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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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jeune fille est pure vérité, et je ne serai en paix avec moi-même que si je pars immédiatement. » Et, se<br />

levant, il demanda ses armes. « <strong>Perceval</strong> ! protesta le roi, c’est folie que de t’en aller ainsi sans même<br />

savoir vers où tu dois te diriger ! » Mais <strong>Perceval</strong> n’entendait plus les paroles d’Arthur. Une fois qu’il<br />

eut revêtu ses armes, il salua le roi, Yvain, Érec, Kaï et, sautant sur son cheval, il sortit de la forteresse.<br />

Un long moment, Arthur demeura silencieux. Puis il s’exclama : « Hommes ! nous n’aurions pas dû le<br />

laisser partir ainsi. Comme Gauvain, il veut savoir ce qu’il en est de la Lance qui saigne et de la coupe<br />

d’émeraude que le sage Merlin disait être le <strong>Graal</strong>. Mais il n’est pas celui qui mettra un terme aux<br />

aventures. Souvenez-vous de ce que nous a dit la Demoiselle Chauve lorsqu’elle est venue nous voir dans<br />

son char tiré par des cerfs. Elle nous a laissé un petit chien et un bouclier, toujours suspendu à cette<br />

colonne. Elle nous a nettement déclaré que le Bon Chevalier destiné à terminer les aventures serait cause<br />

de bien des prodiges lorsqu’il pénétrerait dans cette salle. Elle nous a prévenus que personne, hormis lui,<br />

ne pourrait retirer le bouclier de sa place actuelle et lui substituer un autre bouclier, vermeil, lui, et orné<br />

d’un cerf blanc. Et elle nous a également prévenus que lorsque le Bon Chevalier viendrait ici, le petit<br />

chien bondirait de joie. Or, vous le savez pertinemment, <strong>Perceval</strong> n’a pas décroché ce bouclier, et le petit<br />

chien n’a manifesté nulle joie en sa présence. Aussi n’est-ce pas <strong>Perceval</strong> qui conquerra le <strong>Graal</strong>, soyezen<br />

sûrs. Mais l’idée m’inquiète que ce jeune preux court mille dangers sur des routes inconnues.<br />

— Cependant, dit Yvain, il a déjà prouvé sa valeur et sa force. Il t’a envoyé bien des chevaliers qu’il<br />

avait vaincus au combat ! – Certes, répondit Arthur, j’ai confiance en sa valeur, mais je regrette que nous<br />

ne l’ayons pas retenu près de nous. Si vous m’en croyez, nous irons après lui pour lui venir en aide s’il en<br />

a besoin. – Roi, tu as raison, dit Kaï. Allons sur ses traces et voyons ce que nous pouvons faire pour lui. »<br />

Yvain opina de même et s’en alla se préparer. Seul Érec demeura silencieux et ne prononça pas une seule<br />

parole(33).<br />

Un grand brouhaha parcourut toute la forteresse de Kaerlion. Arthur, Yvain et Kaï battaient le rappel<br />

de tous les chevaliers qui s’y trouvaient présents, et tous répondaient avec enthousiasme : « Nous irons<br />

sur les traces de <strong>Perceval</strong> et l’aiderons de tout notre pouvoir. » <strong>Le</strong> fracas des armes se répandait partout,<br />

de même que le hennissement des chevaux. Enfin, les dames et les jeunes filles se précipitèrent sur les<br />

murailles afin de voir partir la troupe, et la reine Guenièvre s’en vint elle-même, en compagnie de ses<br />

suivantes, saluer le roi et ses compagnons.<br />

Seul un chevalier ne faisait pas partie de la troupe : Érec, fils d’Erbin. Après le départ de la jeune<br />

fille laide sur son mulet, il avait regagné son logis où l’attendait son épouse, Énide, fille du comte Énywl.<br />

Pourtant, Érec était un preux chevalier. Il avait combattu maintes fois aux côtés d’Arthur et de ses<br />

compagnons, accompli nombre d’exploits, et chacun lui rendait hommage pour ses prouesses et pour la<br />

justesse de son jugement. Mais depuis qu’il avait obtenu Énide pour femme, il commençait à aimer le<br />

repos et ses aises. Énide était à coup sûr l’une des plus belles femmes du royaume, et il l’aimait<br />

passionnément. Pour elle, il multipliait les fêtes et les divertissements ; il mandait musiciens et jongleurs<br />

et, peu à peu, il négligeait joutes et combats. Lorsque le roi Arthur parla de partir sur les traces de<br />

<strong>Perceval</strong>, il préféra demeurer coi, et tandis que tous, écuyers, valets et chevaliers, s’apprêtaient, luimême<br />

alla en son logis s’enfermer dans sa chambre en compagnie d’Énide.<br />

<strong>Le</strong>s jours suivants, il ne se montra guère au-dehors : il se trouvait bien où il était et il n’avait nulle<br />

intention d’en bouger. Mais son attitude provoqua d’abord force murmures parmi l’entourage, bientôt des<br />

moqueries, des reproches enfin. On disait de lui qu’il n’avait accompli d’exploits qu’afin d’épouser<br />

Énide et qu’il était mieux à son affaire dans un lit avec une femme que dans un combat pour l’honneur.<br />

Ces propos finirent par arriver aux oreilles d’Énide qui en fut des plus chagrinées. Elle ne savait<br />

toutefois que faire : devait-elle révéler à son mari les rumeurs qui couraient sur son compte, ou bien se<br />

taire et supporter des remarques de plus en plus méchantes ? N’allait-on pas répétant même que son<br />

mariage avec Énide lui avait seulement servi de prétexte pour se dispenser du service du roi, et qu’il

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