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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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ongles et inonda toute sa manche. « Seigneur ! dirent les chevaliers qui l’entouraient, calme-toi ! Cet<br />

homme est le bouffon de notre maître, et il a le droit de faire toutes les plaisanteries qui lui traversent la<br />

cervelle, quel que soit l’abattement dont nous soyons nous-mêmes tous frappés. Daigne, par courtoisie,<br />

seigneur, lui pardonner, car il ne pensait pas mal faire. Il voulait seulement te dire que le Pêcheur, ton<br />

hôte en cette forteresse, était arrivé et qu’il te recevrait sitôt que tu jugerais bon de l’aller trouver. Nous<br />

t’en prions, calme-toi et va le rejoindre, car il désire te prodiguer les marques de sa bienveillance. »<br />

<strong>Perceval</strong> comprit qu’il s’était mis en colère pour peu de chose. « Désormais, se dit-il, je ne manifesterai<br />

plus rien de mes émotions. » Et il emboîta le pas au bouffon.<br />

Ils pénétrèrent ainsi dans une grande salle. En haut des murs brillaient cent lustres où étaient fichées<br />

d’innombrables chandelles, tandis que plus bas palpitaient de petits candélabres. On voyait aussi trois<br />

cheminées carrées, ciselées dans le marbre, et où flambaient des bûches si colossales que <strong>Perceval</strong> n’en<br />

avait jamais vu de semblables. De bronze massif, les hautes colonnes qui soutenaient les cheminées<br />

étincelaient comme de l’or pur, tant les faisait resplendir la clarté du foyer. Enfin, au milieu de la salle,<br />

<strong>Perceval</strong> aperçut, assis sur un lit drapé d’une couverture à la blancheur immaculée, un vieillard dont la<br />

tête était recouverte d’un chaperon de zibeline noire comme la mûre, où s’enroulait une torsade pourpre.<br />

Quelques touffes de cheveux blancs émergeaient de cette coiffure, et le vieillard, un coude appuyé sur la<br />

couche, avait un air pensif que <strong>Perceval</strong> reconnut tout de suite : c’était le Pêcheur qui, de sa barque, sur la<br />

rivière, l’avait invité pour la nuit dans sa demeure. Aussi s’inclina-t-il devant lui.<br />

« Mon garçon, dit le Pêcheur, j’espère que tu ne m’en voudras pas de ne pas me lever pour te faire<br />

honneur mais, ainsi que tu peux le constater, je ne suis guère libre de mes mouvements : voilà longtemps<br />

que ma jambe me fait souffrir d’une blessure inguérissable. – Au nom de Dieu, seigneur, répliqua le<br />

<strong>Gallois</strong>, ne te soucie pas de cela. C’est très bien ainsi. » <strong>Le</strong> Pêcheur pourtant s’en souciait quelque peu,<br />

car il se souleva et se redressa le plus qu’il put sur sa couche. « Mon garçon, dit-il, approche-toi sans<br />

crainte et assieds-toi près de moi, je te le demande par grande amitié. » <strong>Perceval</strong> s’assit à côté du<br />

Pêcheur. « Mon garçon, reprit celui-ci, d’où viens-tu aujourd’hui ? – Seigneur, je suis parti ce matin<br />

d’une forteresse dont j’ignore le nom, où j’ai été reçu par un vieil homme et ses deux fils, l’un très blond,<br />

l’autre très brun. – Sur ma foi, tu as fait là un long voyage, car la forteresse dont tu me parles ne se trouve<br />

guère tout près d’ici. Mais, dis-moi : d’où vient que tu n’aies pas d’épée ? – Mon hôte m’a fait jouer du<br />

bâton contre un de ses fils puis il m’a prié de frapper de mon épée un crampon de fer qui se trouvait fixé<br />

dans le sol de la salle. Deux fois mon épée s’y est brisée en deux morceaux que j’ai pu néanmoins<br />

ressouder. Mais, la troisième fois, il m’a été impossible de la réparer. Voilà pourquoi je n’en ai plus.<br />

— Comment feras-tu, demanda le Pêcheur, si l’on t’attaque ? – Je puis utiliser mes poings, répondit<br />

<strong>Perceval</strong>, ce ne sera pas la première fois. » Ils continuèrent à deviser de choses et d’autres jusqu’au<br />

moment où pénétra dans la salle une jeune femme revêtue d’un long manteau de voyage en lin vert<br />

soutaché de rouge et qui, sur ses deux paumes, portait une épée en son fourreau. Elle se dirigea droit vers<br />

le Pêcheur, s’inclina devant lui et lui remit l’épée. Celui-ci la prit dans ses mains et en examina<br />

attentivement le fourreau richement orné. Puis il tenta d’en tirer la lame et n’y put parvenir. Après<br />

plusieurs essais infructueux, il dit à <strong>Perceval</strong> : « Mon garçon, essaie de tirer cette épée. » <strong>Perceval</strong><br />

s’empara du fourreau, le tint solidement dans sa main gauche, et sans difficulté, de sa main droite, en<br />

retira l’épée : faite d’un acier qui semblait très dur, la lame étincela des mille feux des lustres et des<br />

candélabres.<br />

« Seigneur roi, dit la jeune femme, s’adressant au Pêcheur, j’ai accompli un long trajet pour venir<br />

t’apporter cette épée. C’est ta nièce, la Dame du Lac, qui t’en fait présent. Tu ne verras jamais d’épée<br />

plus légère pour sa taille. Elle a été forgée et trempée par le plus habile forgeron que l’on connaisse, et je<br />

puis te dire son nom : Govannon, fils de Dôn, dont les pouvoirs magiques sont reconnus de tous. Il n’a<br />

jamais forgé que trois épées. La première est celle que possède le roi Arthur. La seconde, celle-ci, seul

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