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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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donnée à lui, comme vous toutes ! Voilà une chose bien étrange et bien pénible, je vous assure. Mais le<br />

coupable est Énéour. Il le paiera sans plus attendre ! – Mais comment nous venger de pareille offense ? –<br />

Nous allons nous promettre que la première qu’il ira trouver lui fixera rendez-vous dans ce verger. Elle<br />

nous avertira ensuite du moment choisi, et nous viendrons toutes, sans exception. Que chacune apporte un<br />

couteau bien effilé : nous ferons payer très cher cette duperie à celui qui prétendait aimer chacune et qui<br />

la trompait sans vergogne avec toutes les autres ! » Après s’être engagées par serment solennel, les dames<br />

sortirent du verger, le cœur plein de tristesse et de chagrin.<br />

« Cependant, Énéour, ne se doutant de rien, s’en alla trouver, au moment propice, celle des douze à qui<br />

il avait donné rendez-vous. Plein de joie et de désir, il la serra contre lui et l’embrassa à plusieurs<br />

reprises, mais il ne put rien obtenir de plus. « Douce amie, dit-il, comment se fait-il que tu te montres si<br />

distante ? – Seigneur, je ne suis pas distante mais inquiète. J’ai peur qu’on ne m’ait épiée. Mieux vaut que<br />

nous nous rencontrions une autre fois. Promets-moi de venir dimanche prochain me retrouver dans le<br />

verger de dame Gwladys. C’est un endroit bien clos où personne ne pourra nous voir. – Comme il te<br />

plaira, répondit Énéour, je t’obéirai volontiers. » Et il prit congé aussitôt.<br />

« La dame s’empressa d’avertir les autres et, le dimanche prévu, elles allèrent se poster dans le<br />

verger, toutes munies de couteaux bien tranchants cachés sous leurs manteaux et fermement résolues à<br />

s’en servir. Celle qui avait organisé l’embuscade s’installa ostensiblement au milieu du verger, de façon<br />

qu’Énéour la vit dès son arrivée. Elle avait ouvert la petite porte qui permettait d’entrer dans le verger et<br />

laissé la clef dans la serrure.<br />

« Énéour survint à l’heure dite, sans se cacher, le cœur tout joyeux. Il referma la petite porte à clef et<br />

s’approcha de son amie. Ils allèrent s’étendre sous un arbre et la dame serra le chevalier dans ses bras,<br />

tandis qu’il lui prodiguait les marques les plus brûlantes de son amour. Mais elle ne voulut rien lui<br />

accorder, car son désir s’était évanoui. C’est alors qu’enflammées de rage et de colère, les onze autres<br />

femmes sortirent de leur cachette et se précipitèrent vers eux. Énéour se leva brusquement, tout<br />

décontenancé. « Que se passe-t-il ? s’écria-t-il. Est-ce une embuscade ? » Et, se retournant vers celle qui<br />

lui avait fixé ce rendez-vous : « Traîtresse, dit-il, tu m’as fait tomber dans un piège. – Tu es bien mal<br />

placé pour parler de traîtrise ! » répliqua-t-elle.<br />

« <strong>Le</strong>s onze femmes s’approchèrent et formèrent un cercle autour de lui. Il tenta de faire contre<br />

mauvaise fortune bon cœur. « Dames, dit-il, soyez les bienvenues. – Mais c’est pour ton malheur,<br />

répondirent-elles en chœur. Il est juste que ton imposture et ta présomption soient châtiées. Avant de<br />

sortir de ce lieu, tu recevras la récompense que mérite un homme fourbe, traître et déloyal ! » Gwladys<br />

prit alors la parole : « Un instant ! dit-elle. Avant qu’il ne paie sa forfaiture, il serait bon de préciser<br />

certaines choses. Je vais dire mon avis, puis je vous prierai toutes de dire le vôtre. » Elle s’adressa<br />

ensuite à Énéour : « Chevalier, ce n’est plus le moment de mentir. J’ai été pendant longtemps ton amie et<br />

je t’avais donné sincèrement tout mon amour. Est-ce vrai ? – Douce dame, répondit-il, je suis ton ami, ton<br />

vassal et ton chevalier pour te servir d’un cœur entier, sincère et parfait. »<br />

« Une autre se leva, rouge de colère et pleine de mépris. « Énéour, tu n’es qu’un misérable ! Oser<br />

prononcer devant moi de telles paroles ! N’es-tu pas mon amant ? – Si fait, douce amie. Que Dieu me<br />

protège ! Mon cœur et mon amour ne te font pas défaut, et je sais bien que je t’aimerai toute ma vie. » Une<br />

autre encore se leva, ravagée par la jalousie. Elle le regarda d’un air farouche. « Infâme trompeur !<br />

s’écria-t-elle. Ce n’est pas à moi que ces mots sont adressés ? En aimes-tu donc une autre que moi ? Tu<br />

m’as pourtant juré que tu étais tout à moi ! – Et je le maintiens, douce amie, répondit Énéour ; sois bien<br />

assurée que je suis tout à toi. Je t’aime avec sincérité, et je t’aimerai avec constance. – Quoi ? dit une<br />

autre, quelles fables racontes-tu là ? Est-ce que tu ne m’aimes pas comme tu l’as juré ? – Assurément,<br />

répondit Énéour, je t’aime de tout mon être et, de la même façon, je vous aime toutes avec autant de force<br />

que de sincérité. Je vous le répète, je vous aime toutes, ainsi que votre plaisir et votre jouissance ! Que

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