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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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l’amitié de ses cuisses(22). Enfin, il prit congé de la mère et de la fille. « Va, <strong>Perceval</strong>, lui dit Scatach, et<br />

conduis-toi comme tu le dois. Je sais que nous aurons beaucoup à souffrir de toi, mais le destin est ainsi<br />

fait que nous ne pouvions rien te refuser. Sache que c’est le sage Merlin qui nous a instruites et qui a<br />

prédit ta venue parmi nous. » Et <strong>Perceval</strong>, remontant sur son cheval, repartit sur des chemins qu’il ne<br />

connaissait toujours pas.<br />

Vers le soir, il arriva dans une vallée au bout de laquelle il aperçut la cellule d’un ermite. Celui-ci<br />

l’accueillit avec une grande courtoisie et lui servit un modeste repas composé de pain et de baies<br />

sauvages, puis l’hébergea pour la nuit dans son ermitage. <strong>Le</strong> lendemain matin, <strong>Perceval</strong> se leva de bonne<br />

heure et sortit. Il avait neigé durant la nuit, et il vit le sol de la vallée entièrement recouvert d’une nappe<br />

blanche. Il entendit alors une troupe d’oies sauvages qui, après avoir tournoyé, s’abattirent soudain près<br />

d’un tronc d’arbre renversé en poussant de grands cris. C’est alors que surgit un faucon, lequel s’était<br />

échappé des mains des serviteurs du roi Arthur. En apercevant les oies, le rapace se précipita et enfonça<br />

ses serres dans l’une d’elles qui ne se dégagea qu’à grand-peine de son emprise et se réfugia dans les<br />

hautes branches d’un arbre, sans pour autant pouvoir reprendre son essor. De la blessure qu’elle avait<br />

reçue, trois gouttes de sang vermeil tombèrent sur la neige, tandis que la troupe de ses compagnes se<br />

dispersait dans les nues avec des piaillements terrifiés. <strong>Perceval</strong>, lui, s’approchait du tronc quand survint<br />

un corbeau qui, se posant sur la neige, entreprit de boire les trois gouttes de sang. <strong>Perceval</strong> s’arrêta,<br />

immobile devant ce spectacle qui le fascinait. En voyant la noirceur du corbeau, la blancheur de la neige<br />

et la rougeur du sang, il songea aux sourcils de la femme qu’il aimait le plus(23), à ses sourcils, aussi<br />

noirs que l’aile du corbeau ou le jais, à sa peau, aussi blanche que la neige, aux pommettes de ses joues,<br />

aussi rouges que sur la neige le sang vermeil(24).<br />

Au même moment, Arthur et ses compagnons, qui s’étaient lancés à la recherche de <strong>Perceval</strong>,<br />

parvenaient juste au sommet de la colline qui surplombait la vallée. Ils s’arrêtèrent un instant pour<br />

observer le paysage. « Savez-vous, demanda Arthur, qui est ce chevalier à la longue lance que je vois<br />

immobile, là-bas, dans le vallon ? – Nous n’en savons rien, répondirent-ils, mais l’un de nous peut aller<br />

aux nouvelles. – Bien parlé, dit Sagremor le Desréé, j’y vais. Je saurai bien qui il est. »<br />

Il piqua donc des deux et se rendit auprès de <strong>Perceval</strong>. Il lui demanda qui il était et ce qu’il faisait<br />

ainsi à contempler le sol recouvert de neige. Mais <strong>Perceval</strong> était si absorbé par la pensée de la femme<br />

qu’il aimait le plus qu’il omit de répondre. Irrité de cette attitude qu’il crut méprisante, Sagremor le<br />

heurta de sa lance. Alors <strong>Perceval</strong> se retourna vivement et l’envoya à terre par-dessus la croupe de son<br />

cheval. Sagremor revint piteusement vers Arthur et lui expliqua ce qui s’était passé. « Par ma foi ! s’écria<br />

le roi, je n’avais jamais rien vu de pareil ! », et il envoya un de ses écuyers demander au chevalier qui il<br />

était et ce qu’il faisait ainsi. Mais le malheureux n’eut pas plus de chance que Sagremor et dut revenir<br />

vers Arthur avec une blessure au bras. « Je vais y aller, dit Kaï, et nous verrons bien qui sera le plus fort.<br />

Je me charge de le corriger et de l’obliger à nous présenter des excuses ! »<br />

Kaï se rendit donc en personne auprès de <strong>Perceval</strong> et l’assaillit de paroles acerbes et désagréables. Or<br />

<strong>Perceval</strong>, se retournant, lui darda sa lance sous le menton et le culbuta à une portée de trait de lui, si bien<br />

que Kaï se brisa le bras et l’omoplate. Puis il fit passer son cheval vingt fois par-dessus son corps avant<br />

de reprendre sa méditation devant les gouttes de sang sur la neige. De douleur, Kaï s’était évanoui<br />

pendant que son destrier s’enfuyait au galop, de manière aussi fougueuse que désordonnée. En le voyant<br />

revenir sans son cavalier, les gens d’Arthur se doutèrent bien que le sort n’avait pas été plus favorable à<br />

celui-ci qu’à ses prédécesseurs. Ils se rendirent donc en hâte sur le lieu de la rencontre et crurent d’abord<br />

que le sénéchal avait été tué. Après l’avoir relevé avec précaution, ils reconnurent que les soins d’un bon<br />

médecin suffiraient à le guérir. On le déposa à l’écart, dans un pavillon dressé pour Arthur, et celui-ci<br />

envoya quérir des médecins habiles afin de soulager le blessé. <strong>Le</strong> roi fut très peiné de cet accident, car,<br />

en dépit de son caractère et de ses sarcasmes, il aimait beaucoup son frère de lait. Quant à <strong>Perceval</strong>,

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