Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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dit-il, quel voyage fais-tu ? – Celui que je veux ! répondit Érec d’un ton maussade. – Me diras-tu du<br />
moins qui tu es ? reprit Yvain, et m’accompagneras-tu auprès du roi Arthur ? Il se trouve tout près d’ici. »<br />
Érec, qui avait bien reconnu Yvain, sans qu’Yvain, lui, l’eût reconnu, s’exclama : « Laisse-moi<br />
tranquille ! Je n’irai pas voir Arthur. – Je saurai bien t’y obliger ! » s’emporta Yvain. Et, d’un coup de<br />
lance, il frappa le bouclier d’Érec si rudement que celui-ci vola en éclats. Puis, l’examinant avec<br />
davantage d’attention, il le reconnut. « Érec ! s’écria-t-il. Que t’est-il donc arrivé, cher compagnon ? – Je<br />
ne suis pas Érec et ne veux pas voir le roi Arthur ! » répéta Érec avec entêtement.<br />
Yvain se tourna alors vers Énide et la reconnut. « Belle amie, lui dit-il, que se passe-t-il donc ? – Il<br />
est blessé, malade et n’a pas tout son bon sens », répondit-elle. Yvain piqua des deux et s’en alla droit<br />
auprès d’Arthur. « Roi, dit-il, je viens de voir Érec, le fils d’Erbin, dans ce bois. Il est blessé, malade, et<br />
refuse de se présenter devant toi. – Qu’on mande des médecins, et qu’ils le soignent », dit le roi. Yvain<br />
alla donc quérir des médecins qu’il conduisit auprès d’Érec. Ceux-ci firent transporter le blessé, et on<br />
l’étendit dans le pavillon d’Yvain. Au bout de trois jours, Érec, qui allait beaucoup mieux et pouvait<br />
marcher, se rendit dans la tente d’Arthur et lui dit : « Seigneur roi, avec ta permission, je vais reprendre<br />
mon voyage. – N’en fais rien, répondit Arthur. Reste avec nous : nous allons à la recherche de <strong>Perceval</strong> et<br />
nous aurons besoin de toi. – Non, dit Érec, je n’irai pas à la recherche de <strong>Perceval</strong>. J’ai un voyage à faire<br />
et je veux aller jusqu’au bout. » Voyant bien que rien n’en ferait démordre Érec, Arthur lui fit porter des<br />
armes neuves, ainsi qu’une belle robe pour Énide. Et tous deux, ayant pris congé d’Arthur et de ses<br />
compagnons qui repartaient eux-mêmes en quête de <strong>Perceval</strong>, reprirent la route qu’Érec avait décidé de<br />
suivre.<br />
Érec ordonna à la jeune femme de prendre les devants et de maintenir l’intervalle ainsi qu’elle avait<br />
fait précédemment. Elle se mit donc en marche et suivit la grande route. Comme ils allaient ainsi, ils<br />
entendirent retentir non loin des cris d’une grande violence. « Arrête-toi, dit Érec à Énide, et attends-moi.<br />
Je vais voir de quoi il retourne. » Il s’enfonça dans le bois et atteignit une clairière dans laquelle<br />
piaffaient deux chevaux. À terre, gisait, mort, un chevalier revêtu de son armure, sur lequel une jeune<br />
femme se penchait en pleurant et en se lamentant. « Femme, demanda Érec, qu’est-il donc arrivé ? » La<br />
jeune femme se redressa et lui répondit au milieu de ses pleurs : « Seigneur, nous voyagions dans ces<br />
parages, l’homme que j’aimais le plus et moi, lorsque trois géants se sont précipités sur nous, férocement<br />
et, au mépris de toute justice, ont tué mon ami, hélas ! – Par où sont-ils partis ? demanda Érec. – Par la<br />
grande route », répondit-elle. Érec retourna vers Énide. « Va rejoindre la femme qui pleure, là-bas, lui<br />
dit-il, et attends-moi là, si toutefois je reviens. » Bien que pareil ordre la peinât fort, elle se rendit auprès<br />
de la jeune femme et tenta de la consoler. Et pourtant, elle était elle-même des plus chagrine, car elle était<br />
persuadée qu’Érec ne reviendrait jamais.<br />
Or lui, qui s’était mis à galoper sur la grande route, eut tôt fait de rattraper les trois géants. Chacun<br />
d’eux, plus grand que trois hommes, portait sur l’épaule une énorme massue. Sans plus attendre, Érec se<br />
précipita sur l’un d’eux et le transperça de sa lance, la retira du cadavre et en frappa le deuxième de<br />
même. Mais le troisième avait eu le temps de comprendre la situation. Il se retourna contre Érec et lui<br />
assena un tel coup de massue qu’il lui fendit son bouclier, lui rouvrit toutes ses blessures qui se reprirent<br />
à saigner d’abondance. Malgré cela, Érec tira son épée, fondit sur le géant et le frappa si violemment sur<br />
la tête qu’il la lui fendit jusqu’au cou. Après quoi, se remettant péniblement en selle, il rebroussa chemin<br />
jusqu’à l’endroit où l’attendait Énide. Seulement, au moment même où il arrivait près d’elle, il bascula<br />
de sa monture et tomba inanimé sur le sol.<br />
Énide se précipita pour le secourir en poussant des cris de douleur et de chagrin qui résonnèrent dans<br />
le bois, attirant l’attention du comte Limouris qui, avec ses gens, chassait par là. Tous accoururent et<br />
trouvèrent la jeune femme qui sanglotait sur le corps d’Érec. « Dame, dit le comte, que t’est-il donc<br />
arrivé ? » Énide répondit : « Hélas ! il a été tué, l’homme que j’aimais et que j’aimerai toujours ! – Et