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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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leur tour en leur appliquant le même traitement qu’au premier. Puis, tout comme celui-ci, les deux<br />

hommes ressuscités saluèrent <strong>Perceval</strong> et s’en furent comme si de rien n’était.<br />

Cette fois, <strong>Perceval</strong> se décida. « Femmes, dit-il, j’ai déjà vu des choses surprenantes, mais celle-ci<br />

dépasse tout entendement. Ces hommes étaient morts, et vous les avez ranimés ! Je ne puis croire en un tel<br />

prodige ! – Ce n’est pas difficile, répondit l’une des femmes. Chaque jour, le dragon tue ces jeunes gens,<br />

et chaque jour nous les ressuscitons. Mais sache que, demain, ces jeunes gens seront de nouveau victimes<br />

du dragon. » <strong>Perceval</strong> n’insista pas car, il le vit bien, aucune des femmes ne lui donnerait d’explications<br />

satisfaisantes. Il se contenta de hocher la tête et, quand elles l’invitèrent à partager leur repas, il accepta<br />

bien volontiers sans plus poser aucune question. Quand vint l’heure du sommeil, on le mena dans une<br />

chambre où avait été dressé un lit confortable, et il s’y endormit bientôt, harassé de fatigue et ne songeant<br />

qu’à récupérer toutes ses forces pour le lendemain.<br />

Il se réveilla de bon matin et il s’apprêtait à partir quand il vit les trois jeunes gens qui s’équipaient et<br />

se préparaient à enfourcher leurs chevaux. Il les aborda et leur dit : « Seigneurs, pour l’amour de celles<br />

que vous aimez le plus au monde, je vous prie d’écouter ma prière : puis-je vous accompagner ? – Non<br />

pas, répondirent-ils, car s’il arrivait que tu fusses tué, nul ne pourrait te ramener à la vie. » Et, sans plus<br />

de paroles, ils sautèrent en selle et sortirent de la forteresse.<br />

<strong>Perceval</strong> comprit qu’il ne fallait pas insister mais, dès qu’ils se furent lancés au galop sur le chemin, il<br />

les suivit en prenant grand soin de ne pas se faire remarquer. « Je dois savoir ce qu’il en est au juste de<br />

ces gens qui meurent et qui ressuscitent », se disait-il en galopant. L’esprit tendu, prêt à tout voir et à tout<br />

entendre, il avait beau se promettre de ne pas lâcher d’un pouce ces jeunes gens extraordinaires, il<br />

déboucha, au milieu d’un bois, dans une clairière d’où rayonnaient plusieurs sentiers. <strong>Le</strong>quel prendre ? Il<br />

avait perdu de vue ceux qu’il suivait et n’entendait même plus leurs montures. À tout hasard, il emprunta<br />

l’un des chemins qui le mena sur une grande lande ouverte à perte de vue.<br />

Fort perplexe, il aperçut alors, assise au sommet d’un tertre, la plus belle femme qu’il eût jamais<br />

rencontrée : mince, avec un visage encadré d’une longue chevelure noire et des yeux ardents, elle était<br />

parée d’une robe de soie blanche que découvraient les pans écartés de son superbe manteau rouge.<br />

Fasciné, <strong>Perceval</strong> s’immobilisa, et elle lui sourit. « Je connais l’objet de ta course, dit-elle. Je sais que tu<br />

vas affronter le dragon. Or le dragon non par vaillance, mais par ruse te tuera. Sur le seuil de son antre<br />

est un pilier de pierre derrière lequel il se cache et qui lui permet de voir sans être vu tous ceux qui<br />

surviennent. Depuis cet abri, il les met à mort infailliblement grâce à un dard empoisonné. Aborde-le<br />

comme tu fais, et tu subiras le même sort. – Je n’ai jamais reculé devant le danger, riposta <strong>Perceval</strong>,<br />

dussé-je y perdre la vie ! – Voilà des paroles dignes d’un jeune homme de grande noblesse, estima la<br />

femme. Aussi vais-je t’aider. Écoute attentivement. Si tu me donnais ta parole de m’aimer plus qu’aucune<br />

autre au monde, je te ferais présent d’une pierre magique qui te permettrait de voir le dragon dans son<br />

antre sans être vu de lui. – Par ma foi, répondit <strong>Perceval</strong>, je te donne ma parole ! Tu es la plus belle de<br />

toutes les femmes, j’en suis sûr, et je t’aimerai plus qu’aucune autre. – Bien, dit-elle, alors, je vais te<br />

remettre la pierre. Mais n’oublie pas, une fois accomplie ta prouesse, de revenir vers moi. – Et où te<br />

trouverai-je ? – Tu demanderas la demeure de l’Impératrice, et l’on t’en indiquera le chemin. » Se levant<br />

sur ce, elle déposa une pierre dans la paume de <strong>Perceval</strong> puis disparut sans qu’il pût distinguer dans<br />

quelle direction. Il vit seulement un oiseau noir tournoyer autour du tertre et, prenant son essor vers le<br />

ciel, s’évanouir dans les nuages.<br />

Il traversa l’immense lande et aborda une vallée qu’arrosait une vive rivière. <strong>Le</strong>s contours en étaient<br />

boisés mais, de part et d’autre des berges, s’étendaient des prairies verdoyantes. Sur l’une des rives<br />

paissait un troupeau de moutons blancs, sur l’autre un troupeau de moutons noirs. Et chaque fois qu’un<br />

mouton blanc bêlait, un mouton noir traversait l’eau et devenait blanc. Et à chaque fois que bêlait un<br />

mouton noir, un mouton blanc traversait l’eau et devenait noir(26). En outre, au bord de la rivière se

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