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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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6<br />

<strong>Le</strong> Cimetière des douze Amantes<br />

<strong>Perceval</strong>, qui chevauchait entre landes et forêts, n’avait, depuis deux jours et trois nuits, trouvé aucun<br />

lieu susceptible de l’accueillir. Il avait dormi dans le creux des arbres, au hasard de la route, et s’était<br />

nourri du pain que des laboureurs, atterrés de le voir en si piteux état, lui avaient donné pour calmer sa<br />

faim torturante. Il ne voyait rien de ce que, ses yeux regardaient. Il errait, sans même savoir ce qu’il<br />

cherchait. Parfois, la pensée de l’Impératrice venait fouetter son désir de retourner auprès de celle qui<br />

l’avait tant bouleversé. Mais, aussitôt, la silhouette de Blodeuwen supplantait celle de la femme brune,<br />

avant de se dissiper à son tour et d’adopter successivement la forme de toutes celles qu’il avait<br />

rencontrées. Et, lorsqu’il essayait d’écarter ces images, celle de sa mère inanimée à l’entrée du pont<br />

surgissait pour ne plus quitter son esprit enfiévré. Et il chevauchait entre landes et forêts, le long des<br />

rivières et sur la crête des montagnes sans même savoir où il allait.<br />

Un jour, vers l’heure où le soleil brille au plus haut du ciel, il passa aux abords d’une forteresse qui se<br />

dressait, non loin d’un lac, sur un promontoire. En s’approchant, il s’aperçut qu’elle n’était plus qu’un<br />

monceau de ruines. <strong>Le</strong> feu en avait ravagé les maisons, et ses remparts s’étaient écroulés. Quant au<br />

chemin qui y menait, les ronces l’avaient envahi. <strong>Perceval</strong> s’arrêta et descendit de son cheval qu’il laissa<br />

paître l’herbe grasse. En regardant autour de lui, il aperçut le clocher d’une église que couronnaient les<br />

bois. Il décida d’aller dans cette direction et, tirant son cheval par la bride, se mit en marche lentement.<br />

Ainsi parvint-il aux abords d’une chapelle. « Par ma foi, se dit-il, ma mère m’a conseillé, chaque fois<br />

que je passerai devant une église, de m’y arrêter pour prier. » Il se disposait donc à y pénétrer quand,<br />

devant l’édifice, un groupe de pierres tombales toutes semblables et rangées en cercle attira son attention.<br />

Intrigué, il s’approcha et lut sur l’une des tombes l’inscription suivante : « Ci-gît Gwladys, fille<br />

d’Aneirin le preux, qui mourut pour l’amour d’Énéour le Beau. » Il examina la tombe voisine et y lut :<br />

« Ci-gît Lawri, fille du comte Dewi, qui mourut pour l’amour d’Énéour le Beau. » Des douze tombes qui<br />

formaient cercle dans ce cimetière, toutes portaient des épitaphes analogues. Et, à la pensée que douze<br />

femmes étaient mortes pour l’amour d’Énéour le Beau, <strong>Perceval</strong> ne manqua pas de s’étonner.<br />

En retournant vers la chapelle, il remarqua une hutte, bâtie grossièrement de terre et de branchages,<br />

que surmontait un toit de chaume. À l’entrée était assise une femme aux traits émaciés, qui, vêtue de<br />

haillons, le dévisageait. Il s’approcha d’elle et lui dit « Douce amie, qui es-tu et que fais-tu dans cet<br />

endroit désolé ? Sais-tu ce que signifient ces tombes ? – Seigneur, répondit-elle, je vis en ces lieux où je<br />

passe mon temps à pleurer et à prier pour les femmes qui sont enterrées dans ce cimetière. » <strong>Perceval</strong><br />

s’assit auprès d’elle. « Je serais bien aise d’en savoir davantage, dit-il, car j’ai vu qu’elles étaient toutes<br />

mortes pour l’amour du même homme. – C’est une longue histoire, soupira la femme, et je te la<br />

raconterai, chevalier. Cependant, je vois que tu es épuisé et affamé. Aussi te donnerai-je d’abord à<br />

manger. » Pendant que <strong>Perceval</strong> retirait ses armes, elle entra dans la hutte et en ressortit peu après avec<br />

du pain noir, de la viande séchée et des fruits. <strong>Perceval</strong> se précipita sur la nourriture et la dévora<br />

gloutonnement. Puis, une fois rassasié et désaltéré par l’eau fraîche que contenait un bassin de terre cuite,<br />

il rappela sa promesse à la femme.<br />

« Voici, dit-elle. La forteresse qui se trouve près d’ici et que tu as vue dans un si triste état protégeait<br />

jadis une cité plaisante aux belles maisons richement pourvues. Douze chevaliers résidaient là, douze<br />

hommes vaillants et sages, riches de terres et de rentes, et chacun d’eux avait une épouse belle, élégante<br />

et de haut lignage. Dans cette cité se donnaient des fêtes brillantes, et l’on recevait volontiers les comtes

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