</strong>, dont le cœur s’éclairait davantage à chaque nouvel objet<br />

qui se présentait à sa vue, se pensait parvenu au Paradis, tant l’éblouissaient le faste et l’éclat des lieux.<br />

Et il se laissa conduire comme en rêve au fond de la salle où, sur un siège tendu de soieries, était assise<br />

une femme à la longue chevelure brune et au chef ceint d’une couronne d’or. Elle avait un teint brillant,<br />

des yeux d’un gris profond ; son allure était encore plus noble et plus gracieuse que celle de ses<br />

suivantes. <strong>Perceval</strong> s’inclina devant elle et, d’une voix très douce, elle lui souhaita la bienvenue,<br />

l’invitant à s’asseoir auprès d’elle.<br />

<strong>Le</strong> <strong>Gallois</strong> ne sentait plus ni la faim ni la fatigue ni aucune espèce de malaise : la splendeur<br />

environnante lui faisait tout oublier. La dame reprit : « Seigneur, si cela ne te déplaît pas, dis-nous ton<br />

nom. » Il ne vit aucune raison de le cacher et, s’étant aussitôt nommé, il entreprit de raconter qu’il avait<br />

erré trois jours par vallées et forêts sans trouver d’hôtel où recevoir gîte et couvert. « Je n’en suis pas<br />

surprise, dit alors la dame, car, tout autour de ce château, on pourrait aller longuement sans rencontrer<br />

d’abri où trouver de pain ni d’autres aliments. » Et elle commanda qu’on dressât les tables sans délai.<br />

<strong>Perceval</strong> observa qu’il n’y avait là valets ni sergents : des jeunes filles s’occupaient de tout, qui<br />

mirent les tables, les revêtirent de nappes plus blanches que neige et les garnirent sans que n’y manquât<br />

rien, puis elles apportèrent de l’eau chaude afin que <strong>Perceval</strong> et la dame pussent se laver les mains.<br />

Après quoi, tous deux prirent place et se restaurèrent ensemble de grand cœur et de bon appétit. La nuit<br />

venue, on alluma autant de chandelles qu’il en fallait, tout en servant à foison des viandes de toutes<br />

sortes, oiseaux, brochets, saumons et autres poissons frais, et un vin délicieux tel que <strong>Perceval</strong> n’en avait<br />

jamais bu de meilleur. Après qu’ils se furent rassasiés et désaltérés à loisir, les jeunes filles enlevèrent<br />

les plats et les nappes, eux-mêmes retournant s’asseoir en face l’un de l’autre. <strong>Le</strong> <strong>Gallois</strong> demanda alors<br />

à la dame quel était ce château et pourquoi il n’y avait vu aucun chevalier, aucun sergent, aucun valet.<br />

« Seigneur, répondit-elle, je ne te le cacherai pas, car tu me parais un chevalier loyal et sincère. Veuxtu<br />

en écouter l’histoire ? – Dame, protesta le <strong>Gallois</strong>, je ne serais ni loyal ni sincère si je n’écoutais ce<br />

que tu veux bien me conter. Cependant, sans t’ennuyer, je voudrais aussi savoir pourquoi la porte s’est<br />

refermée dès que je fus entré dans la forteresse, et ce qu’il en est du marteau posé sur la longue table.<br />

J’aimerais encore que tu me dises pourquoi je n’ai rencontré aucune d’entre vous avant d’avoir frappé du<br />

marteau sur la table.<br />

— Seigneur, certes je conçois que tout cela ait pu t’étonner. Aussi vais-je te l’expliquer. Ainsi que tu<br />

l’as constaté, il n’y a pas d’homme ici, cela parce que nous n’avons pas voulu que notre tranquillité fût<br />

troublée par la présence de valets, d’hommes d’armes ou de chevaliers bruyants et incommodes. Nous<br />

séjournons ici en un désert éloigné de toute habitation, de toute forteresse, de toute ville, et nous sommes<br />

toutes des femmes de grande noblesse, d’une seule lignée, d’une seule manière de vivre. Je ne parle pas<br />

de notre richesse car, sans mentir, nous avons tout ce qui nous plaît et tout ce que nous désirons. C’est<br />

moi qui, séduite par la beauté de ces lieux, fis bâtir ce château ; il est placé dans une courbe de la grande<br />

rivière et, je puis te l’affirmer, jamais maçon n’y mit la main, jamais vilain n’en laboura la terre. Je vais<br />

même te révéler qui a édifié ma demeure, ainsi que ses entours : quatre femmes avenantes et belles, de<br />

grande famille, qui étaient expertes en l’art de la pierre, et ce sont quatre autres femmes qui, par habileté<br />

et finesse, ont encore pris soin d’en orner les murs, de fabriquer les meubles, d’y tendre les plus belles<br />

tapisseries. Bref, aucune main d’homme n’a jamais pris part à la fondation de ce château. Nous en<br />

sommes seules responsables.<br />

« Cependant, lorsque, par hasard, il advient qu’un chevalier en quête d’aventures arrive ici, nous<br />

tenons à nous assurer qu’il a véritablement besoin de repos et d’hospitalité. Nous le laissons donc entrer

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