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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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autres, qui avaient veillé la nuit précédente et espéraient dormir celle-ci, s’empressèrent autour de<br />

Blodeuwen et de <strong>Perceval</strong>. Ils préparèrent pour le jeune <strong>Gallois</strong> un lit confortable avec des draps bien<br />

blancs, une riche couverture et un oreiller moelleux. Seule lui manquerait la compagnie d’une agréable<br />

fille, mais ce passe-temps-là, <strong>Perceval</strong> en ignorait tout. On le conduisit donc à sa chambre où, à peine<br />

couché, il s’endormit sans plus de façons.<br />

Cependant, son hôtesse, qui s’était allongée dans sa propre chambre, ne parvenait pas, elle, à trouver<br />

le sommeil. Non seulement elle s’inquiétait de son propre sort et de celui de toute sa maisonnée, mais<br />

elle se sentait infiniment troublée par le jeune <strong>Gallois</strong> à qui elle avait accordé de bon cœur l’hospitalité.<br />

Elle tournait et retournait dans sa tête bien des pensées contradictoires ; elle sursautait et s’agitait si bien<br />

qu’elle finit par choir de sa couche et prit alors sa décision. Après avoir vérifié que ses servantes et ses<br />

valets dormaient, elle sortit silencieusement de sa chambre et gagna furtivement celle de <strong>Perceval</strong>.<br />

L’air frais de la nuit la faisait frissonner, bien qu’elle eût couvert d’un manteau de soie écarlate sa<br />

chemise d’une blancheur immaculée. Au demeurant, son audace aussi la rendait tremblante : comment<br />

réagirait son hôte en la voyant ainsi à sa merci et presque sans pudeur à côté de sa couche ? Et toutefois,<br />

l’enjeu de sa démarche n’était pas mince, puisqu’elle entendait confier au jeune chevalier ses alarmes et<br />

ses angoisses. Au fait, qu’attendait-elle de lui ? Qu’il prit sa défense et la protégeât contre ses ennemis<br />

acharnés à sa perte ? Ou bien autre chose… ? Son cœur de femme en était tout bouleversé, et, après<br />

qu’elle se fut introduite dans la chambre et agenouillée sur le tapis, près du lit, elle ne put retenir ses<br />

larmes.<br />

Elle pleurait avec tant d’abondance et avec des sanglots si bruyants que <strong>Perceval</strong> ne tarda pas à se<br />

réveiller. Tout surpris de sentir son visage mouillé, il se redressa et aperçut la jeune fille qui, toute<br />

proche, s’inclinait sur sa propre poitrine. Sa première réaction fut de tendre les bras et de la serrer<br />

encore plus étroitement contre lui. « Douce amie, dit-il, qu’as-tu donc à pleurer ainsi ? » <strong>Le</strong>s sanglots de<br />

Blodeuwen redoublèrent. Il lui était impossible de parler tant elle tremblait et rougissait de son attitude.<br />

<strong>Perceval</strong> se sentait étrangement ému, et les frissons de la jeune fille se communiquaient à son propre<br />

corps. « Belle amie, reprit-il, ne reste pas ainsi au froid de la nuit, tu vas prendre mal. Je t’en prie, viens<br />

t’allonger près de moi, que je te réchauffe. » Tout étourdie, la jeune fille se défit de son manteau et, sans<br />

autres manières, se glissa entre les draps tout contre <strong>Perceval</strong>.<br />

« Ah ! gentil chevalier, aie pitié de moi ! dit-elle. Au nom de Dieu et de son fils qui fut mis sur la<br />

Croix, je t’en prie, ne me tiens pas rigueur de mon attitude. Et si je suis vêtue comme tu le vois, je n’ai<br />

pas envisagé un seul instant de commettre la moindre folie. Sache-le, il n’est pas au monde de créature<br />

plus triste et plus désemparée que moi qui te parle ! »<br />

<strong>Perceval</strong> était au comble de la perplexité. Que voulait son hôtesse ? Mais les paroles de sa mère et de<br />

Gornemant lui revinrent à l’esprit : « Par Dieu tout-puissant, se dit-il, j’ai promis d’aider de toutes les<br />

façons les dames et les jeunes filles qui seraient en détresse. Or celle-ci me paraît avoir cruellement<br />

besoin de moi. Et, sans penser à mal, il l’étreignit encore plus étroitement.<br />

Ce contact eut pour effet d’apaiser quelque peu l’angoisse de Blodeuwen. Elle cessa de pleurer et,<br />

après avoir hésité un instant, reprit : « Je ne sais si je dois te conter mes malheurs, car j’ai peur de<br />

troubler ton repos. – Parle, je t’en prie, douce amie, répondit <strong>Perceval</strong> qui se sentait envahi d’une étrange<br />

langueur. – Voici, seigneur : sache que je vis en ce moment ma dernière nuit. Je ne verrai pas d’autre jour<br />

que celui qui vient, car je compte me tuer de ma propre main. Des trois cent dix chevaliers qui tenaient<br />

garnison dans cette forteresse, il ne m’en reste que cinquante. <strong>Le</strong>s autres, c’est Kengrun, le sénéchal du<br />

perfide Clamadeu des Îles, qui les a tués ou les a emmenés pour les jeter dans d’obscurs cachots. Je<br />

déplore tout autant le sort des prisonniers que celui des morts, car, de toute manière, ils mourront un jour<br />

ou l’autre, je le sais. Et comme c’est pour moi que ces braves gens ont péri ou subissent tant d’avanies,<br />

comment n’en serais-je pas désespérée ? Voilà un long hiver et un long été que, sans jamais s’éloigner,

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