12.07.2013 Views

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

emit à rire. « Et tu passeras des mois et des années à errer sans jamais le découvrir si quelqu’un ne t’en<br />

indique le chemin ! » <strong>Perceval</strong> se reprit soudain à espérer. « Peux-tu m’indiquer ce chemin ? s’écria-t-il.<br />

– Non, répondit l’homme. Je n’en ai pas la moindre envie. – Tu refuses donc de m’aider ? – Je n’ai pas<br />

dit cela. Mais réponds d’abord aux questions que je vais te poser. Sais-tu pourquoi ton épée s’est<br />

brisée ? – Oui, par ma foi ! je ne le sais que trop, hélas ! Mon épée possède une vertu : au premier coup<br />

que l’on en frappe, elle assure la victoire ; mais si on en frappe une deuxième fois le même adversaire, sa<br />

lame se rompt. Et c’est ce qui est arrivé. J’ai combattu le maudit <strong>Le</strong> Hellin, qui a tué mon père et s’est<br />

emparé de ses domaines, je l’ai atteint de telle sorte qu’il est tombé et qu’il se trouvait à ma merci. Or,<br />

mon cœur était si rempli de haine et de colère que je me suis acharné sur lui et l’ai frappé une seconde<br />

fois. – C’est bien répondu, dit l’homme à la hache. Je vois que tu as enfin compris que la haine mène au<br />

désastre. Jusqu’à présent, <strong>Perceval</strong>, tu n’as agi que par haine et par orgueil : l’orgueil qui te poussait à<br />

être le meilleur de tous, la haine qui t’aveuglait et t’empêchait de découvrir ce que tu cherchais avec tant<br />

d’obstination. » Ces paroles plongèrent <strong>Perceval</strong> dans une longue méditation. « Qui es-tu donc ? finit-il<br />

par demander.<br />

— Je suis celui qui t’a déjà parlé dans la forêt quand tu étais découragé, ne sachant où porter la tête de<br />

cerf et le brachet. Je suis celui qui, sous la forme d’un enfant, t’a montré le chemin qui menait vers la<br />

Colonne de Cuivre, qui, à califourchon sur une branche, se moquait de toi. – Merlin… murmura <strong>Perceval</strong>.<br />

– Oui, Merlin, ce vieux fou de Merlin qui paraît à tes yeux sous l’aspect d’un bûcheron parce que cet<br />

aspect t’intrigue et te fait réfléchir. On m’a souvent appelé le Fou du Bois, non sans raison d’ailleurs.<br />

Donc me voici, et je te pose une deuxième question : pourquoi veux-tu connaître la signification du <strong>Graal</strong><br />

et de la Lance qui saigne ? – Parce que j’ai commis une faute quand je suis allé à la cour du Roi Pêcheur :<br />

je n’ai pas alors demandé quel était le sens des prodiges, et mon silence m’a empêché d’accomplir mon<br />

destin. Je veux retourner à la cour du Roi Pêcheur et terminer les aventures. – Encore une bonne réponse,<br />

dit Merlin, mais en aucun cas tu ne seras le Bon Chevalier qu’on attendait. Oui, tu termineras les<br />

aventures, mais tu ne seras plus le seul : tu auras deux compagnons, et c’est à vous trois que vous<br />

accomplirez le destin. Mais je voudrais encore une troisième réponse, <strong>Perceval</strong> : pourquoi veux-tu<br />

absolument retourner à la cour du Roi Pêcheur ? – Parce que c’est là que se trouve le <strong>Graal</strong>. » Merlin se<br />

remit à rire.<br />

« Enfant ! s’écria-t-il, tu n’es qu’un enfant, <strong>Perceval</strong> à la Longue Lance ! <strong>Le</strong> <strong>Graal</strong> n’est pas plus à la<br />

cour du Roi Pêcheur qu’ailleurs, sois-en persuadé. Il est partout et nulle part. <strong>Le</strong> <strong>Graal</strong> n’est qu’un objet,<br />

<strong>Perceval</strong>, une simple coupe d’émeraude pour tes yeux ébahis. Mais je suis sûr qu’il apparaît à d’autres<br />

sous une forme bien différente. L’important n’est pas son apparence mais ce que cache cette apparence.<br />

Je suis devant toi sous l’aspect d’un bûcheron, mais je pourrais revêtir bien d’autres semblances ! »<br />

<strong>Perceval</strong> se tenait immobile, comme fasciné par les paroles de Merlin. Et, peu à peu, le jour baissait, une<br />

légère brume montait de la terre, noyant les derniers rayons du soleil.<br />

« Merlin ! toi qui connais les secrets de ce monde, que dois-je faire ? – Ressoude ton épée et va-t’en<br />

jusqu’au <strong>Graal</strong>. – Mais comment trouver le chemin du lac Cotoatre ? – Il ne m’appartient pas de te le<br />

révéler. Cependant, dis-moi, <strong>Perceval</strong>, il me semble que tu oublies facilement tes promesses ! Tu as<br />

oublié de revenir vers la belle Blodeuwen. Tu as renoncé à rapporter le brachet et la tête de cerf au<br />

Château de l’Échiquier. Tu as oublié de venger ton père. Et, maintenant, voici que tu oublies que tu as<br />

promis à la Reine, là-bas, sous sa tente, de l’aimer plus que toute autre femme au monde. – Mais je ne<br />

peux aimer toutes les femmes plus que toutes les autres ! » Merlin éclata encore de rire. « Et c’est<br />

maintenant que tu t’en aperçois ! Tu as pourtant entendu conter l’histoire d’Énéour et des douze dames, je<br />

crois ? Néanmoins, tu t’es laissé prendre aux charmes de la Reine. Eh bien, <strong>Perceval</strong>, va la retrouver et<br />

tiens ta promesse. C’est la Reine qui te conduira elle-même au lac Cotoatre, près de la demeure du<br />

forgeron Govannon. J’aime mieux que tu couches cette nuit avec elle que de te voir ferrailler dans la forêt<br />

et tuer tous ceux que tu risquerais d’y rencontrer. Sache, <strong>Perceval</strong>, que l’amour est plus fort que la haine.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!