Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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profitant d’une hésitation de Clamadeu, <strong>Perceval</strong> finit par le jeter au sol et bondit sur lui, prêt à lui<br />
trancher la tête. « Grâce ! », s’écria Clamadeu.<br />
Alors, à l’instar de son sénéchal, il dut accepter les conditions dictées par son vainqueur. Mais, pas<br />
plus que Kengrun, il ne voulut se rendre à Blodeuwen ni à Gornemant. Il accepta néanmoins d’aller se<br />
constituer prisonnier auprès du roi Arthur. Il promit aussi de voir le nain et la naine qu’avait insultés<br />
l’Homme Long et de leur dire qu’ils seraient incessamment vengés. Il dut également jurer de libérer, le<br />
lendemain avant le jour, les chevaliers prisonniers dans sa forteresse et de les laisser revenir sains et<br />
saufs, ainsi que de ne plus jamais chercher à inquiéter d’une manière ou d’une autre la belle Blodeuwen.<br />
Sur ce, <strong>Perceval</strong> le laissa partir. Clamadeu se rendit directement à sa forteresse, et son premier geste<br />
fut de relâcher les prisonniers. Ceux-ci, qui avaient perdu tout espoir, ne se sentirent plus de joie. Ils s’en<br />
allèrent sur-le-champ, ne tarissant pas d’éloges sur le chevalier aux armes vermeilles qui avait vaincu<br />
Clamadeu et l’avait obligé à les libérer. Quant à ce dernier, quelque honte qu’il éprouvât de sa défaite, il<br />
tint sa parole et se dirigea vers Carduel, où résidait le roi Arthur, en suivant le même chemin qu’avait<br />
suivi auparavant son sénéchal Kengrun. Celui-ci avait parcouru la distance en trois étapes et s’était déjà<br />
présenté devant le roi. Après avoir loyalement conté comment le chevalier aux armes vermeilles l’avait<br />
vaincu, il avait de même transmis le message concernant le nain et la naine. Et Arthur, après l’avoir<br />
écouté attentivement, le retint à son service et au nombre de ses compagnons.<br />
Or, le matin suivant, en sortant du logis où il avait passé la nuit, Kengrun, qui se trouvait au milieu<br />
d’un groupe de chevaliers, vit arriver un homme qui chevauchait péniblement dans son armure maculée de<br />
sang. Il reconnut immédiatement Clamadeu des Îles. « Seigneurs, seigneurs ! s’écria-t-il. Voici une<br />
aventure surprenante ! Ce chevalier aux armes vermeilles qui m’a moi-même terrassé est encore une fois<br />
vainqueur. Sachez-le, le chevalier que vous voyez est mon seigneur, Clamadeu des Îles. Par ma foi, je ne<br />
puis en croire mes yeux ! Je le tenais en effet pour le meilleur guerrier qui fût dans toute l’île de Bretagne.<br />
Assurément, les meilleurs sont parfois victimes de leurs faiblesses, tout comme les autres. » Et, làdessus,<br />
Kengrun s’en fut à la rencontre de Clamadeu des Îles.<br />
C’était un dimanche, et Arthur avait convié ses compagnons à tenir cour plénière. La reine occupait<br />
avec lui le haut d’une table. Autour d’eux avaient pris place ceux de la Table Ronde qui n’étaient pas<br />
partis en de lointaines expéditions : se trouvaient là, notamment, Girflet, fils de Dôn, Yvain, fils du roi<br />
Uryen, Bedwyr, l’un des plus anciens compagnons d’Arthur, Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie, et son<br />
frère Agravain, tous deux neveux d’Arthur, ainsi que bien d’autres guerriers qui devisaient joyeusement<br />
avec les dames et les jeunes filles. Quant à Kaï, le sénéchal et frère de lait d’Arthur, il fit une entrée<br />
remarquée : sans manteau, un chapeau de feutre blond sur la tête, ses cheveux noués en une tresse, il tenait<br />
à la main une baguette. Dans tout le royaume, nul chevalier n’avait si belle allure que lui, grâce à sa haute<br />
taille et à sa démarche souple et élégante. Néanmoins, chacun s’écarta de lui. On redoutait en effet ses<br />
sarcasmes, et l’on préférait ne point s’exposer à ses remarques perfides. Aussi personne ne lui adressa-til<br />
la parole. Kaï traversa la salle, s’approcha d’Arthur et lui dit : « Roi, ne crois-tu pas qu’il est temps de<br />
commencer à manger ? – Kaï, répondit Arthur, laisse-nous en paix. La cour est rassemblée, je le sais,<br />
mais par les yeux de ma tête, je ne toucherai à nul plat que nous n’ayons d’abord appris quelques<br />
nouvelles dignes de ce nom. Telle est la coutume quand mes compagnons sont rassemblés autour de<br />
moi. »<br />
C’est alors que survint Clamadeu des Îles. Toujours revêtu de son armure maculée de sang, il alla<br />
s’incliner devant Arthur et Guenièvre. « Dieu sauve et bénisse le meilleur roi qui soit au monde ! dit-il,<br />
car on n’en connaît assurément pas de plus noble ni de plus généreux. Ainsi en témoignent tous ceux qui<br />
ont entendu narrer ses grandes prouesses et celles des chevaliers de la Table Ronde. Or, écoute-moi,<br />
seigneur roi, j’ai un message à te transmettre : il m’en coûte beaucoup de le faire, mais j’ai donné ma<br />
parole et je ne saurais m’en dédire. On me nomme Clamadeu des Îles, et je me croyais jusqu’à ces