Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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À force de chevaucher, il parvint à un carrefour qu’ornait un chêne majestueux dont les branches<br />
retombaient jusqu’à terre et formaient comme un cabinet tapissé d’herbe verdoyante. Il décida de<br />
s’arrêter là pour se reposer. Après avoir ôté le frein de son cheval, il laissa l’animal paître et se délasser<br />
tandis que lui-même s’étendait sur l’herbe, à l’abri du chêne. Il y dormit paisiblement jusqu’au lever du<br />
jour. Alors, il remonta en selle et chevaucha toute la matinée dans la vallée où le soleil luisant et clair<br />
irisait de mille feux les perles de rosée.<br />
Soudain, il entendit l’appel d’un cor qui sonna trois fois, très haut et à longue haleine. Tout heureux à<br />
l’idée de rencontrer le sonneur, il se mit à écouter attentivement et entendit un autre cor sonner à son tour<br />
trois fois comme pour lancer un appel. Sans comprendre ce que cela signifiait, il s’avança vers le lieu<br />
d’où provenait la sonnerie et vit déboucher des chiens lancés à la poursuite d’un grand sanglier. Derrière<br />
venaient, de toute la vitesse de leurs chevaux bien harnachés, quatre veneurs. <strong>Perceval</strong> alla à leur<br />
rencontre et les salua à haute voix. L’un d’eux s’arrêta près de lui et lui demanda où il allait. « Je cherche<br />
le Château des Merveilles, répondit-il. – Par Dieu tout-puissant ! s’écria l’homme, nous en venons. Si tu<br />
franchis cette colline que tu peux voir de tes propres yeux, tu trouveras, par-delà un arbre, un chemin qui<br />
te conduira où tu veux aller. » <strong>Le</strong> valet reprit sa poursuite et laissa <strong>Perceval</strong> fort content de ne plus errer.<br />
Or, une fois sur la colline, il ne trouva pas l’arbre qu’avait mentionné le veneur. Et sur l’autre versant<br />
ne se déployaient jusqu’à l’horizon que des bois dépourvus de la moindre route. Au surplus, si loin que<br />
portât la vue, ne se décelait nulle trace d’une quelconque forteresse. <strong>Perceval</strong> s’était immobilisé, prêt à<br />
sombrer dans le désespoir, quand survint une jeune fille. Richement vêtue de soie bleue brochée de fleurs<br />
d’argent, elle montait toute dégrafée, avec seulement un ruban noué à sa ceinture, un grand palefroi gris.<br />
<strong>Perceval</strong> admira sa beauté et la pureté de son visage, se disant en lui-même qu’elle devait être sans doute<br />
une fée. Quand elle fut à sa hauteur, il la salua au nom de Dieu, et elle répondit : « Seigneur, que Dieu te<br />
donne joie et bonheur. Dis-moi, s’il te plaît : où donc as-tu passé la nuit ? As-tu couché dans cette forêt ?<br />
— Je ne saurais te mentir, dit le <strong>Gallois</strong> ; j’ai en effet passé la nuit dans cette forêt, mais je n’y ai<br />
guère eu de confort, et j’y ai vu des choses surprenantes. » Il lui conta alors sans rien omettre son<br />
aventure, lui décrivit l’arbre, la grande lumière, la chapelle où gisait sur l’autel le corps du chevalier, lui<br />
narra les circonstances de son départ et son retour auprès du cheval. Il n’oublia pas davantage de lui<br />
parler de la main noire qui avait éteint le cierge et plongé la chapelle dans les ténèbres. À quoi la jeune<br />
fille répliqua : « Certes, voilà une étrange aventure ! Mais elle est le signe qu’un jour tu sauras la vérité<br />
sur la Lance qui saigne et la coupe d’émeraude qu’on nomme le <strong>Graal</strong>. » <strong>Perceval</strong> allait l’interroger et lui<br />
demander quelle direction il devait prendre, quand la jeune fille, sans lui en laisser le temps, éperonna<br />
vigoureusement son cheval gris et disparut au triple galop, laissant <strong>Perceval</strong> à sa solitude et à son<br />
désarroi(37).