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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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7<br />

<strong>Le</strong> Clos du Nuage<br />

Arthur se trouvait à Kaerlion sur Wysg, l’une de ses résidences préférées. À côté de lui, étaient assis<br />

sur un grand manteau de laine broché d’or, au milieu de la salle, quatre hommes : Yvain, fils du roi Uryen<br />

de Gorre, Kaï, le sénéchal, frère de lait du roi, Érec, fils du roi Erbin, et <strong>Perceval</strong>, fils d’Evrawc. Tous<br />

les autres compagnons de la Table Ronde étaient partis en de lointaines expéditions. On n’avait aucune<br />

nouvelle de Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie, ni de son frère Agravain l’Orgueilleux. On ne savait où<br />

se trouvaient ni Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Benoïc, ni ses cousins Lionel et Bohort, fils du roi de<br />

Gaunes, pas plus que Bedwyr ou Sagremor que le roi aimait beaucoup. Arthur donc se trouvait en<br />

compagnie des quatre précédents, et il devisait avec eux.<br />

Tout à coup entra une jeune fille aux cheveux noirs frisés qui, montée sur un mulet jaune, faisait<br />

avancer celui-ci en le fouettant avec des lanières grossières. Sa physionomie était rude et désagréable,<br />

son visage et ses deux mains plus noirs que le fer le plus noir trempé dans la poix. Et son teint n’était pas<br />

encore ce qu’elle avait de plus laid. Hideux étaient ses traits, ainsi que la forme de son corps. Elle avait<br />

en effet les joues tombantes, le bas du visage allongé, un nez petit avec des narines distendues, un œil<br />

gris-vert, étincelant, et l’autre noir comme le jais, enfoncé profondément dans la tête, les dents longues,<br />

abîmées, plus jaunes que fleur du genêt. Son ventre se relevait jusqu’au menton. Son échine avait la forme<br />

d’une crosse. Ses cuisses étaient larges mais décharnées et, au-dessous, tout était grêle, à l’exception des<br />

pieds et des genoux qu’elle avait noueux et massifs.<br />

Elle salua Arthur et ceux qui se trouvaient là, sauf <strong>Perceval</strong>. Celui-ci, elle l’interpella en termes irrités<br />

et désagréables. « <strong>Perceval</strong> ! lui dit-elle, je ne te salue pas, car tu ne le mérites pas ! La destinée était<br />

aveugle quand elle t’accorda talents et gloire ! Tu es allé à la cour du roi boiteux, tu y as vu un jeune<br />

homme portant une lance au bout de laquelle perlaient trois gouttes de sang qui se changeaient en un<br />

torrent ruisselant sur le poing du valet. Tu as vu encore beaucoup d’autres prodiges, et tu n’en as demandé<br />

ni la signification ni la cause ! Si tu l’avais fait, le roi blessé aurait obtenu la guérison pour lui, la paix<br />

pour ses domaines, tandis que désormais on n’y verra que combats et guerres, chevaliers tués par<br />

traîtrise, femmes laissées veuves sans aucun secours, dames sans moyens de subsistance. Et tout cela par<br />

ta faute ! »<br />

<strong>Perceval</strong> baissa la tête, car il savait bien que la hideuse jeune fille disait vrai. Quoiqu’il n’eût soufflé<br />

mot, la jeune fille s’emporta : « <strong>Perceval</strong> le Maudit ! tel sera ton nom désormais, puisque tu t’es montré<br />

incapable de découvrir ce qui était à ta portée ! Et nous en souffrirons tous longtemps encore, le temps<br />

que survienne le Bon Chevalier. C’est lui qui achèvera les aventures, <strong>Perceval</strong>, alors qu’il t’appartenait<br />

de le faire dans la gloire et le bonheur ! Sans doute est-ce le péché que tu portes en toi, depuis la mort de<br />

ta mère, qui t’a empêché de mener à bien la mission que le Ciel t’avait confiée. Voilà, <strong>Perceval</strong>, j’ai<br />

transmis mon message, et maintenant, je m’en retourne auprès de ceux qui souffrent par ta faute. » Sur ce,<br />

faisant faire demi-tour au mulet, elle se disposait à partir quand Arthur la héla : « Jeune fille ! dis-nous au<br />

moins ton nom ? » Elle s’arrêta un instant : « Roi Arthur, dit-elle, sache que l’on m’appelle Kundry la<br />

Sorcière. Je n’ai rien d’autre à dire, sinon que je rencontrerai certains d’entre vous sur les chemins qui<br />

mènent vers la demeure du Roi Pêcheur. » Là-dessus, elle flagella son mulet et sortit aussi vite qu’elle<br />

était entrée.<br />

« Quel est ton avis ? demanda Arthur à <strong>Perceval</strong>. – Roi, je ne puis dire qu’une chose, je vais partir à la<br />

recherche de la Lance qui saigne et des autres merveilles que j’ai déjà vues. Ce que m’a reproché cette

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