12.07.2013 Views

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

10<br />

<strong>Le</strong> Château des Filles-Fleurs<br />

<strong>Perceval</strong> chevauchait tristement, empruntant des chemins qui ne menaient nulle part, revenant sans<br />

cesse sur ses pas, traversant des forêts et des vallées où ne se trouvaient ni ville, ni forteresse, ni maison<br />

de chevalier susceptible de l’héberger. Il lui fallut encore, cette nuit-là, demeurer dans la forêt, au pied<br />

d’un arbre, jusqu’à l’aurore. Quand il vit le soleil jeter ses premiers rayons, il remonta sur son cheval et<br />

reprit sa route, mais le jour s’écoula sans qu’il eût croisé maison, vilain, chevalier, valet ni autre créature<br />

humaine. Une fois de plus, il se résigna à dormir dans la forêt, mais la chose qui le dépitait le plus était<br />

de ne rien avoir à manger, et la faim le tourmentait fort.<br />

Au troisième jour, il fit une grande randonnée qui, au milieu de l’après-midi, le mena vers une rivière<br />

qui longeait la route à une portée d’arbalète. Elle était large et profonde, et il ne savait comment la<br />

traverser quand, de loin, il vit dans la brume surgir un sommet. Il se hâta de l’escalader et, de là, examina<br />

les alentours. Sous ses yeux s’étendaient la plus belle campagne et les plus belles prairies qu’il eût vues<br />

depuis longtemps, et il se reprit d’autant mieux à espérer qu’il discernait, là-bas, la silhouette d’un grand<br />

logis. Il se dirigea de ce côté-là.<br />

Soudain, au sortir d’un bosquet, il vit se dresser devant lui un riche château dont les murs étaient de<br />

divers marbres de couleur agréablement agencés. La tour en était haute et bien faite et, tout autour,<br />

s’apercevaient des habitations grandes et larges, richement ornées du faîte au dallage. Sans hésiter,<br />

<strong>Perceval</strong> pressa son cheval, passa le pont et déboucha dans une grande cour. Il avait à peine franchi la<br />

poterne que la porte d’entrée se referma derrière lui sans que personne l’eût touchée. <strong>Perceval</strong> eut un<br />

moment d’inquiétude : pourquoi n’y avait-il personne dans ce château ? Comment la porte s’était-elle<br />

refermée ? Il craignit alors de ne plus pouvoir sortir de cette forteresse qui paraissait inhabitée.<br />

Il s’en fut néanmoins tout droit à la grande salle. À l’entrée, il remarqua quatre colonnettes de cuivre<br />

très ouvragées sur lesquelles était disposée une table d’airain finement travaillé et d’une longueur<br />

inhabituelle. Dessus reposait un marteau d’acier précieux dont les bords étaient dorés. À mieux examiner<br />

la table et les colonnettes, le marteau et tous les ornements de la salle, ce château devait appartenir à un<br />

homme des plus opulents. Après avoir tout attentivement regardé, <strong>Perceval</strong> sortit, attacha son cheval au<br />

montoir, puis il retourna dans la salle. Mais il n’y trouva toujours personne, ni chevalier, ni dame, ni<br />

valet, ni servante. Et il eut beau appeler à haute voix, nul ne répondit.<br />

« Par ma foi, se dit-il, éprouvant un malaise croissant, voici une maison qui est vaste et riche, et<br />

pourtant je n’y vois ni pain ni sel ! Je serais autrement mieux loti dans la cabane d’un laboureur ou d’un<br />

charretier ! Je risque de mourir de faim dans cette demeure ! » La colère le prit et, d’un geste violent, il<br />

saisit le marteau et en frappa trois coups sur la table, laquelle rendit un tel son que la salle en fut secouée<br />

de fond en comble. Alors apparut une jeune fille avenante et belle qui était entrée sans que <strong>Perceval</strong> s’en<br />

fût aperçu. Elle s’appuyait sur le rebord de la fenêtre et, tout échevelée, semblait au comble du courroux.<br />

« Vassal ! s’écria-t-elle, tu viens de te conduire comme un rustre ! Pourquoi avoir frappé si fort sur cette<br />

table ? Et pourquoi venir ici ? Dis-le-moi sans tarder. – Amie, je ne te le cacherai pas : je suis venu ici<br />

dans l’espoir qu’on m’hébergerait.<br />

— Dans ce cas, dit la jeune fille, je pense que tu seras satisfait. Il n’est pas de meilleur hôtel que<br />

celui-ci, sache-le, et je suis sûre que depuis Noël tu n’auras eu gîte si parfait. Cette salle est vaste,<br />

comme tu le vois, et tu peux y prendre tes aises tant que tu voudras. » Sur ce, elle se précipita vers la<br />

porte et disparut au-dehors. Cela ne faisait pas l’affaire de <strong>Perceval</strong>. « Jeune fille ! cria-t-il, au nom de

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!